Sciences Po vient de mettre en place un « parcours civique » obligatoire qui se déploie durant les trois années de son bachelor. / BERTRAND GUAY / AFP

Guillaume ira dans une maison de retraite afin d’apprendre aux personnes âgées à se servir d’une tablette. Rabab, dans une école qui accueille les enfants réfugiés. Joana, à l’Institut national des jeunes sourds, pour faire du soutien scolaire.

Mis en place pour la première fois, le « parcours civique » de Sciences Po, d’une durée de quatre semaines, revêt un caractère obligatoire pour les 1 600 étudiants entrés dans le cursus de bachelor à la rentrée 2017. Entre mai et août, tous iront se frotter au terrain « pour promouvoir les valeurs de bien commun et d’intelligence collective et s’inscrire dans la réflexion sur la mise en place du futur service national universel », explique le directeur de l’établissement, Frédéric Mion, qui veut voir dans ces étudiants une « avant-garde ».

« Nous avons beaucoup travaillé pour enrichir l’expérience de nos communautés à Sciences Po. Mais le risque est grand qu’on n’ouvre pas suffisamment nos portes et nos fenêtres, relève Bénédicte Durand, doyenne du collège universitaire. La critique sur la déconnexion des élites se combat notamment par le fait que nos étudiants soient en mesure de prendre de plus en plus conscience du réel qui les entoure. »

Sens du service et empathie

Construit durant les trois années de formation du bachelor, le parcours civique s’appuie d’abord sur un stage en immersion, à temps plein, d’une durée de quatre semaines en fin de première année. La mission consiste en une initiative personnelle comportant une dimension concrète de contact et de service auprès d’un public spécifique : accueil, aide sociale, animation, accompagnement… Les étudiants rédigent une « lettre d’engagement » motivant leur choix de projet et la manière dont il sera exploré sur le terrain. En deuxième année, ils poursuivent par un « projet libre », seuls ou en groupe, dans les secteurs public et privé, en France ou à l’étranger. L’ensemble de ces expériences est restitué en troisième année, à travers la rédaction d’un rapport, qui rend compte de leurs apprentissages enrichis des enseignements théoriques reçus en cours. Ce document est une composante essentielle de l’épreuve finale du bachelor, nommée « grand écrit », le parcours civique comptant pour six à neuf crédits ECTS (pour European Credit Transfer Scale – Système européen de transfert et d’accumulation de crédits) pour l’obtention du diplôme.

Pensé comme indissociable de la scolarité, « le parcours civique est une obligation parce qu’il correspond à un objectif de formation. Il ne se situe pas dans le champ de la bonne action mais bien dans celui de la préparation à l’exercice de la responsabilité », explique Bénédicte Durand, qui veut développer chez les étudiants « une nouvelle compétence : le sens du service et de l’empathie ».

Le caractère obligatoire du parcours civique est bien accueilli par les étudiants – déjà habitués à faire un stage à visée professionnelle en fin d’année : « Cela va nous faire sortir de notre environnement, où nous ne côtoyons que des gens haut placés, témoigne Chloé. Nous sommes incités au contact, à l’action. Ce parcours va donner une très bonne image à Sciences Po. » Reste à savoir comment s’articulerait le dispositif avec un service national universel obligatoire (SNU). La réflexion est d’ores et déjà lancée côté Sciences Po. Soucieuse de préserver « une expérience propre » à son établissement, Bénédicte Durand trouverait « intéressant que le SNU valorise aussi ce parcours ».