« Une vie de prestige », « Life by the sea », « Get luxury appartments », « L’île d’exception », « Investissez les pieds dans l’eau »… Sur l’autoroute entre Port-Louis et Grand Baie, dans le nord de l’île Maurice, des dizaines de slogans défilent, en anglais et en français, sur de vastes panneaux publicitaires conçus pour vanter, à grand renfort d’images paradisiaques, les atouts du « bijou de l’océan Indien ».

S’il est vrai que depuis les années 1970, Maurice est perçue comme une destination touristique plutôt haut de gamme – « le paradis des golfeurs » –, la tendance s’est intensifiée et diversifiée depuis dix ans. Au point d’avoir fait du « luxe » une stratégie suivie par les différents acteurs du tourisme et de l’immobilier. Les publics visés ? Les segments « jet set » et « premium » des touristes venus des quatre coins du monde, mais aussi les étrangers désireux d’investir dans l’immobilier de prestige.

Une clientèle choyée

Lancée en 2013, la revue semestrielle Luxury Mauritius sert de vitrine à cette tendance. Au fil d’entretiens avec des acteurs du luxe mauricien (automobile, hôtellerie, restauration, immobilier, conseil en investissements, etc.), les pages en papier glacé du magazine déclinent les différentes façons de penser et de consommer le « luxe » sur l’île. Première cible : les milliers de touristes fortunés qui, chaque année, viennent chercher à Maurice des prestations haut de gamme. Combien sont-ils parmi les 1,3 million de visiteurs (13 millions de nuits) enregistrés à Maurice en 2017 (+ 30 % par rapport à 2014) ?

Une certaine discrétion entoure cette clientèle choyée, à l’image des murs d’enceinte qui dissimulent les bungalows des nombreux hôtels cinq-étoiles du littoral. Pas de statistiques sur ce « segment » au très officiel Bureau des statistiques, pas de précisions non plus du côté de la Mauritius Tourism Promotion Authority. Officiellement, l’objectif est d’être à la portée de toutes les bourses. Mais dans les faits, la catégorie « luxe » génère une grande partie des revenus du tourisme, un secteur qui employait 31 000 salariés en 2017 et pesait 60 milliards de roupies (1,4 milliard d’euros), soit 8 % du PIB.

« Ce positionnement est naturel à Maurice, au vu de la distance et du coût du billet d’avion », reconnaît Jocelyn Kwok, président de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim). Dans son dernier rapport annuel (2016-2017), parmi les 92 hôtels membres de l’association (sur 112 au total sur l’île), 62 sont classés en catégories quatre ou cinq-étoiles. Les prix affichés par ces établissements ? Entre 300 et 5 500 euros la nuit, selon la saison et l’endroit.

Cette offre hôtelière de luxe suscite en outre de nouveaux services haut de gamme : tourisme médical (soins de la peau, chute des cheveux, prothèses dentaires, etc.), création d’héliports pour les déplacements rapides sur l’île, construction d’un nouveau circuit de formule 1…

Des villas à 8 millions d’euros

Depuis dix ans, un autre créneau se développe : celui des villas de luxe, à acheter ou louer. Ajay et Banita, un couple de dentistes indiens vivant à Londres, la cinquantaine, viennent de réserver une villa de ce type à Grand Baie. « C’est ma secrétaire qui s’est occupée de la réservation, explique Ajay. Très haut de gamme, presque sur la mer. » Le prix du séjour ? « Je crois que c’est environ 1 200 euros la nuit, sans les options. »

Signe des temps, de nombreuses agences internationales sont venues s’installer sur l’île. C’est le cas de Barnes International Realty, une entreprise spécialisée dans la vente et la location de villas, résidences et châteaux de luxe, présente dans 60 pays. Après un premier bureau à Mahébourg en 2015, elle vient d’ouvrir deux nouvelles agences à Grand Baie et Tamarin.

En quelques années, les complexes de « résidences » et les « villages » privés, baptisés Anahita, Azuri ou encore Matala, se sont multipliés. Outre les groupes mauriciens (dont les grandes familles sucrières), de nombreux investisseurs étrangers ont misé dans l’immobilier de prestige, incités par le « Property Development Scheme » qui, depuis 2015, leur permet de demander un permis de résidence à Maurice pour un montant minimum d’investissement de 500 000 dollars pour une villa.

Pionnier dans ce domaine, le village d’Anahita fête ses 10 ans. Installé sur la côte est de Maurice, le site de 230 hectares compte sept restaurants, un boat house, un spa et deux parcours de golf dessinés par Ernie Els et Bernhard Langer. Pour les repas, il offre aussi la possibilité d’avoir un chef à domicile. Sur le site officiel de la copropriété, les prix des villas disponibles sont éloquents : entre 1,3 et 8 millions d’euros. Au total, 230 propriétaires sont aujourd’hui domiciliés à Anahita et seuls 20 % d’entre eux sont Mauriciens.

Sommaire de notre série « L’île Maurice en quête d’un second miracle »

Canne à sucre, tourisme de luxe, « économie bleue »... Le pays cherche à diversifier ses ressources.