« FAR : Lone Sails » / Okomotive

C’est un peu la mode chez les plus esthètes des développeurs de jeux vidéo : troquer le challenge, les phases d’action et les tests d’adresse contre de longues promenades, des « simulateurs de marche » dont se moquent parfois un peu les détracteurs de ces expériences essentiellement contemplatives.

Cela donne pourtant de très belles choses, comme le poétique What Remains of Edith Finch ou encore le dérangeant Inside. Avec sa progression en deux dimensions (une fuite en avant vers la droite), et son esthétique tout en noir, rouge et blanc, FAR : Lone Sails, sorti le 17 mai sur PC, PlayStation 4 et Xbox One, s’inscrit clairement dans la lignée de ce dernier.

Mais il y a un truc : les développeurs de FAR, facétieux qu’ils sont, en ont fait une sorte de simulateur de marche... en véhicule. Et de fait, on y marche moins que l’on y roule.

Risque de surchauffe

Minuscule silhouette drapée de rouge, le personnage principal de FAR pourrait être un petit homme, une fillette, un esprit peut-être même. Il vient visiblement d’enterrer un homme derrière la maison familiale. On devine qu’il s’agit d’une sorte de figure paternelle : un père peut-être, un créateur en tout cas, inventeur génial et moustachu d’une sorte d’étrange locomotive à voile garée (échouée ?) non loin de là.

FAR: Lone Sails - Launch Trailer
Durée : 01:18

Aussitôt son deuil fait, notre petit personnage grimpe à bord du véhicule et commence la première phase du jeu : comprendre comment faire démarrer l’engin. Pas évident, d’autant que celui-ci est aussi imposant que notre héros est minuscule : la machine encombre une bonne partie de l’écran, et ses commandes, plutôt que d’être centralisées sur un tableau de bord, sont dispersées entre différentes pièces.

Alors on appuie sur des boutons, d’abord un peu par hasard. On traverse le pont pour activer la machine qui transforme les déchets collectés en carburant, on revient précipitamment en arrière pour libérer la vapeur, et si malgré tout le moteur surchauffe, on prend l’ascenseur pour se saisir en urgence de la lance à incendie.

Une fois ces fonctions de base assimilées (il y en aura d’autres plus tard), il n’y a plus qu’à presser celui qui sert à démarrer le moteur... et à le surveiller de près. Régulièrement, la machine cale, et il faut la réenclencher. Ou, mieux, rester appuyé sur le démarreur. Un luxe que l’on ne peut se permettre qu’au prix d’une planification impeccable, tant il y a à faire par ailleurs.

Le personnage principal de « FAR » doit être à la fois au four et au moulin. / Okomotive

Cathédrale sans fidèles

Après cette première phase d’exploration du véhicule commence celle du monde. Sur le papier, la terra incognita qui s’offre à notre frêle petit personnage n’a pourtant rien de vertigineux, puisque ce dernier se contente d’avancer, toujours tout droit.

La grande idée, c’est que la machine, loin de faciliter la progression, la ralentit souvent. Cette grosse loco souffle, ronfle, crache. Elle perd des morceaux, casse une roue, s’enfonce dans la boue, se fracasse contre des obstacles.

Régulièrement, elle nous impose des pauses, nous contraignant à ouvrir l’écoutille et à se lancer, dans toute notre fragilité lilliputienne, dans de ponctuelles explorations verticales, dans les caves de bâtiments abandonnés ou sur les hauteurs d’échafaudages branlants, pour ouvrir un passage ou réparer quelques avaries.

C’est fugace mais cela suffit pour établir une connexion avec le monde désolé qui nous entoure, tandis que l’on se perd, à pied, dans ses profondeurs ou en esprit dans son arrière-plan.

Malgré la modestie du jeu des Suisses d’Okomotive, le joueur retrouve alors des sensations qu’il n’avait plus ressenties depuis les friches industrielles post-apocalyptiques d’un Half-Life 2 ou d’un S.T.A.L.K.E.R., quand il passait d’une maison inhabitée à une usine vide, se faisant archéologue d’un monde que l’on ne pouvait plus sauver.

De majestueux paysages de fin du monde. / Okomotive

L’univers désertique de FAR est lui aussi fait de chantiers abandonnés à la hâte et de carcasses de machines fossilisées. On y aperçoit au loin des habitations, des usines désaffectées se dressant vers les cieux comme les cathédrales d’un culte sans fidèles. Où sont-ils tous passés ? Et pourquoi est-on encore là ? Qui sommes-nous, et quelle est notre mission ?

A la fin de l’aventure, une seule de ces questions aura une réponse claire. Le reste est laissé à l’interprétation du joueur, que ça lui plaise ou non : car si FAR est un jeu qui s’écarte peu des chemins balisés, il n’interdit pas à l’esprit, lui, de vagabonder.

L’avis de Pixels

On a aimé :

  • la dimension très physique du pilotage de la machine ;
  • l’univers mélancolique et intrigant ;
  • de belles séquences contemplatives.

On n’a pas aimé :

  • une histoire évanescente, voire carrément minimaliste.

C’est pour vous si :

  • vous avez toujours rêvé de conduire une locomotive à voile ;
  • vous avez deux heures devant vous ;
  • votre écran ne sait pas afficher plus de trois couleurs à la fois.

Ce n’est pas pour vous si :

  • vous vous attendez à une grande histoire, avec des réponses claires et une morale à la fin.

La note de Pixels

2 sifflements de train sur 3