Ces cinq dernières années, le revenu par habitant a baissé de 30 % au Malawi. Dans le même temps, cet indicateur du développement économique bondissait chez certains de ses voisins, telle la Tanzanie. Au sein d’une Afrique australe dynamique, le pays, certes petit et enclavé, reste l’un des Etats les plus pauvres de la planète.

A Lilongwe, capitale à l’ambiance rurale, certains observateurs sont circonspects. « Le Malawi est un pays paisible, qui n’a pas connu de conflits et dont les voisins ne sont pas en guerre ; son climat est plutôt bon, il y a de la terre, de l’eau…, égrène une source diplomatique. Pourtant, c’est toujours l’un des plus pauvres du monde, au même titre que des pays ravagés par la guerre comme la Centrafrique. »

Sécheresses et inondations

Comment expliquer cet immobilisme ? L’économie du Malawi, un long croissant de terre qui épouse l’immense lac éponyme (sa surface équivaut à celle de la Belgique), repose tout d’abord sur une agriculture très dépendante des pluies. Pilier de l’économie, ce secteur représente 30 % du PIB mais manque cruellement de moyens, à commencer par des systèmes d’irrigation.

Dans ce pays régulièrement touché par les sécheresses et les inondations, c’est toute l’économie qui tangue à chaque événement climatique extrême. Ainsi, en 2016, année d’un phénomène El Nino particulièrement rude, la croissance n’a pas dépassé les 2,3 % (contre 4 % en 2017). Un taux trop faible étant donné l’essor rapide de la population (18,3 millions d’habitants, + 3 % par an), souligne Ben Kaluwa, professeur d’économie à l’université du Malawi. « Vu notre taux de pauvreté, même 4 % ou 5 % de croissance ne serait pas suffisant », estime-t-il, citant en exemple le voisin tanzanien, dont la croissance dépasse les 6 %.

La faible diversification de l’économie contribue également à ce manque de dynamisme. Au Malawi, un produit roi, véritable « pétrole vert », domine les affaires : le tabac. « Il représente environ 60 % des entrées de devises au Malawi », souligne Karl Chokotho, qui vient de quitter la présidence de la Fédération des chambres de commerce. Et l’homme d’affaires d’ajouter : « La majorité du secteur privé est liée au tabac, qu’il s’agisse de l’industrie, des banques, des assurances, des entreprises de logistique ou même des services de santé»

Bien que certains fondamentaux se soient améliorés (l’inflation est revenue à moins de 10 %), les investisseurs dédaignent le pays, qui possède pourtant d’importants atouts, notamment dans le tourisme. Pour Karl Chokotho, l’accès difficile au crédit est l’un des principaux freins. « Les taux d’intérêts sont très élevés, autour de 26 % », insiste-t-il, déplorant également le manque d’électricité. Le Malawi ne possède pas plus de 200 mégawatts (MW) de capacités électriques, contre 2 400 MW pour la Zambie voisine, dont la population est comparable. Les coupures y sont donc nombreuses et peuvent durer, dit-on, « jusqu’à dix heures par jour ».

Le scandale du Cashgate

Enfin, les investisseurs ont également été refroidis par le scandale du Cashgate. Révélé en 2013, ce gigantesque détournement de fonds a siphonné quelque 30 millions de dollars (environ 22 millions d’euros) au profit de hauts responsables malawites. A la suite de cette affaire, les grands bailleurs de fonds ont arrêté d’octroyer des aides budgétaires directes au Malawi, avec un impact direct puisque les quelque 150 millions de dollars annuels représentaient 40 % du budget gouvernemental, rappelle le professeur Ben Kaluwa.

Pour beaucoup, la corruption est le premier frein au développement du pays. Car le Cashgate, très médiatisé et qui a coûté sa réélection à l’ancienne présidente, Joyce Banda, en 2014, est loin d’être un exemple isolé. A Lilongwe, l’énorme stade flambant neuf qui domine la ville ou encore l’impeccable centre international de conférences – où se tient, à prix d’or, « la moindre réunion ministérielle », selon un observateur – provoquent des moues dubitatives. Récemment, la société civile a découvert que le gouvernement de l’actuel président, Peter Mutharika, élu sur la promesse de mettre fin à la corruption, projetait de distribuer 4 milliards de kwachas (4,7 millions d’euros) à des députés réfractaires à certaines réformes.

Samedi 26 mai, le vice-président lui-même a dénoncé publiquement ce mal qui ronge le pays jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. « Condamnons la corruption, arrêtons d’applaudir les voleurs », a exhorté Saulos Chilima. « La corruption empire et atteint des niveaux embarrassants. C’est une mauvaise pratique qui met en danger la vie des gens, car elle conduit, entre autres, à l’absence de médicaments dans les hôpitaux », a poursuivi le numéro deux de l’Etat, qui ne cache plus ses ambitions présidentielles pour les élections de 2019.