L’Assemblée nationale pendant la prise de parole de Stéphane Travert sur le projet de loi agriculture et alimentation, le 22 mai 2018. / GERARD JULIEN / AFP

Déposé en procédure accélérée en février dernier, le projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable » est arrivé en séance publique au Palais-Bourbon mardi 22 mai.

Porté par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Stéphane Travert, le texte a été l’objet de houleux débats dans l’hémicycle, où se jouaient de nombreuses mesures d’importance.

Ce qui a été adopté

  • Un minimum de bio et d’alimentation « soucieuse de l’environnement » dans les cantines scolaires

L’Assemblée a voté samedi 26 mai l’article 11 prévoyant une part de 50 % de produits bio ou intégrant la préservation de l’environnement dans la restauration collective d’ici 2022. Un « engagement présidentiel ambitieux », selon le ministre Stéphane Travert, trop ambitieux, même, pour la droite, qui a proposé de le repousser à 2025 à cause du risque de « renchérir le coût du repas en collectivité ». Selon le ministre, les mesures anti-gaspillage alimentaire permettront « un balayage » du surcoût, estimé à 68 centimes.

  • L’interdiction de bouteilles plastiques d’eau plate dans les cantines d’ici 2020

Contre l’avis du gouvernement, les députés ont interdit (via des amendements LREM et LR adoptés par 71 voix contre 6) l’utilisation d’eau plate en bouteilles plastique dans les cantines scolaires en 2020 (avec dérogations possibles si l’eau n’est pas potable).

  • L’obligation progressive des « doggy-bags » dans les restaurants

Un amendement voté dimanche 27 mai va rendre obligatoire dès le 1er juillet 2021 la mise à disposition de contenants permettant aux clients de restaurants de repartir avec les restes de leurs repas (appelé « doggy-bag » en anglais). Une mesure qui exclue les offres à volonté et les bouteilles consignées.

Matthieu Orphelin, député LREM du Maine-et-Loire et cosignataire de la mesure, a salué une « avancée » qui va « faire date », tandis que Vincent Descœurs (député LR du Cantal) s’est inquiété du matériau des contenants et de leurs conséquences sur l’environnement.

  • Le renforcement de l’étiquetage de certains aliments et du vin

Un amendement LREM adopté samedi 26 mai devrait renforcer l’étiquetage de certaines denrées alimentaires. Ledit amendement prévoit de faire figurer à partir de janvier 2023 sur certaines denrées alimentaires différentes mentions telles que « nourri aux OGM », le mode d’élevage, l’origine géographique, ou encore « le nombre de traitements, par des produits phytosanitaires sur les fruits et légumes frais », un décret devant préciser ses conditions d’application.

L’ONG CIWF France a salué dans un communiqué une « victoire pour les consommateurs » et appelé le Sénat à « consolider » la disposition.

  • L’utilisation du terme « gratuit » dans la promotion d’un produit alimentaire

Un amendement LREM a été adopté dans la nuit de jeudi à vendredi pour interdire l’emploi du terme « gratuité », ses dérivés et synonymes, dans la promotion d’un produit alimentaire, contre l’avis du gouvernement et du rapporteur.

« Cette interdiction est un prérequis à la reconnaissance du travail des agriculteurs et à un partage équitable de la valeur leur permettant de vivre décemment de leur travail. La gratuité relève du don, par nature non commercial », a justifié Nicole Le Peih, députée LREM du Morbihan et auteure de l’amendement. « La grande distribution va se faire le plaisir de trouver un terme qui voudra dire autre chose. La limitation des promotions en prix ou en volume me semble plus efficace », a pondéré le rapporteur LREM Jean-Baptiste Moreau

  • L’encadrement de la vente à perte et des promotions des distributeurs

L’Assemblée a autorisé le gouvernement à encadrer par ordonnance les promotions dans la grande distribution et à relever le seuil de revente à perte, après un débat passionné sur les effets de cette mesure sur le revenu des agriculteurs et le pouvoir d’achat.

L’article 9 du projet de loi agriculture vise à permettre, dans le cadre d’une expérimentation de deux ans, une majoration de 10 % du seuil de revente à perte sur les denrées alimentaires (qui interdit de vendre tout produit en dessous du prix auquel il a été acheté au fournisseur). Il prévoit aussi un encadrement des promotions excessives, qui devra s’appliquer aussi aux marques de distributeurs, conformément à un amendement adopté.

Ce qui a été rejeté

  • La suppression des contenants en plastique dans les cantines

Députés LREM et Insoumis ont défendu un amendement proposant d’interdire d’ici 2025 les contenants en plastique, au nom du principe de précaution face aux perturbateurs endocriniens. La députée de la majorité Laurianne Rossi a pointé un « enjeu sanitaire et environnemental majeur », tandis que Barbara Pompili, présidente de la Commission du développement durable, a déclaré avoir « froid dans le dos » à l’idée qu’on reproche aux élus de n’avoir rien fait alors qu’ils savaient.

M. Besson-Moreau (LREM) s’est dit, lui, inquiet d’un amendement « dont on ne maîtrise pas le résultat ». L’amendement LREM, non défendu par le gouvernement, a été rejeté par 54 voix contre 27.

  • Un minimum de menus végétariens dans les cantines

La proposition d’introduire une part de menus végétariens dans les cantines, portée par des LREM, MoDem, LFI ou UAI, a alimenté d’autres échanges passionnés, ses partisans invoquant un « mouvement de société très fort ». Les opposants à l’amendement ont parlé de « diktat » (Vincent Descœur, LR), dénonçant la façon dont « on cherche à imposer un style de vie à l’ensemble de nos concitoyens » (Grégory Besson-Moreau, LREM). Des mots qui ont fait réagir Barbara Pompili, qui a jugé « honteux » de dire qu’il faut de la viande pour manger équilibré, et répété qu’« on doit pouvoir avoir le choix ». L’amendement a toutefois été rejeté.

  • L’interdiction des publicités pour produits alimentaires trop gras, trop sucrés ou trop salés

Les députés ont rejeté un amendement proposant d’interdire les publicités pour des produits alimentaires trop gras, trop sucrés ou trop salés à destination des enfants de moins de 16 ans, soutenus par plusieurs députés LREM, PS, LFI et LR.

Défendant un amendement en ce sens, Anne-Laurence Petel (LRM) a souligné qu’« en France, un enfant sur six [était] en surpoids », pointant le « coût pour la société » de l’obésité. Le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, s’y est montré défavorable, affirmant qu’il fallait un texte « qui marche sur ses deux jambes » et souligné « le rôle de régulateur du CSA ». Les amendements ont tous été rejetés.

  • L’obligation d’afficher l’étiquetage nutritionnel Nutri-score

Plusieurs amendements défendus par des députés LREM, MoDem et LFI ont été déposés pour rendre obligatoire la mention du Nutri-score (étiquetage avec un code couleur) sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires. Olivier Véran, député LRM et médecin, notant qu’il ne s’agit pas d’interdire mais de « donner une juste information ». Les amendements ont tous été rejetés.

M. Travert s’y est montré défavorable, soutenu dans cette opposition par certains grands médias audiovisuels, dont les dirigeants (Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, Gilles Pélisson, directeur général de TF1, les patrons de Lagardère Active et de NRJ Group) ont adressé, le 10 mai, une lettre au gouvernement et à plusieurs députés, considérant que cette « simple mention nutritionnelle » risquerait de faire fuir leurs annonceurs.

  • L’interdiction de broyer les poussins mâles et la castration à vif des porcelets

Plusieurs amendements d’Insoumis, de LR ou de non-inscrits visant à interdire la castration à vif des porcelets, le broyage des poussins mâles, les cages pour l’élevage des lapins et encore les « fermes-usines » ont été rejetés.

L’interdiction de la vente des œufs de poules en cage n’a pas non plus été fixée, alors que le candidat Macron s’y était engagé pour 2022. Stéphane Travert a rappelé l’« engagement » de la filière en faveur de 50 % d’œufs coquilles issus d’élevages alternatifs à cet horizon. L’Assemblée a également voté l’expérimentation de la vidéosurveillance dans les abattoirs, alors que le candidat Macron avait laissé entendre qu’elle serait obligatoire.

L’interdiction de l’installation de tout nouvel établissement d’élevage de poules pondeuses en cage a en revanche recueilli l’unanimité.

  • L’amendement « chocolatine »

Les députés ont rejeté un amendement LR « chocolatine », qui avait fait le buzz en voulant relancer le duel avec l’appellation concurrente de « pain au chocolat » lors du débat sur le projet de loi agriculture et alimentation.

Cet amendement porté par une dizaine d’élus LR voulait ajouter au code rural et de la pêche maritime l’objectif de « valoriser l’usage courant d’appellation due à la notoriété publique du produit et de ses qualités reconnues au travers d’une appellation populaire ».

Le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, a estimé en substance que ce n’était pas du niveau du Parlement. Les députés ont par ailleurs voté un amendement de l’ex-socialiste Delphine Batho pour inscrire dans le code rural et de la pêche maritime la volonté de « promouvoir les produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée ».