L’actrice Roseanne Barr, à Pasadena (Californie), le 18 janvier. / VALERIE MACON / AFP

La chaîne ABC avait pensé le retour à l’écran de la sitcom Roseanne comme la réponse télévisuelle au choc provoqué dans le pays par l’élection de Donald Trump. Cette plongée dans les tracas et les disputes d’une famille américaine blanche, connue des téléspectateurs depuis les années 1990, devait redonner une visibilité à cette classe ouvrière ayant porté un milliardaire à la Maison Blanche. Et aborder avec humour les divisions post-électorales de la société américaine. Après deux mois de diffusion et de succès non démenti, la chaîne a annoncé mardi 29 mai qu’elle mettait un terme à ce feuilleton.

Son actrice fétiche et productrice, Roseanne Barr, connue pour sa gouaille, son soutien à Trump en 2016 et un long passé de déclarations controversées, semble avoir dépassé les bornes. Dans un tweet publié mardi sur son compte, la sexagénaire s’en est violemment prise à l’ancienne conseillère de Barack Obama Valerie Jarrett, aux origines métissées : « Les Frères musulmans et la Planète des singes ont eu un bébé : vj. »

Dans la journée la direction de la chaîne ABC a jugé ces propos « odieux, répugnants et incompatibles avec nos valeurs » et annoncé l’annulation de la diffusion d’une nouvelle saison de la série. Les épisodes avaient pourtant déjà été commandés. Pour faire bonne mesure, son agence, ICM, a aussi lâché l’actrice dans la journée, expliquant également que le tweet de la comédienne était « en contradiction avec ses valeurs ». « Nous devons faire [de cet incident] un moment de pédagogie », a pour sa part déclaré Mme Jarrett à la chaîne MSNBC.

Roseanne Barr avait pourtant pris la peine de s’excuser à deux reprises dans la journée, jurant même qu’elle allait quitter le réseau social Twitter. Car quelques heures auparavant, elle avait attaqué Chelsea Clinton, insinuant que la fille de l’ancien président américain était mariée à un neveu du milliardaire Georges Soros, ce qui n’est pas le cas. Reconnaissant sa méprise, elle avait alors tourné son ire vers le philanthrope démocrate, l’accusant d’avoir été « un nazi et d’avoir dénoncé des juifs ». M. Soros, qui avait 13 ans durant la seconde guerre mondiale, a survécu à l’Holocauste en Hongrie sous une fausse identité.

« Le racisme n’est pas drôle »

La décision de la chaîne ABC a été globalement bien accueillie sur les réseaux sociaux, provoquant une avalanche de commentaires. Même l’un des présentateurs de la chaîne conservatrice Fox News, Shep Smith, a reconnu : « Le racisme n’est pas drôle et Roseanne Barr est raciste. »

Mais, alors que certains dialogues de la série eux-mêmes avaient été critiqués, certains s’interrogent sur la réaction d’ABC. Mme Barr n’a jamais fait mystère de ses vues ultra-conservatrices, proches de l’extrême droite, ni de son goût pour les théories conspirationnistes.

Mardi, elle a d’ailleurs été immédiatement défendue par le conspirationniste Alex Jones et invitée à s’exprimer sur son site InfoWars afin de dénoncer la « police de la pensée ». Les bonnes intentions de Mme Barr, qui avait espéré que sa nouvelle série « ouvre des débats polis entre les gens », ont visiblement fait long feu. Grâce à cette sitcom, la chaîne ABC entendait renouer avec un public conservateur ; elle devra sans doute revoir sa stratégie.

Le président Trump, qui avait pris la peine d’appeler la comédienne pour la féliciter du succès de son come-back en mars, n’avait toujours pas réagi à son éviction dans la soirée de mardi.