Une voiture de police, le 24 avril 2018. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

Les élèves du collège Barbara, à Stains (Seine-Saint-Denis), garderont un souvenir amer de leur sortie scolaire à Paris. Venus en voisins pour découvrir le 5e arrondissement et son histoire, la quarantaine d’élèves de sixième « ont été victimes de propos discriminants et insultants de la part d’un représentant des forces de l’ordre », font savoir les personnels de l’établissement dans un communiqué publié jeudi 31 mai.

Le même jour, dans la soirée, les enseignants présents lors de cette visite ont saisi l’inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, pour dénoncer le comportement du fonctionnaire de police. Comme le permet la procédure, ils ont réalisé leur signalement sur Internet pour « discrimination par personne dépositaire de l’autorité publique ». La préfecture de police de Paris fait savoir au Monde qu’une « enquête interne a été diligentée dès que les faits ont été dénoncés ». Et d’ajouter : « Il en sera tiré toutes les conséquences à l’issue de l’enquête. »

Le Défenseur des droits a également été saisi jeudi soir par les enseignants qui ont publié un résumé des faits sur Internet. « Notre équipe de juristes va désormais se pencher sur cette affaire, pour d’abord voir si le signalement est recevable, et mener une enquête le cas échéant », précise l’institution, qui peut, au terme de son enquête, « recommander aux autorités d’éventuelles sanctions disciplinaires ».

« Avec moi, c’est direct au commissariat »

« Cela s’est passé dès le début de notre sortie », regrette Charlotte Grouillé, qui faisait partie des six membres du collège qui encadraient la sortie scolaire des élèves âgés d’une douzaine d’années. Après avoir longé la Sorbonne, le groupe s’est retrouvé sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris, où des forces de l’ordre étaient déployées, en vue d’une visite du préfet de police de Paris, Michel Cadot.

« A la vue des armes des agents de police, comme tout enfant de 12 ans, nos élèves ont été impressionnés et ont demandé aux policiers s’ils s’agissaient de vraies armes », détaille le communiqué des enseignants du collège Barbara, précisant qu’un des enfants, « sans aucune provocation », a mimé un pistolet pointé vers le ciel.

C’est là que la situation ce serait tendue. Selon les professeurs, l’un des trois fonctionnaires de police a tenu des propos « peu corrects » à l’enfant en question, rapporte Charlotte Grouillé, professeure de mathématique au collège. « Je m’en bats les couilles que tu sois mineur, avec moi, c’est direct au commissariat ! », aurait lancé le policier, selon le communiqué, qui précise qu’un autre fonctionnaire de police a appelé les enseignants à « éduquer » leurs élèves.

« Monnaie courante »

Charlotte Grouillé décrit des élèves « apeurés et choqués ». Alors qu’elle se chargeait de les conduire en dehors du parvis, deux enseignants sont allés à la rencontre des policiers pour récupérer les informations nécessaires, afin de déposer une main courante. « Ce dernier dissimule son matricule à l’aide de son arme et menace nos deux collègues de les embarquer », rapporte l’établissement dans son communiqué, qui ajoute :

« Il revendique ses propos en affirmant que nos élèves “ne sont pas éduqués”, qu’il sait “d’où ils viennent”, insinuant que ce sont des délinquants, et que nous ne venons “pas du même monde qu’eux” et nous ne pouvons donc “pas savoir de quoi ils [nos élèves] sont capables”. »

« Une situation de discrimination qui est malheureusement monnaie courante », regrette Charlotte Grouillé, qui rappelle l’affaire survenue en 2016 au Musée d’Orsay, où des élèves du lycée Utrillo, « voisin de notre établissement », ont été stigmatisé par le personnel du musée. L’an dernier déjà, elle se souvient que son groupe d’élèves avait été « mal reçu » par les surveillants du Musée du quai Branly, qui leur avaient reproché « injustement » d’être trop bruyants.

Charlotte Grouillé assure qu’il n’est pas question de stigmatiser l’ensemble de la police nationale, c’est d’ailleurs ce que les enseignants ont, dit-elle, expliqué aux élèves lors de la pause déjeuner où les conversations étaient rythmées par les faits survenus dans la matinée.

Le personnel du collège s’est réuni vendredi pour réfléchir aux suites à donner à cette affaire. Ils attendent désormais « des excuses claires de la part du policier » et « des explications de la préfecture de police de Paris ».