L’alliance française de Johannesburg, en Afrique du Sud. / Alliance française

Tribune. Présidentes et présidents d’alliances françaises en Afrique, nous observons avec tristesse les dangers qui menacent actuellement la Fondation alliance française et le réseau qu’elle anime. Nos associations, implantées localement dans des villes aussi diverses que Lagos au Nigeria ou Le Cap en Afrique du Sud, sont nées il y a plus de cent ans de l’envie de tisser des liens forts avec la France et sa culture. Les comités que nous avons l’honneur de présider sont composés de personnalités locales éminentes, toutes convaincues que la culture française occupe une place singulière dans le monde.

La Fondation alliance française, créée il y a dix ans, a apporté un souffle neuf dans notre réseau. Alors que nos associations étaient jusqu’alors assez isolées, en contact irrégulier avec Paris, nous avons enfin pu disposer d’une structure de coordination à même de comprendre nos besoins. Elle est aujourd’hui une structure indispensable qui permet au réseau de se coordonner et d’améliorer grandement ses performances. Un seul exemple : depuis la création de la fondation, le nombre total d’étudiants de français en alliances françaises a augmenté de près de 15 % !

Singularité du modèle alliance française

La force de cette fondation tient à son indépendance vis-à-vis du ministère qui vous incombe. En effet, nos associations sont fières de travailler avec vos ambassades mais ne peuvent en être des extensions. Les personnes qui animent au quotidien la Fondation alliance française sont toutes issues de notre réseau : elles en comprennent les besoins et les spécificités. Les nombreux outils mis à notre disposition par la fondation durant les dix dernières années et les relations de confiances tissées, ne doivent pas disparaître.

Aujourd’hui, la survie de la fondation semble menacée à très court terme. Sa fusion dans l’Institut français a été proposée par le président Macron. Nous, présidentes et présidents d’Afrique australe sommes inquiets de cette proposition. Un rattachement de notre réseau à l’Institut français, moins indépendant que la fondation actuelle et dont le fonctionnement est très différent du nôtre annihilerait la singularité du modèle alliance française, organisation intermédiaire entre les structures de la diplomatie française et les partenaires locaux.

Nous tenons aussi à vous questionner, Monsieur le Ministre, sur votre position quant aux personnels du ministère de l’Europe et des affaires étrangères mis à disposition de nos associations. Alors que leur nombre a déjà fortement diminué en quelques années, il est régulièrement évoqué de nouvelles suppressions de postes. Sachez que ces personnels sont pour nous essentiels. Alors que les comités et nous-mêmes assurons le lien des alliances françaises avec les villes et pays où elles se trouvent, les personnels détachés assurent le lien avec la France.

Ces personnels sont bien souvent le seul lien dont nous disposons avec l’ambassade de France de notre pays. Leur rattachement à l’équipe des services de coopération et d’action culturelle est indispensable pour que nous ayons connaissance des priorités de votre pays. Leur remplacement par des personnes recrutées localement diminuerait considérablement notre image locale et donc notre influence auprès de la population de nos villes. Enfin, les finances de nos associations ne permettent nullement de couvrir le salaire d’un bon administrateur embauché localement. Comme le montre le triste exemple de l’alliance française de Mitchell’s Plain, en Afrique du Sud, la suppression du personnel détaché conduit à très court terme à la mort de nos associations.

Une diversité culturelle unique

Si la fondation ainsi que la mise à disposition de ce personnel devaient disparaître, plusieurs de nos structures deviendraient alors de simples centres de langues, dont les liens avec votre pays seraient coupés. Chaque année, nos comités investissent du temps et de l’énergie dans ces associations auxquelles nous croyons. Cet investissement nécessite la reconnaissance de votre pays pour être maintenu.

Alors que le président Emmanuel Macron déclarait récemment « le réseau des alliances se déploiera à raison de dix ouvertures par an à partir de 2019. Je souhaite aussi que les crédits alloués à ces institutions soient pleinement sanctuarisés », nous estimons que le démantèlement en cours de la fondation et, au-delà, l’affaiblissement du réseau des alliances françaises qui en découlera immanquablement, vont dans un sens opposé à cette déclaration.

Si vous aussi croyez que les alliances françaises participent à la présence de la France dans le monde, alors ne laissez pas mourir la Fondation alliance française ! Si vous aussi croyez que les alliances françaises apportent dans nos villes une diversité culturelle unique au regard de la mondialisation, alors continuez à nous soutenir par du personnel détaché par votre ministère !

Natasha Ntlhasinye, présidente Alliance française de Maseru, Lesotho ; Xenia Ayiotis, présidente Alliance française de Pretoria, Afrique du Sud ; Juliet Clegg, présidente Alliance française du Cap, Afrique du Sud ; Kenny Tonga, président Alliance Française de Lusaka, Zambie ; David Mouat, président Alliance française de Bulawayo, Zimbabwe ; Deborah Ewing, présidente Alliance française de Durban, Afrique du Sud ; Pusetso Morapedi, présidente Alliance française de Gaborone, Botswana ; Archie Magwaza, président Alliance française de Mbabane, Eswatini (anciennement Swaziland) ; Annette Eastwood, présidente Alliance française de Harare, Zimbabwe ; Thembi Mossou Sene, présidente Alliance française de Johannesburg, Afrique du Sud.

Ce courrier, signé par les président(e)s ci-dessus, reçoit le soutien entier des membres des comités des alliances françaises de Maseru, Pretoria, Le Cap, Bulawayo, Durban, Gaborone, Mbabane, Harare et Johannesburg.