Au siège de l’OCDE à Paris lors de la présentation des perspectives économiques, le 29 mai 2013. / ERIC PIERMONT / AFP

A première vue, l’économie planétaire n’a cure des tensions commerciales qui sont montées d’un cran, ces dernières semaines, entre les Etats-Unis et tous leurs partenaires. La croissance mondiale devrait progresser à un rythme soutenu, proche de 4 %, cette année et la suivante (3,8 % en 2018 et 3,9 % en 2019), selon les dernières prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publiées mercredi 30 mai.

« C’est une bonne nouvelle », s’est félicité le chef économiste de l’institution, Alvaro Pereira. Et même « encore meilleure » lorsque l’on sait que cette croissance plus robuste repose, en partie, sur de saines fondations : « Un rebond bienvenu de l’investissement et du commerce mondial. » Les performances demeurent solides dans toutes les grandes parties du globe, des Etats-Unis (2,9 % en 2018) à la zone euro (2,2 %), en passant par la Chine (6,7 %) ou l’Inde (7,4 %).

Le taux de chômage devrait tomber à 5 %

Cette bonne dynamique est également le fruit d’un surcroît de dépense publique. Les trois quarts des 35 Etats membres de l’OCDE ont relâché – plus ou moins fortement – les cordons de leur Bourse, constate l’institution sise à Paris. De quoi donner à court terme un nouveau coup de pouce à la croissance. Les experts du château de la Muette, siège de l’institution, mettent toutefois en garde les pays où l’économie tourne à plein régime contre le risque qu’un tel stimuli provoque une poussée d’inflation. Une allusion à peine voilée au président américain Donald Trump qui a ouvert grand les vannes du déficit budgétaire.

En attendant, le sursaut de croissance se traduit en créations d’emplois. Au sein de l’OCDE, le taux de chômage devrait tomber à 5 % d’ici à la fin 2019. Soit « son niveau le plus faible depuis 1980 », s’est réjoui M. Pereira. Cette moyenne dissimule d’importantes disparités. Mais le phénomène pousse l’organisation à prédire une hausse des salaires dans de nombreuses économies avancées, après des années de stagnation.

Ce tableau engageant résume surtout la tendance des derniers mois. Pour l’avenir, « les risques pèsent lourd », alerte l’OCDE, qui en liste au moins trois principaux. D’abord, celui d’une escalade des tensions commerciales. Une véritable épée de Damoclès au moment où Washington menace ses partenaires de taxes sur l’acier, l’aluminium et les voitures. Mardi, les Etats-Unis ont aussi déclaré qu’ils continuaient à préparer des mesures punitives contre la Chine malgré la trêve annoncée dix jours plus tôt.

Tensions inflationnistes

L’imprévisibilité est de mise et la perspective de conflits commerciaux a déjà commencé à lézarder la confiance des entreprises. Rien de surprenant : une montée du protectionnisme, avec une augmentation abrupte des tarifs douaniers, alourdirait la facture des consommateurs et les coûts pour les sociétés tout en perturbant les chaînes de production éclatées à travers la planète.

L’OCDE pointe aussi la hausse des prix de l’or noir. En un an, le baril de pétrole a gagné près de 50 %. Outre son poids sur les ménages et les entreprises, cette envolée des cours – si elle se poursuit – risque aussi d’alimenter les tensions inflationnistes. Un tel scénario pourrait précipiter la remontée des taux d’intérêt à long terme en forçant les banques centrales à durcir leurs politiques monétaires plus vite que prévu. C’est le troisième gros danger détaillé par les économistes de l’institution.

Un tel retour de bâton pénaliserait les économies les plus endettées. Et notamment les pays émergents qui ont profité – entreprises en tête – des années de taux bas pour emprunter à tour de bras, le plus souvent en devises étrangères. Ces dernières semaines en ont déjà donné un avant-goût. Un mouvement d’appréciation du dollar et une montée des taux des bons du Trésor américains ont provoqué une dépréciation des monnaies émergentes. Les pays aux comptes extérieurs les plus déséquilibrés ont été les plus secoués. Parmi eux, l’Argentine, qui a appelé au secours le Fonds monétaire international (FMI), ou encore la Turquie.

Dans cet inventaire de risques, M. Pereira a encore énuméré « des tensions géopolitiques qui pourraient contribuer à de soudaines perturbations sur les marchés ou une augmentation plus forte des prix du pétrole ». Mais aussi le Brexit ou encore « l’incertitude politique en Italie », au cœur de l’actualité et qui vient rappeler les vulnérabilités persistantes de la zone euro. Le pire n’est pas toujours sûr. Mais les gouvernements sont pressés d’agir. La politique monétaire va peu à peu cesser de servir de béquille à la croissance. Avec une dette moyenne proche de 100 % au sein de l’OCDE, la flexibilité budgétaire a ses limites. Restent les réformes structurelles. « A ce tournant pour l’économie mondiale, il est absolument crucial de [leur] donner une chance », exhorte l’organisation.

OCDE croissance mondiale / Infographie Le Monde