L’émotion de Julien Benneteau après sa victoire contre Leonardo Mayer. / CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Les meilleures tournées d’adieux sont celles qui se prolongent. Appliquant à merveille le théorème de Salvador (Henri, pas le pays), Julien Benneteau s’est offert, mercredi 30 mai, la possibilité de poursuivre encore un peu son dernier Roland-Garros. Après avoir vu un violent orage interrompre la rencontre mardi soir, le Français a pris le meilleur sur l’Argentin Leonardo Mayer (2-6, 7-6 (7-4), 6-2, 6-3) dans un court nº 1, acquis à sa cause.

Si mercredi est le jour des enfants, alors le court aux allures d’arène est leur terrain de jeu. Toutes les tonalités des « Allez Julien » s’y sont entremêlées, formant, du soprano à la basse fraîchement muée mais virant à l’aigu par à-coups, une cacophonie enthousiaste et bon enfant. A plusieurs reprises, l’arbitre a dû les sermonner, envoyant des « merci les enfants », afin que le jeu se déroule.

Sous le soleil de la Porte d’Auteuil, Julien Benneteau attaque la journée avec entrain. Oubliée, la perte du premier set la veille. La pluie battante de la nuit – l’équivalent d’un mois de précipitations à Paris en une soirée – a lavé son esprit. Et amélioré la terre battue. « Hier soir, c’était vraiment lent, et contre des mecs puissants, j’ai besoin d’avoir des conditions rapides, ou, en tout cas, pas très lentes pour que mon jeu puisse être efficace », a reconnu le Bressan après le match, convenant avoir « été rattrapé par la tension » la veille. Offensif dès la reprise, il a renvoyé chaque balle de son adversaire, le forçant à la faute. Mené 4-2 dans le second set, il inverse rapidement la tendance et s’impose au tie-break (7-4).

Energie communicative du court nº 1

« Mon objectif, c’était de gagner un match », confie Benneteau satisfait après la rencontre, rappelant qu’il avait invariablement échoué au premier tour du tournoi parisien depuis 2013 (et trois tours de passé). Bien décidé à réussir son dernier Roland-Garros, celui qui a annoncé la fin de sa carrière à l’automne, sitôt l’US Open terminé, se donne les moyens de son ambition. Et se fait plaisir, tentant une glissade au filet sur le service adverse. En vain, son amorti frappe la barre du filet, mais retombe de son côté en dépit des acclamations du public.

« On te portera, allez ! » « Ju, t’es ici chez toi », lance un spectateur, qui voit Benneteau esquisser un sourire. Ce vacarme agace son adversaire, qui s’en plaint à l’arbitre. Le natif de Corrientes doit aussi s’en vouloir, ayant offert à Benneteau nombre de munitions après des coups droits mal ajustés. Au total, il aura commis 67 fautes directes, contre seulement 28 au Français.

« Forcément, dans les moments chauds comme le tie-break, le public aide », reconnaît le joueur, qui a puisé de l’énergie dans celle, communicative, des spectateurs. « Il peut rien t’arriver ici », s’époumone un spectateur, alors que le stade reprend Seven Nation Army en chœur. Force est de constater qu’il a raison. Même lorsque, vers la fin de son show, la performance de Benneteau a quelque peu vacillé, ratant ses premières balles et laissant des offrandes à Mayer, ce dernier ne s’est pas montré capable de les concrétiser. Et le Français a soufflé et serré le poing. Crié, aussi, contre l’arbitre. « Let. Let. LEEEET ! » Benneteau s’agace après une balle qu’il estime faute, offrant l’avantage à Mayer. « Tout le monde l’a entendu », renchérit un spectateur un tantinet chauvin. Pas l’arbitre, qui renvoie tout le monde dans leur coin.

Arrêt après l’US Open, sauf si…

Une fois le match gagné, comme à Bercy en novembre, Julien Benneteau a laissé couler ses larmes. Submergé par l’émotion, il est resté de longues secondes prostré sur le court, avant d’aller savourer avec le public. Focalisé sur son plan de jeu, il n’a ressenti l’émotion que sur le dernier jeu. « Pour moi, en tant que français, gagner un match à Roland, c’est une saveur qu’on ne connaît pas ailleurs. Il y a quelque chose de magique », a savouré le numéro 62 mondial.

Au moment des adieux programmés, le joueur de 36 ans revoyait le gamin de douze ans qui « montait » pour le tournoi parisien avec des étoiles dans les yeux. « Je m’asseyais sur le Central, et je rêvais de jouer un jour sur ce court. » Au prochain tour, face à Juan-Martin Del Potro, les organisateurs pourraient réaliser le rêve de « Bennet’».

Les meilleures tournées d’adieux sont celles que l’on prolonge. Et si promis, juré, Benneteau arrêtera sa carrière après l’US Open, une ultime porte reste entrouverte. « S’il y a beaucoup de forfaits et que Yannick [Noah] a besoin de moi pour la Coupe Davis, évidemment, je prolongerai de quelques semaines ou de quelques mois, s’il le faut. »