La première à se lancer sera la ministre de la culture, Françoise Nyssen, suivie par son collègue des comptes publics, Gérald Darmanin. L’ensemble du gouvernement doit suivre. Mercredi 30 mai devait démarrer un grand oral inédit de l’exécutif devant les députés. L’occasion : l’examen de la « loi de règlement », censée valider chaque année le budget de l’année écoulée. D’habitude, l’exercice est bref : en 2017, deux réunions de la commission des finances y avaient été consacrées. Cette année, les députés enchaîneront quelque 18 séances, jusqu’au 7 juin, avant trois jours de débat dans l’Hémicycle, du 18 au 20 juin.

« Cela inquiète un peu les ministres, qui n’ont pas l’habitude de rendre des comptes », glisse Valérie Rabault, présidente du groupe Nouvelle Gauche et ancienne rapporteuse générale du budget. « Ce n’est pas pour fliquer mais pour mieux voter », précise Laurent Saint-Martin, député LRM du Val-de-Marne. Arrivés dans l’Hémicycle dans la foulée de l’élection d’Emmanuel Macron, les députés LRM, souvent qualifiés de « godillots » en début de mandat, ont bien l’intention de demander des comptes au gouvernement sur l’utilisation des deniers publics. Montée par une dizaine de membres de la commission des finances (les LRM Amélie de Montchalin et Laurent Saint-Martin, et le MoDem Jean-Noël Barrot en tête) qui ont fait de l’évaluation des politiques leur cheval de bataille, cette version rénovée a même un nom, très marketing : « le printemps de l’évaluation ». Objectif : passer en revue la seconde partie du projet de loi de finances (dépenses), qui fixe les moyens de l’ensemble des ministères. Et vérifier si les crédits alloués ont bien été utilisés aux fins prévues. Les ministres auditionnés auront à répondre de la manière dont ils ont utilisé leurs enveloppes.

« Droit de suite »

Mais « la loi de règlement n’est qu’un prétexte. L’objectif, c’est d’évaluer l’efficacité des politiques publiques qu’auront choisies les rapporteurs, sur plusieurs années s’il le faut. Il pourra s’agir des contrats aidés, de la politique d’aide au développement… », détaille Eric Woerth, le président LR de la Commission des finances, qui a défendu la démarche.

Le député LRM de Paris Pierre Person, rapporteur spécial pour une partie des crédits du ministère de la culture, raconte ainsi avoir complété son travail sur l’utilisation du budget par deux déplacements sur le terrain. Ces derniers lui permettront de plaider pour un « rééquilibrage » de l’attribution des fonds de la culture sur le territoire français alors que ces budgets sont, aujourd’hui, « essentiellement parisiens ». Des conclusions qui pourront, outre la confrontation aux ministres, faire l’objet de propositions de résolution par des députés – sans force de loi.

« C’est une expérimentation. Il faudra tirer le bilan de cette première version », prévient M. Woerth. Car ce « printemps » sera d’abord ce que les députés en feront. « Je compte sur la présence et l’engagement de chacun » pour faire de l’opération « un succès », a pris soin de souligner M. Woerth, dans un mail envoyé la semaine dernière à ses collègues.

Alors que les députés s’irritent de la main-mise grandissante de l’exécutif sur le Parlement, ce nouveau format semble faire consensus, y compris au sein de la plupart des groupes d’opposition. « Ça va être un changement en profondeur de la façon dont on aborde l’évaluation budgétaire », se félicite le député socialiste Régis Juanico, qui travaille sur ces questions depuis de longues années. « Sur le principe, c’est très bien. Le Parlement doit pouvoir exercer sa mission de contrôle », abonde Mme Rabault.

Les députés de la majorité parviendront-ils à installer un véritable rapport de force avec les ministres ? « L’évaluation est aujourd’hui très dépréciée, car on manque de temps et de moyens humains et financiers. L’idée est d’introduire un mécanisme de droit de suite vis-à-vis du gouvernement », explique Jean-Noël Barrot. En passant plus de temps sur la seconde partie du budget de l’année précédente, en juin, les parlementaires espèrent aussi raccourcir le débat sur celui de l’année suivante, à l’automne. Et rendre plus réaliste l’objectif de seulement cinquante jours d’examen (contre soixante-dix aujourd’hui). Dans l’attente du vote de la révision constitutionnelle, censée acter cette évolution, « le printemps de l’évaluation est une étape », explique-t-on à l’Assemblée.