Le 3 avril, lors de la réouverture de la faculté de droit et de science politique de Montpellier (Hérault). / SYLVAIN THOMAS / AFP

Deux mois après la mise en examen et le placement sous contrôle judiciaire de l’ancien doyen de la faculté de droit de Montpellier, Philippe Pétel, un rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), publié lundi 28 mai, recommande une « procédure disciplinaire » à son encontre.

Philippe Pétel et Jean-Luc Coronel de Boissezon, professeur de droit à la faculté, avaient été suspendus de leurs fonctions après avoir été soupçonnés d’avoir joué un rôle dans des violences survenues dans la nuit du 22 au 23 mars au sein de la faculté. Une dizaine d’individus, cagoulés et armés de morceaux de bois, avaient alors évacué un amphithéâtre occupé par des étudiants mobilisés contre la réforme de l’accès aux études supérieures. Sept de ces étudiants avaient été légèrement blessés.

« Plan B des plus désastreux »

« Il ressort des auditions menées que la responsabilité de M. X [Philippe Pétel], en donnant l’ordre de libérer le passage, d’ouvrir le portillon d’accès du parking et en effectuant plusieurs allées et venues entre le parking et le hall, s’avère pleinement engagée dans l’intrusion du commando cagoulé. Il ressort de ces mêmes auditions que la responsabilité de M. Y [Jean-Luc Coronel de Boissezon] est également engagée, en accueillant le commando sur le parking et en participant à l’expulsion violente des personnes, en majorité des étudiants, qui occupaient l’amphithéâtre », peut-on lire dans ce rapport de 29 pages.

Ses auteurs soulignent en outre « le manque d’expérience et de préparation à la gestion des situations de crise » du doyen, élu en mai 2017. Philippe Pétel se serait « surexposé en se rendant régulièrement dans l’amphithéâtre, en cherchant coûte que coûte à négocier, en se pliant à des humiliations ». Par ailleurs, « le doyen ne relaie pas les informations qu’il a sur la non-intervention des forces de l’ordre, (…) laquelle va conduire à recourir à un plan B des plus désastreux, en dehors de toute légalité, pour évacuer les occupants ».

Pour autant, l’IGAENR ne sait apprécier les raisons pour lesquelles le doyen et le professeur « n’ont pas mesuré les conséquences d’une telle intervention, pourquoi ils ont “disjoncté” diront certains témoins : initiative illégale renforcée par le fait qu’elle est prise par des juristes censés connaître le droit mieux que quiconque ».

Au passage, le rapport épingle un « manque de discernement du président de l’université de Montpellier » qui a autorisé, dans un contexte très sensible, « la tenue de deux réunions consécutives, les 21 et 22 mars » à la faculté de droit. Il cite aussi « la responsabilité du représentant de la FSU », détournant l’objet initial des réunions d’information – transformées en assemblée générale (AG) – et permettant d’y accéder à des personnes extérieures – principalement des étudiants de l’université Paul-Valéry-Montpellier-III.

Suivent neuf préconisations, parmi lesquelles « prendre des mesures conservatoires concernant toute personne de l’université qui serait identifiée parmi les membres du commando » et « entamer une procédure disciplinaire à l’encontre du doyen et de l’enseignant mis en cause ». En écho à celles-ci, le président de l’université, Philippe Augé, a rapidement annoncé, dans un communiqué, sa décision de saisir, dès aujourd’hui, « la section disciplinaire à l’encontre des deux personnes mises en cause ».

Philippe Augé ajoute qu’il maintiendra la cellule de soutien psychologique mise en place le 26 mars et qu’il poursuivra « le travail déjà initié concernant les conditions d’attribution et d’usage des locaux universitaires pour des réunions syndicales ou des assemblées générales étudiantes, tendant à garantir tout à la fois la liberté d’expression et la liberté syndicale et le bon usage des enceintes universitaires ».

« Un bannissement de l’université »

De leur côté, quelque 450 enseignants-chercheurs des facultés de droit de France s’érigent contre la probable reconduction de la suspension du doyen, estimant qu’elle porterait « atteinte à [sa] présomption d’innocence ». Ils prévoient d’adresser un courrier en ce sens à la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, mardi 29 mai, annonce au Monde le professeur montpelliérain Rémy Cabrillac.

« Le professeur Pétel vient d’être avisé de ce que sa suspension allait être reconduite jusqu’à ce qu’une décision de justice définitive soit rendue à son égard, peut-on lire dans le courrier adressé la ministre. C’est-à-dire pour une durée qui risque de se compter en années. (…) Un tel bannissement de l’université constitue une véritable sanction, infligée au mépris des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Pour le rédacteur principal du texte, François-Xavier Lucas, professeur à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, « il ne s’agit pas de prendre parti sur cette affaire montpelliéraine, aujourd’hui entre les mains de la justice, ni sur des faits qui restent toujours aussi mystérieux, mais de rappeler à notre ministre qu’il ne lui appartient pas d’infliger une sanction à un professeur qui nie farouchement avoir commis la moindre infraction ».

La pétition ne fait cependant pas consensus dans la faculté de droit montpelliéraine : « Ce texte est scandaleux », juge un enseignant-chercheur, qui préfère rester anonyme. « Il présente le doyen Philippe Pétel comme une victime irresponsable au regard des événements et dont la seule faute aurait été de les commenter à chaud devant des journalistes apparemment mal intentionnés… On croit rêver ! », s’énerve-t-il.