Racisme : pourquoi Starbucks a décidé de fermer 8 000 restaurants pendant une demi-journée
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Peut-on apprendre à ses employés à ne pas être racistes ? La chaîne de cafés Starbucks se lance mardi 29 mai dans cet exercice délicat, avec une session de formation sans précédent qui entraînera la fermeture exceptionnelle de tous les cafés directement gérés par la chaîne aux Etats-Unis, soit quelque 8 000 établissements.

Mardi après-midi, cette initiative inédite devrait mobiliser pendant quatre heures près de 175 000 employés. Le 17 avril, quelques jours après l’indignation suscitée par l’arrestation de deux jeunes hommes noirs dans un café de Philadelphie, les dirigeants de Starbucks avaient tenté d’apaiser les tensions en annonçant cette journée de formation.

Une arrestation au seul motif que les deux hommes demandaient à attendre l’arrivée d’une connaissance avant de consommer. La scène, filmée par un smartphone, avait été largement diffusée sur les réseaux sociaux. Des manifestations avaient suivi, avec la menace d’un boycottage pour cette chaîne de café aux Etats-Unis.

L’incident a illustré de façon frappante les discriminations fréquentes que subissent toujours les Noirs aux Etats-Unis, dans un contexte de tensions raciales exacerbées depuis l’élection de Donald Trump.

Un résultat loin d’être garanti

Plusieurs responsables ont salué l’initiative de Starbucks, soulignant cependant que le résultat est loin d’être garanti. « C’est historique, je ne connais pas d’autre société aussi omniprésente que Starbucks qui ait montré sa volonté de prendre le racisme par les cornes », a déclaré Sherrilyn Ifill, présidente du Legal Defense and Education Fund, émanation de la puissante organisation de défense de la cause des Noirs NAACP. 

« Ils ouvrent la voie aux entreprises qui vendent au grand public pour qu’elles s’attaquent honnêtement et franchement aux inégalités raciales », a ajouté Mme Ifill, sollicitée par la direction de Starbucks pour aider à préparer cette formation.

Une aide fournie par les organisations de lutte contre les discriminations, non sans conditions. « Nous avons dit clairement que nous n’allions pas valider aveuglément leur programme si nous ne pensions pas qu’il puisse tenir ses promesses », a déclaré Heather McGhee, présidente de l’association Demos, également consultée par Starbucks. « Nous ferons un rapport au début de l’été avec une liste plus complète de choses à faire pour vraiment montrer l’exemple sur cette question », a précisé Mme McGhee.

Starbucks semble avoir entendu les réserves des associations. « Le 29 mai n’est pas une solution, mais c’est un premier pas », a prévenu la direction sur son site Internet. « La première session se concentrera sur la compréhension de ce qu’est le biais racial et l’histoire des lieux publics aux Etats-Unis. Les prochaines formations porteront sur toutes les sortes de discriminations et d’expériences. »

En quoi concrètement va consister la formation de mardi ? Starbucks a refusé que les médias assistent à l’exercice. Dans un petit film de présentation, l’entreprise américaine explique simplement que les employés devront visionner un film original du documentariste Stanley Nelson sur l’histoire des Noirs américains, et discuteront ensuite en petits groupes de leurs expériences de discriminations raciales. Le tout encouragé par de petits discours des dirigeants de l’entreprise née en 1971, Howard Schultz et Kevin Johnson.

Aussi incertain que soit le résultat, Sharon Rush, spécialiste des relations interraciales à l’université de Floride, espère que Starbucks poussera d’autres entreprises à multiplier les formations sur les discriminations raciales, comme elles ont multiplié les formations sur le harcèlement sexuel. « Si d’autres entreprises disent “Nous aussi, il faut qu’on fasse ça” », dit-elle, « ce sera vraiment un résultat positif ».