La Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg le 24 janvier 2018. / FREDERICK FLORIN / AFP

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France à verser 6,5 millions d’euros à Abdelkader Ghedir, lourdement handicapé à la suite de son interpellation par des agents SNCF et des policiers en 2004. L’arrêt a été rendu le 15 février et est devenu définitif le 15 mai. « C’est une décision historique (…), la fin de quatorze années de calvaire », s’est félicité jeudi auprès de l’Agence France-Presse (AFP) son avocat, Alex Ursulet.

M. Ghedir avait été arrêté en gare RER de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) le 30 novembre 2004 par des agents de sécurité de la SNCF. Il est ensuite remis à la police qui le soupçonne de faire partie d’un groupe de lanceurs de cailloux sur un train dans une gare du réseau RER, repérés précédemment, ce que sa défense a toujours contesté. L’interpellation est si brutale qu’il tombe dans un coma profond pendant plusieurs semaines. Il se réveillera avec une incapacité partielle permanente (IPP) estimée à 85 %.

« Sa vie est un calvaire »

« C’était un grand gaillard plein de vie qui, du jour au lendemain, est passé à un état de légume », souligne Me Ursulet. Depuis, « sa vie quotidienne est toujours un calvaire » : il vit confiné chez ses parents dans un fauteuil, a perdu une grande partie de ses capacités d’élocution et doit être accompagné tous les jours par trois personnes et un tuteur.

Avant cette décision de la CEDH, un juge d’instruction avait conclu à un non-lieu dans cette affaire, une décision confirmée par la cour d’appel de Paris puis par la Cour de cassation en 2011. « Cette décision met en lumière la tendance systématique de la justice française de donner raison aux forces de l’ordre dans les affaires de violences policières, où la parole des victimes est systématiquement mise en doute », a déploré à l’AFP le délégué général de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, Jean-Etienne de Linares.

Après le non-lieu définitif de la justice française, M. Ghedir avait également été condamné à rembourser la somme, autour de 400 000 euros selon son avocat, que lui avait versée la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions. « On a atteint là le sommet de l’indécence judiciaire », déplore Alex Ursulet, qui compte toujours faire annuler cette décision.