Monte dei Paschi di Siena (MPS) a bénéficié d’un sauvetage public en 2017. / FILIPPO MONTEFORTE / AFP

La convalescence du secteur bancaire italien va-t-elle s’arrêter dans son élan, avec l’arrivée au pouvoir du gouvernement populiste réunissant la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S) ? La baisse des actions du secteur, ces derniers jours à la Bourse de Milan, traduit l’inquiétude des marchés.

C’est la plus fragile des grandes banques italiennes qui fait aujourd’hui l’objet de toutes les attentions. Monte dei Paschi di Siena (MPS) ayant bénéficié d’un sauvetage public en 2017, l’Etat italien contrôle désormais plus de 68 % de son capital, avec l’objectif d’en sortir d’ici à 2021. La première ébauche de contrat conclu entre le M5S et la Ligue laisse toutefois entrevoir un plan B pour cette doyenne des institutions financières. « L’Etat actionnaire doit procéder à la redéfinition de la mission et des objectifs de l’institut de crédit dans une optique de service », indique le texte, sans donner plus de précisions.

« Le signal envoyé au marché est que MPS n’est pas une banque comme les autres et qu’elle ne sera pas gérée de manière à la privatiser au meilleur prix. On comprend entre les lignes qu’il s’agit de faire de Monte dei Paschi le bras séculier de l’Etat », traduit Nicolas Véron, économiste au centre de réflexion européen Bruegel et au Peterson Institute. Claudio Borghi, économiste de la Ligue, a d’ailleurs soufflé la semaine dernière à la presse italienne que son parti souhaitait conserver MPS dans le giron de l’Etat, tout en jugeant « assez probable » un changement à la tête de la banque, aujourd’hui dirigée par Marco Morelli, l’artisan du plan de sauvetage de la banque depuis 2016.

Assainissement amorcé

Pourtant, à l’image du secteur bancaire italien, MPS montre les premiers signes de rétablissement. L’institution, qui s’est engagée dans une vaste restructuration (baisse de 20 % des effectifs, fermeture de 600 des 2 000 agences, cession de plus de 28 milliards d’euros de créances douteuses d’ici à 2021) a renoué avec les bénéfices au premier trimestre 2018. De son côté, Intesa Sanpaolo, la première banque d’Italie, a enregistré un bond de 39 % de son bénéfice net trimestriel, à 1,25 milliard d’euros. Mais le redressement le plus spectaculaire reste celui d’UniCredit, l’autre géant bancaire italien, qui, avec 1,1 milliard d’euros de bénéfices au cours des trois premiers mois de l’année, réalise son meilleur premier trimestre depuis 2007.

Certes, les banques italiennes ploient encore sous les créances douteuses héritées de la crise – ces crédits que les clients peinent à rembourser –, mais son assainissement est amorcé. Le stock des « prêts non performants » recule. Après un pic en 2015, année où ils représentaient plus de 18 % du total des crédits, leur niveau est retombé à 14,5 % des prêts fin 2017, selon la dernière analyse de Capital Economics.

« Les banques italiennes ont beaucoup travaillé ces deux dernières années, les problèmes les plus aigus ont été traités, mais nous sommes au milieu du gué, il reste beaucoup de restructurations à mener », note Nicolas Véron. Une multitude de petites banques, souvent fragiles, doivent revoir leur modèle ou être fusionnées, et l’Italie est loin d’en avoir terminé avec l’apurement des créances douteuses. Aussi les observateurs redoutent-ils un changement de pied. « Si consigne était donnée à Monte dei Paschi de prêter à toutes les entreprises en difficulté de la péninsule, il y aurait de quoi s’inquiéter », résume l’un d’eux.

Le nouveau gouvernement inquiète

Une autre crainte agite les artisans de l’union bancaire : celle de voir le nouveau gouvernement contester les règles du jeu européennes mises en place après la crise financière pour sauver ou liquider un établissement bancaire défaillant.

Afin de responsabiliser les banques, l’Union européenne a instauré un nouveau processus qui encadre très strictement les possibilités d’intervention de l’Etat. La directive de résolution des banques (BRRD) a imposé le principe d’un renflouement interne (« bail-in ») afin que ce ne soit plus aux contribuables de payer pour les banques, mais aux actionnaires et créanciers obligataires, c’est-à-dire aux investisseurs ayant acquis de la dette émise par l’établissement.

Or, de nombreux Italiens ont acheté de la dette de leur banque en pensant bénéficier d’un produit d’épargne sans risque. En 2015, un retraité ruiné par les opérations de « bail-in » réalisées lors de la faillite de quatre petites banques toscanes s’était suicidé. « Le bail-in est devenu un gros mot en Italie », souligne M. Véron.

La Ligue et le M5S en ont fait un cheval de bataille. « Il faut que soient revues radicalement de telles dispositions pour une plus grande protection de l’épargne des Italiens », ont-ils affirmé, en jugeant également « nécessaire de responsabiliser davantage tant le management que les autorités de contrôle » des banques, « y compris en appliquant des peines existantes pour faillites criminelles ».

« Se rendent-ils compte que la réglementation bancaire n’est plus une responsabilité nationale ? », a réagi, dans une note, Lorenzo Codogno, ex-économiste en chef du Trésor italien et professeur à la London School of Economics, avant d’ajouter que « les marchés financiers ne le prendront pas à la légère ».