Plus de 7 000 emplois supprimés, était-ce le prix à payer pour conserver le pouvoir ? Lors de son assemblée générale, jeudi 24 mai à Francfort, les dirigeants de la Deutsche Bank (DB) n’ont pas lésiné sur l’ampleur des annonces : dans la première banque allemande, le nombre de salariés devrait « passer nettement sous la barre des 90 000 » d’ici à la fin 2019, contre 97 130 en équivalent temps plein à fin mars.

Le message était censé calmer la vindicte des actionnaires lassés de la gestion erratique de l’établissement et des résultats en berne. Las ! Cette nouvelle mesure radicale n’aura permis ni de stopper l’effondrement du cours (jusqu’à − 6 % jeudi en journée) ni d’apaiser la fureur des détenteurs du capital de la banque présents à Francfort.

Et pour cause : depuis un mois, la Deutsche Bank a de nouveau fait la preuve de son incapacité à garder un cap constant. Début avril, les observateurs médusés avaient assisté à un curieux changement de direction : John Cryan, nommé PDG mi 2015 précisément pour faire revenir le calme, a été brutalement remercié, après plusieurs jours de rumeurs sur son successeur potentiel. Le nouveau PDG, Christian Sewing, a annoncé quelques jours plus tard une transformation profonde du département de banque d’investissement, confirmée jeudi lors de son discours.

Trois PDG depuis 2012

L’ancien cœur du réacteur de la banque renonce à une grande partie de ses ambitions mondiales dans le secteur en réduisant ses activités aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Deux membres importants du directoire, visiblement déçus, ont quitté la banque dans la foulée.

Jeudi, de vives critiques ont été adressées au président du conseil de surveillance de la Deutsche Bank, Paul Achleitner. Plusieurs fonds d’investissement de renom, parmi lesquels le britannique Hermes, qui conseille la gestion de fonds totalisant 370 milliards d’euros d’actions, ont ouvertement appelé à réfléchir à la question de sa succession, le rendant coresponsable des errements de la banque.

Depuis sa prise de fonctions en 2012, ont-ils rappelé, DB a connu trois PDG, a multiplié les changements de stratégie et a imposé à ses actionnaires trois augmentations de capital. Aucune de ces mesures n’est parvenue à redresser durablement la banque, qui a enchaîné trois exercices négatifs depuis 2015. « Le cours de l’action ressemble à un trajet dans une gare fantôme, où derrière chaque virage se tapit une surprise désagréable », a lancé Andreas Thomae, gestionnaire de la Dekabank, le fonds des Caisses d’épargne allemandes.

Le PDG Christian Sewing, 48 ans, ne pouvait démarrer son mandat dans de pires conditions. Il a annoncé une baisse des coûts et un rééquilibrage des activités en direction des secteurs moins dépendants des fluctuations des marchés, comme la banque de détail et la gestion de fortune. Pas moins de 800 millions d’euros devraient être dépensés cette année en indemnités de licenciement, ce qui devrait affecter le résultat annuel du groupe, a-t-il prévenu.