Carlo Cottarelli arrive au Quirinal, lundi 28 mai à Rome. / ANGELO CARCONI / AP

Le surnom lui colle à la peau, autant pour son style aiguisé que pour son expérience des coupes budgétaires : « Mister Forbici ». A 64 ans, Carlo Cottarelli, le « Monsieur Ciseaux » de la République italienne, a été choisi, lundi 28 mai, comme chef du gouvernement italien, pour tenter de former un gouvernement de technocrates apolitique en plein chaos institutionnel. Une mission déjà promise à l’échec, tant il sera difficile pour lui d’obtenir la confiance du Parlement.

Trois jours après la nomination de l’universitaire Giuseppe Conte à ce poste, qui a préféré jeter l’éponge après un veto présidentiel, c’est un second anonyme qui se présente ainsi aux portes du palais Chigi. Mais à défaut d’être connu du grand public, Carlo Cottarelli a, lui, plusieurs expériences dans les coulisses de la politique italienne.

Révision des dépenses publiques

En 2013 déjà, Enrico Letta, éphémère président du conseil italien, avait appelé à la rescousse ce Lombard originaire de Crémone, diplômé en sciences économiques à l’université de Sienne, puis de la London School of Economics. Après un bref passage à la Banque d’Italie, l’homme a surtout pour mérite une solide expérience au Fonds monétaire international (FMI), où il travaille de 1988 à 2013 au département des affaires fiscales.

C’est à ce titre qu’Enrico Letta, choisi par le Parti démocrate pour mener un gouvernement de grande coalition, nomme Carlo Cottarelli commissaire extraordinaire pour la révision des dépenses publiques dans son gouvernement. A ce poste, il est surtout connu pour « sa tentative, largement soldée par un échec, d’identifier et de réduire le gaspillage de l’administration publique », rappelait La Repubblica lundi matin.

Le Lombard s’était en effet fixé un objectif de coupes budgétaires de 32 milliards d’euros, mais n’a jamais caché sa frustration devant le manque de collaboration de ses collègues de gouvernement, critiquant notamment l’inertie bureaucratique du pays. Dans une interview au Corriere della Sera, ce père de deux enfants rendait compte de son agacement contre « la résistance du monde bureaucratique romain, qui a rendu [s]on travail très difficile ».

Carrière au FMI

En 2014, le nouveau chef du gouvernement démocrate, Matteo Renzi, avait finalement renvoyé Carlo Cottarelli au FMI, où il est devenu directeur exécutif pour l’Italie, l’Albanie, la Grèce, Malte, le Portugal et Saint-Marin jusqu’en 2017. Depuis l’année dernière, « Monsieur Ciseaux » dirige l’Observatoire des comptes publics, rattaché à l’université catholique de Milan. A ce poste, il publie notamment en janvier 2018 un essai intitulé Les Sept Péchés capitaux de l’économie italienne.

Dans une interview accordée à la mi-février à Reuters, quelques semaines avant les élections du 4 mars, cet économiste alors courtisé par plusieurs partis politiques jugeait que les promesses économiques de toutes les formations reposaient sur une évaluation exagérément optimiste de l’inflation et de l’évolution des taux d’intérêt.

Dans les jours précédant l’accord de coalition entre le Mouvement 5 étoiles (M5S) de Luigi Di Maio et La Ligue de Matteo Salvini, il avait chiffré entre 108 milliards et 126 milliards d’euros par an le programme que négociaient les deux partis « antisystème ». « Ils présentent des scénarios économiques très optimistes, et aucune cohérence entre les mesures annoncées et les objectifs de réduction de la dette », notait alors Carlo Cottarelli.

Ce défenseur de la rigueur budgétaire devrait rassurer les marchés financiers, lui qui exclut catégoriquement la sortie de l’Italie de l’euro. La Ligue et le M5S ne s’y sont pas trompés, s’insurgeant lundi matin de cette nomination. C’est « un “Monsieur Personne” qui représente la finance internationale » pour Matteo Salvini ; « un de ces experts donneurs de leçons qui nous ont accablés en taillant dans la santé, l’éducation, l’agriculture… », pour Luigi Di Maio.

Aucune chance de durer

Pour autant, Carlo Cottarelli n’est pas toujours un inconditionnel soutien de l’Union européenne, se montrant parfois critique de la position allemande. « Berlin fait une politique budgétaire publique trop rigoureuse malgré une dette faible. Si l’Allemagne choisissait d’être un peu plus ouverte, cela aiderait le reste de l’Europe », a-t-il ainsi déclaré récemment.

Reste que pour le président italien, Sergio Mattarella, ce joker de dernière minute a au moins le mérite d’être une figure d’apaisement, en ces temps pour le moins troubles. Déjà, à l’issue du scrutin législatif du 4 mars qui laissait une Italie sans majorité, le quotidien La Stampa avait évoqué M. Cottarelli comme un parfait candidat pour diriger un gouvernement « di tutti e di nessuno » (« de tous et de personne » en italien). L’intéressé avait alors répondu par l’ironie : « Il serait plus facile de me faire rentrer au poste d’attaquant de l’Inter de Milan à la place de [Mauro] Icardi. »

Si ce miracle s’est bien opéré, il en faudra surtout un bien plus grand pour que Carlo Cottarelli se maintienne en poste. Au vu de la composition des deux Chambres à l’issue du scrutin du 4 mars, l’ancien directeur au FMI n’a aucune chance d’obtenir la confiance des parlementaires, et risque donc de devoir renoncer rapidement pour qu’un nouveau scrutin législatif soit organisé au plus vite. Au mieux, prédit la presse italienne, son gouvernement sera chargé d’expédier les affaires courantes durant l’été, si le nouveau scrutin ne peut avoir lieu qu’en septembre.