Film sur Canal+ à 21 heures

PROBLEMOS Bande Annonce Officielle (2017) Eric Judor
Durée : 02:41

C’est l’été. Une famille quitte l’autoroute des vacances pour faire une halte dans une communauté zadiste. Jeanne, la mère, jeune femme super bobo (Célia Rosich), a été invitée par son ­ancien prof de yoga, un des fondateurs du mouvement. Victor (Eric Judor), le père, informaticien de son état, la suit à reculons, tandis que leur fille préadolescente pique une crise de nerfs à l’idée qu’il va lui falloir laisser son iPhone à l’entrée du camp, comme l’exige la charte de la zone sans ondes.

Réalisé par Eric Judor, coécrit par Noé Debré, scénariste proche de Jacques Audiard, et Blanche Gardin, humoriste passée par le Jamel Comedy Club et familière des ­milieux militants, Problemos séduit par la manière qu’il a de s’inscrire de plain-pied dans une réalité à la fois médiatisée, polarisante et qui n’avait jusqu’à présent jamais été prise en charge par la fiction – L’Avenir, de Mia Hansen-Love, où Isabelle Huppert se réfugie dans un avatar du groupe de Tarnac, reste, à notre connaissance, la seule tentative de représenter la contestation politique telle qu’elle s’organise en France aujourd’hui.

Folklore altermondialiste

En plongeant une famille soumise aux normes de la société de ­consommation dans cette communauté de bric et de broc (le vieux hippie écolo, la féministe vindicative, le pseudo-chaman, l’ancien djihadiste...), les auteurs s’offrent un terrain de comédie fertile. Le folklore altermondialiste (culture capillaire tendance art brut, chants de républicains ­espagnols massacrés à l’accent français, communication à base de petits moulinets avec les mains...) sert de toile de fond à une série de gags qui visent essentiellement l’esprit de sérieux et le ton sentencieux de la rhétorique militante. Entre le « groupe de parole sur les règles », où l’on apprend les vertus des cataplasmes à l’eucalyptus pour contrer les odeurs ­intimes, cet « enfant » dont le sexe n’est connu de personne afin qu’il reste libre de déterminer son genre, l’obligation de s’adresser poliment aux animaux « parce qu’ils sont des personnes comme toi et moi » et, plus généralement, le terrorisme lexical ambiant (« Ah, parce que réussite, c’est un terme positivement connoté, pour toi ? »), on rit beaucoup dans la première partie du film, qui pose le décor.

Par un smartphone infiltré en contrebande par une gentille greluche passionnée de télé-réalité, on apprend au bout de quelques jours qu’une pandémie a ravagé le gros de la population mondiale. La nouvelle fait l’effet d’un électrochoc. Alors que la zone reste miraculeusement épargnée par le virus et que ses habitants se retrouvent chargés, par la force des choses, de refonder une civilisation, les masques tombent, et le film prend la tournure d’une ­fable hobbesienne dans laquelle l’instinct de conservation, le désir de propriété, la volonté de pouvoir balayent d’un revers de main les beaux principes collectivistes et pacifistes autour desquels s’était constitué le groupe.

Eric Judor dans « Problemos ». / CANAL+

Loin de l’idiotie abstraite de Seuls Two, ou même de La Tour Montparnasse infernale, cette nouvelle comédie d’Eric Judor s’inspire au contraire de l’air du temps (les auteurs disent avoir fréquenté Nuit debout). Si cette ­vision de la ­nature humaine ne ­témoigne sans doute pas d’une croyance folle dans l’utopie, il ­serait ­malvenu d’y voir une volonté de dénigrer l’action des collectifs en lutte. En mettant dos à dos la ­féministe despotique qu’interprète Blanche Gardin et ce ­Victor dont la veulerie dissimule mal un fond prédateur (qu’Eric ­Judor, avec sa malice, parvient miraculeusement à rendre sympathique), il prend ni plus ni moins la liberté de s’amuser avec eux.

Problemos, d’Eric Judor. Avec Eric Judor, Blanche Gardin, Youssef Hajdi (Fr., 2017, 80 min).