Pisciculteur de 34 ans, Olivier Zaga a assisté, samedi 19 mai, à la mort de 10 tonnes de poissons qu’il élevait dans 28 enclos installés sur le bord du lac Toho, qui s’étale sur 21 km2 dans le sud-ouest du Bénin. « Je suis anéanti », avoue cet ancien électronicien, l’air effaré et la voix enrouée. Comme pour lui, la pêche est la principale activité des habitants du département du Mono.

Dès le 17 mai, la population vivant sur les berges du lac avait alerté sur la mort mystérieuse de plusieurs espèces de poissons, avant que le phénomène ne se propage vers le village de Kpinnou et décime l’élevage de tilapias d’Olivier Zaga, seul pisciculteur victime de cette hécatombe. « En dehors de mes enclos, où 40 000 poissons sont morts, je ne saurais évaluer la perte dans le lac », dit-il.

Le drame du lac Toho a fait craindre, au sein de l’opinion béninoise, l’intoxication des peuples Xwla et Xwéda, qui organisaient, du 18 au 20 mai, leur fête annuelle de retrouvailles à Grand-Popo, à 60 km du lac, à grand renfort de « dakouin », une spécialité locale à base de poisson frais. Mais jusqu’à présent, aucun cas de décès ou de maladie lié à une intoxication n’a été enregistré.

Une « fine pellicule onctueuse »

Le 21 mai, le ministre de la pêche, Gaston Dossouhoui, a envoyé une équipe d’experts pour connaître les causes du drame. Celle-ci a effectué des prélèvements d’eau, d’écume et de poissons morts, dont les analyses sont en cours.

« Je soupçonne un déversement, accidentel ou criminel, d’un produit de synthèse dans le lac », déclare Cyrille Aholoukpè, un responsable de la Direction de la production halieutique, mentionnant la présence d’une « fine pellicule onctueuse » à la surface de l’eau et précisant que des personnes ont parfois recours à de telles pratiques pour pêcher plus facilement. De son côté, Olivier Zaga se dit convaincu que « le polluant ne provient pas de [son] domaine piscicole, il a été déversé dans le lac ».

Pour préserver la population, un arrêté préfectoral a été pris le 22 mai, interdisant jusqu’à nouvel ordre la pêche, la commercialisation et la consommation de produits en provenance du lac Toho. De leur côté, les autorités du Togo voisin ont annoncé, le 24 mai, que « toute cargaison de poissons en provenance du Bénin non accompagnée de certificat sanitaire sera saisie et détruite ».

Le regard tourné vers un avenir encore incertain, Olivier Zaga conclut : « Ma priorité est de savoir quelle est la nature du polluant et quand on pourra réutiliser l’eau du lac. » Signe rassurant : les dernières pêches expérimentales effectuées par les autorités n’ont remonté que des poissons vivants.