Un numéro unique pour les urgences médicales, mais lequel ? Depuis la révélation le 27 avril de la mort en décembre 2017 de Naomi Musenga, une jeune femme de 22 ans dont l’appel avait été pris à la légère par une opératrice du SAMU, les réflexions engagées sur la convergence des numéros se sont invitées dans le débat public. La ministre de la santé devrait statuer avant l’été.

Invitée jeudi 24 mai sur France Inter, Agnès Buzyn a fait savoir qu’« avant que cet accident grave survienne, nous avions déjà lancé une réflexion avec Gérard Collomb [le ministre de l’intérieur] sur l’articulation des numéros d’urgence entre eux, entre les pompiers et le SAMU ». Un seul numéro est, certes, « plus simple à mémoriser, mais il y a un désavantage », car « vous avez à ce moment-là plusieurs étapes pour joindre le médecin », ce qui fait « perdre de l’information et du temps », a-t-elle relevé. « Il va falloir articuler » cette réflexion sur les numéros « de grande urgence » avec « celle sur la régulation des soins non programmés », a ajouté Mme Buzyn. « Il est important que nous puissions accélérer sur ce sujet » du numéro unique, avait martelé Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, le 13 mai.

Un rapport de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’administration est attendu fin juin. Il dressera un état des lieux de la situation dans les pays ayant un numéro unique pour les urgences.

Treize numéros d’urgence officiels

Deux options se dessinent, celle d’un unique numéro pour les seules urgences, et celle d’un numéro unique de santé, plus globalement. L’instauration du numéro unique n’est pas un débat neuf. En France, on compte treize numéros d’urgence officiels, et bien plus si on compte les numéros locaux à dix chiffres. Entre le 15 pour contacter le SAMU, le 18 pour les sapeurs-pompiers ou le 116 117, numéro peu connu de permanence de soins ambulatoires pour trouver un médecin de garde, l’usager se perd. En tapant le 112, numéro d’urgence accessible dans toute l’Union européenne, il ne s’y retrouve pas mieux, puisqu’il tombe selon les départements sur les sapeurs-pompiers ou le SAMU. Alors que certains pays européens se contentent de ce seul numéro d’urgence, en France, à sa création en 1991, « la question a seulement été de savoir qui allait y répondre, au lieu de créer des plates-formes communes », raconte Patrick Hertgen, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers.

Il défend l’instauration du 112 comme numéro unique d’urgence, pour contacter le SAMU et les pompiers. « Aujourd’hui, accéder au bon service relève du parcours du combattant », selon lui. Une seule plate-forme rendrait le service plus lisible pour l’usager, mais aussi plus efficient. « Une première personne prendrait l’appel sans délai et le transférerait tout de suite au bon interlocuteur. Avec les différents services travaillant à côté, la réponse serait plus coordonnée », défend-il. Aux détracteurs qui reprochent à ce système d’embouteiller la ligne d’urgence, il répond que « c’est difficile d’être plus engorgé qu’on ne l’est aujourd’hui », rappelant qu’en cas d’erreur de numéro aujourd’hui, il faut patienter deux fois avant d’être pris en charge.

Sans aller jusqu’à pousser pour un numéro unique d’urgence, l’Association des médecins urgentistes de France prône également un rapprochement des plates-formes 15 et 18, avec des médecins urgentistes et généralistes travaillant aux côtés des sapeurs-pompiers.

« A Strasbourg, la jeune femme avait contacté les pompiers en premier. Avec une telle interconnexion, elle aurait tout de suite pu être transférée à un médecin urgentiste, soutient Christophe Prudhomme, son président. Dans le Vaucluse et dans l’Aude, des plates-formes communes existent, et ça fonctionne très bien. »

Désengorger les urgences

Une autre option est sur la table, proposée notamment par le député LRM Thomas Mesnier (Charente) dans un rapport qu’il a remis à la ministre de la santé, mardi 22 mai. Plutôt qu’un numéro unique d’urgence, il préconise l’instauration d’un « numéro unique de santé », à la fois pour les urgences médicales et les consultations sans rendez-vous. L’objectif : désengorger les urgences en proposant aux patients d’appeler directement le 15, y compris pour des douleurs non urgentes ou la réorientation vers un médecin de garde. Les médecins généralistes seraient, dans ce schéma, amenés à travailler conjointement avec les médecins urgentistes, les uns traitant les cas urgents, les autres, les maux moins importants.

C’est l’option pour laquelle penche SAMU Urgences de France (SUdF), qui souhaite rapprocher tous les éléments de régulation médicale sous un même numéro. « Vous appelleriez la plate-forme de santé, et on vous orienterait vers l’urgentiste ou le généraliste selon le besoin », explique son président François Braun, qui souhaiterait voir le 15, le 116 117 et les centres antipoison regroupés sous cette plate-forme. Selon lui, « les gens n’appellent pas assez le 15 pour des conseils médicaux » et saturent les urgences à l’hôpital. SUdF s’oppose fermement à l’instauration d’un numéro unique d’urgence commun avec les pompiers. « Nous sommes à l’hôpital, nous resterons à l’hôpital », déclare son président, rappelant que l’éloignement de l’hôpital rendrait plus compliqués les liens avec le personnel hospitalier.

Du côté du syndicat des médecins libéraux (SML) et du syndicat des médecins généralistes MG France, on refuse ces deux options. « Sur un numéro où arrivent les urgences vitales, les appels aux pompiers et la bobologie, il y a un risque d’embouteillages, et des catastrophes peuvent arriver, explique le Dr Philippe Vermesch, président du SML. Si vous avez un infarctus et que vous devez attendre deux ou trois minutes avant de parler à la bonne personne, ça pose problème. » Ils souhaitent le maintien du numéro 116 117 pour répondre au besoin de conseils et orienter les patients vers le bon médecin. Il pourrait, selon eux et la Fédération nationale des pompiers, être la solution pour désengorger à la fois le SAMU et les services d’urgence.