La pyramide du Louvre, en juillet 2016. / LUDOVIC MARIN / AFP

L’invitation avait été lancée par Emmanuel Macron lui-même, et en anglais pour mieux atteindre sa cible. Quelques heures à peine après l’annonce du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, le 1er juin 2017, le président français proposait aux scientifiques, ingénieurs et entrepreneurs déçus par la décision de Donald Trump de venir « travailler ici, avec nous, sur des solutions concrètes pour le climat ». Si l’offre n’est pas restée lettre morte, elle n’a pas suscité jusqu’à présent un mouvement de grande ampleur. Dans la sphère de la recherche, seuls trente-deux scientifiques ont prévu de rejoindre la France, et une poignée d’entre eux sont déjà arrivés.

Une première vague de l’appel à projets Make our planet great again – un détournement du slogan de campagne de M. Trump – a permis de distinguer dix-huit lauréats en décembre 2017. Une deuxième liste de quatorze chercheurs a suivi début mai. Elle ne devrait pas être la dernière, assure le ministère de l’enseignement supérieur, qui a retenu « 450 candidatures de qualité » parmi les quelque 1 800 dossiers reçus à la suite du discours du chef de l’Etat, émanant d’une centaine de pays mais dans 60 % des cas de chercheurs installés aux Etats-Unis.

Alessandra Giannini est l’une d’elles. Etablie depuis 1995 à l’université de Columbia, cette scientifique italienne rejoindra d’ici à la fin de l’année un laboratoire parisien de météorologie dynamique pour travailler, à partir de l’étude du Sahel, sur « l’amélioration de la prévision des pluies en zone tropicale ». En qualité de chercheuse senior, elle bénéficiera d’une bourse de 750 000 euros allouée par l’Etat à partir du programme d’investissements d’avenir – l’aide est de 500 000 euros pour un chercheur moins expérimenté – et d’un soutien financier équivalent apporté par son institution de tutelle en France.

« Pendant cinq ans, je vais pouvoir travailler sans me soucier de trouver des financements », se réjouit-elle. Cette situation, qui est le lot commun des chercheurs basés outre-Atlantique, s’est dégradée après l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. En quelques mois, la nouvelle administration a restreint les marges de manœuvre de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) et mis un terme à plusieurs programmes de recherche liés au climat, comme récemment le programme de la NASA chargé de surveiller la présence dans l’atmosphère du dioxyde de carbone et du méthane, deux puissants gaz à effet de serre.

« Motivations »

Alessandra Giannini déclare aussi avoir répondu à l’appel avec l’envie de faire avancer la recherche européenne sur le climat. « C’est l’une des motivations les plus fréquentes des chercheurs qui se sont manifestés, selon Corinne Le Quéré, professeure à l’université d’East Anglia, au Royaume-Uni, et présidente du jury international de neuf personnes (dont la paléoclimatologue française Valérie Masson-Delmotte) qui a évalué la qualité des projets des candidats. Aux Etats-Unis, les chercheurs souffrent d’un manque de soutien des autorités. C’est d’autant plus difficile à accepter que cette nation a longtemps été leader dans la recherche sur le système Terre et dans l’exploration satellitaire. »

En choisissant d’occuper le terrain, la France pourrait réveiller les prétentions d’autres nations, veut croire l’universitaire canadienne, également directrice du Tyndall Centre, un centre de recherche anglais sur le changement climatique. L’initiative d’Emmanuel Macron a au moins convaincu l’Allemagne, qui a retenu, dans le cadre d’un appel à projets parallèle, treize premiers lauréats parmi 1 500 dossiers présélectionnés.