Léa Taillefert / Léa Taillefert

La gastronomie française jouit d’une réputation incomparable, et notre école en profite. » Le constat est signé Bruno de Monte, directeur de l’école de cuisine Ferrandi, à Paris. Même tonalité à l’Institut Paul-Bocuse de Lyon, qui compte 40 % d’élèves étrangers, de plus de cinquante nationalités : « Partout dans le monde, les étudiants ont envie d’apprendre l’art de vivre à la française », note Dominique Giraudier, le ­directeur général.

Cuisine, hôtellerie, vin, et même tourisme : dans ces domaines où le savoir-faire français brille, les écoles de l’Hexagone disposent d’un avantage compétitif. Mais est-ce suffisant pour leur permettre de rayonner à travers le monde ? Parviennent-elles à attirer des candidats chinois, brésiliens ou européens, à s’implanter à l’étranger, à offrir à leurs diplômés un sésame pour ­l’international ?

La réponse ne va pas forcément de soi. Par négligence ou excès de confiance, les écoles françaises n’ont pas toujours tiré parti de cet héritage prestigieux. « Les Français se sont longtemps reposés sur leurs lauriers, admet Bruno de Monte. Pendant ce temps, les autres ont avancé – les Italiens avec la “slow food”, le Pérou ou les pays nordiques avec une politique très dynamique… »

Ici ou là, à travers le monde, des « écosystèmes » associant instituts de formation et professionnels du secteur sont apparus, avec l’appui des pouvoirs ­publics. Des écoles de cuisine de bon ­niveau ont vu le jour en Espagne, en ­Europe du Nord (notamment en ­Norvège) et en Asie. Les écoles hôtelières suisses (Lausanne, Glion, Les Roches, Swiss Education Group…) attirent des étudiants du monde entier. On trouve, en Australie ou en Californie, des universités de rang mondial pour le management du vin. Et pour l’œnotourisme, des universités britanniques comme Oxford Brookes sont en pointe.

Hausse du niveau de compétences

Ensuite, les métiers ont changé. Si le ­savoir-faire « artisanal » et le sens de l’accueil restent des arguments-clés, la gastronomie et l’hôtellerie misent de plus en plus sur l’international, le marketing et sur un management évolué. Et le niveau de compétences requis augmente.

Résultat, les institutions françaises ont face à elles, sur la scène mondiale, des concurrentes de poids. Elles doivent redoubler d’efforts pour rester dans la course. Conscientes des enjeux, elles multiplient les initiatives et repartent à l’assaut des marchés extérieurs.

L’Institut Paul-Bocuse (750 étudiants) s’est ainsi implanté au Pérou, à Singapour et à Séoul, et s’apprête à ouvrir au Japon et à Manille. En Chine, l’école lyonnaise a fini par fermer son restaurant d’application en 2015, après y avoir formé plus de 500 chefs « à la française ». Elle aussi a élargi son offre au-delà de la gastronomie, lançant un master of science (MSc) en Hospitality Management avec l’EM-Lyon. Et il organise une session d’été, sur quatre mois, pour une soixantaine d’étudiants de quinze pays, en lien avec des universités du monde entier. « Nos diplômés sont assurés d’avoir un emploi à la sortie, souligne Dominique Giraudier. Et 66 % d’entre eux choisissent de s’expatrier. »

A Paris, Ferrandi compte aujourd’hui 300 étudiants internationaux, sur 2 500 inscrits. « Ils viennent notamment pour la pâtisserie, qui suscite un intérêt énorme, note Bruno de Monte. Certains créent des affaires en France, d’autres se lancent un peu partout. » L’école s’associe avec l’ESCP Europe pour lancer ­l’Institut Hosted. Son ambition : concilier connaissance opérationnelle des métiers de la gastronomie-hôtellerie, formation au management de haut ­niveau et grande école d’application. Avec un bachelor et trois MSc à Turin, Madrid et Paris, Hosted s’inscrit dans une optique internationale.

De son côté, l’Institut Vatel aligne 41 écoles dans le monde. A Dijon, Burgundy Business School développe sa School of Wine and Business, dont le nom anglo-saxon dit bien les ambitions internationales. Le MSc Hospitality ­Management de l’Essec, en partenariat avec l’université privée américaine ­Cornell, est une ­référence pour les grandes enseignes ­hôtelières. Des écoles comme Le Cordon bleu ou Savignac sont reconnues partout dans le monde.

Même des établissements plus petits jouent la carte de l’international. C’est le cas du Collège de Paris, qui réunit une douzaine d’écoles privées, dont une ­consacrée à la gastronomie et à l’œnologie, avec un cursus en deux ans. « Nous accueillons un tiers d’élèves étrangers, sur une soixantaine d’inscrits, indique Olivier de Lagarde, le président. Paris reste un endroit idéal pour se former à la ­gastronomie et à l’œnologie. Un jeune qui a obtenu un diplôme ici n’aura aucun mal à s’exporter. »

Les universités aussi s’y mettent. Paris-Est-Marne-la-Vallée (UPEM) propose, avec l’Ecole de Paris des métiers de la ­table, une licence pro en management de la restauration collective et commerciale. « Nos diplômés, souvent titulaires d’un BTS, se placent très vite, et parfois à l’étranger », assure Karim Fraoua, responsable du cursus à l’UPEM. A Gennevilliers (Hauts-de-Seine), l’université de Cergy-Pontoise a monté un « pôle gastronomie » qui offre quatre licences pro (management de la restauration haut de gamme, culture gastronomique française & européenne…) avec le lycée hôtelier parisien Jean-Drouant.

A l’Institut des métiers du goût, chez les Compagnons du devoir, le traditionnel « tour de France » prévoit désormais une année à l’étranger. « Nos diplômés découvrent ainsi d’autres façons de ­travailler et s’habituent à voyager, ­explique Eugène Abraham, le responsable. Cela leur permet de s’installer ­aisément hors de l’Hexagone. » Les Compagnons accueillent aussi des ­apprentis étrangers.

Ainsi de Fuyumi Katono, une Japonaise de 26 ans qui, après son cursus en boulangerie et ses six années de tour de France, est aujourd’hui chargée de ­recherche et développement aux Grands Moulins de France (groupe Soufflet). « Dès l’âge de 15 ans, j’ai été passionnée par le pain et la tradition boulangère française », explique la jeune femme.

Peu à peu, Paris et la France redeviennent incontournables pour la formation à la gastronomie et à l’hôtellerie.

Des suppléments et un salon du « Monde », pour partir à l’étranger

Le Monde a publié, dans son édition datée du 24 mai, un supplément de huit pages consacré aux écoles dans les secteurs de l’excellence française – la fameuse « french touch » –, qui permettent à leurs diplômés de partir étudier ou travailler à l’étranger. Ses articles sont progressivement mis en ligne sur cette page du Monde Campus. Dans l’édition datée 5 juin, un cahier spécial sera consacré aux destinations préférées des expatriés et à l’impact de la vague numérique sur l’offre d’emploi à l’international.

Le Forum Expat 2018, organisé par le groupe Le Monde mardi 5 juin (jusqu’à 21 heures) et mercredi 6 juin à la Cité de la mode et du design, à Paris, réunira de nombreux acteurs de l’expatriation et d’anciens expatriés, pour permettre aux candidats au départ de s’informer pour travailler, entreprendre, vivre au quotidien et gérer son patrimoine à l’étranger. Sont également prévues des conférences thématiques animées par des journalistes de Courrier international et des experts en mobilité. Entrée gratuite, préinscription recommandée.