Le président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, le 24 mai, à Kiev. / GENYA SAVILOV / AFP

Depuis son élection, en septembre 2016, à la présidence de l’Union des associations européennes de football (UEFA), le Slovène Aleksander Ceferin avait promis de « garantir l’équilibre concurrentiel » entre les clubs du Vieux Continent. Entre les lignes, il s’engageait à réduire les écarts financiers colossaux entre les clubs riches et pauvres. L’un des principaux chantiers du successeur de Michel Platini (2007-2015) était de remettre à plat le mécanisme du fair-play financier (FPF), introduit en 2011 et en vertu duquel les équipes européennes ne peuvent dépenser plus qu’elles ne gagnent sous peine de sanctions.

Jeudi 24 mai, à quarante-huit heures de la finale de la Ligue des champions programmée à Kiev entre le Real Madrid et Liverpool, le comité exécutif de l’UEFA a adopté une nouvelle version du FPF, qui interdit jusqu’à présent les clubs à afficher plus de 30 millions d’euros de déficit cumulé sur trois saisons. Comme attendu, le gouvernement de la Confédération européenne a durci le dispositif afin d’« améliorer la transparence » et d’« anticiper les sujets d’interrogations financières ». Ce nouveau dispositif s’appliquera à partir de la saison prochaine. Il est censé contribuer à faire baisser le niveau d’endettement (269 millions d’euros de pertes enregistrés par les clubs en 2016, contre 1,7 milliard en 2011, avant la mise en place du FPF) des équipes du continent.

Les clubs engagés dans les compétitions continentales seront désormais tenus de « publier leurs informations financières, y compris les commissions aux agents ». Cette réforme intervient alors que plusieurs imprésarios profitent de la tendance inflationniste du marché des transferts pour dégager des revenus stratosphériques, comme l’Italo-Hollandais Mino Raiola qui, selon Mediapart, a touché 49 millions d’euros sur le transfert record, en 2016, de Paul Pogba de la Juventus Turin à Manchester United (105 millions d’euros + 5 millions de bonus). L’agent étant rémunéré à la fois par le club acheteur et pas l’acheteur. « Cela doit amener les joueurs et leurs proches à être plus prudents », assure au Monde une source proche du FPF.

« Approche plus proactive » du FPF

Soucieuse de promouvoir « une approche plus proactive » du FPF, l’UEFA contraint désormais les équipes à publier leurs comptes et résultats financiers. « Une série de nouveaux indicateurs financiers vont permettre un monitoring (surveillance) du budget des clubs plus strict de la part de l’instance européenne de contrôle financier des clubs (ICFC) », indique la Confédération. Alors qu’il n’avait pas été intégré à la première version du FPF, le niveau d’endettement (avec un ratio d’endettement maximum par rapport au bénéfice avant impôts, intérêts et amortissement) des équipes sera contrôlé de près par les experts du fair-play financier.

Autre innovation, si un club présente un déficit de plus de 100 millions d’euros entre ses achats et ses ventes sur le marché des transferts, il devra fournir des garanties à l’ICFC qui se penchera sans délai sur son cas. Cette mesure a été entérinée alors que le Paris-Saint-Germain, qui fait l’objet d’une enquête de l’UEFA dans le cadre du FPF et connaîtra son sort en juin, a dépensé plus de 400 millions d’euros, à l’été 2017, pour enrôler le Brésilien Neymar (222 millions d’euros) et le jeune prodige français Kylian Mbappé (145 millions d’euros et 35 millions d’euros de bonus), prêté par Monaco.

« Le monitoring de la période des transferts et de l’endettement va nous donner plus de possibilités de réaction à chaud. Avec effet immédiat. Cela va peu à peu dans le bon sens. Il y a moins d’opacité », assure la source proche de l’ICFC. Cette dernière cite en exemple le Milan AC, club ultra-endetté (255 millions d’euros de pertes) et racheté en 2017 par l’homme d’affaires chinois Li Yonghong, et dont le cas a été transmis à la chambre de jugement du contrôle financier des clubs. En juin, l’équipe lombarde connaîtra sa sanction. Elle pourrait être exclue de la Ligue Europa.

Ceferin, un réformateur épris d’équité ?

« Dans la pratique, nous allons aussi essayer d’utiliser certains leviers existants de façon plus stricte, comme l’évaluation de la valeur réelle de contrats sponsoring », insiste le proche de l’ICFC alors que l’UEFA considère que les contrats de sponsoring du PSG (avec notamment l’autorité du tourisme du Qatar) ont été, comme en 2014, surévalués par le club.

Malgré ses intentions initiales, l’UEFA aura, en revanche, davantage de mal à durcir son dispositif sur les transferts entre clubs ayant un actionnaire commun (comme Manchester City avec ses « filiales » New York et Melbourne City), afin d’éviter d’éventuels arrangements et collusions d’intérêts. « Il y a des moyens détournés pour contourner ce principe », glisse la source proche de l’ICFC.

Vent debout contre le projet d’élargissement (de 12 à 24 équipes tous les quatre ans) de la Coupe du monde des clubs défendu par son homologue de la FIFA Gianni Infantino, Aleksander Ceferin polit, au fil des moins, son image de réformateur épris d’équité et soucieux de défendre les intérêts du Vieux Continent. Dernier exemple en date : le président de l’UEFA a demandé à l’Union européenne (UE) de revoir ses règles sur la libre circulation des travailleurs, en matière de football. Son objectif : limiter les transferts de joueurs à l’étranger, afin de réduire les écarts de niveau entre les clubs qui « nuisent à l’équilibre de la concurrence ».