Mariano Rajoy, le 1er juin 2018. / PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol depuis décembre 2011, a reconnu vendredi 1er juin au matin sa défaite face à la motion de censure socialiste en passe d’être adoptée par les députés.

« Ça a été un honneur d’être président du gouvernement d’Espagne, a dit Rajoy à la tribune du Parlement. Bonne chance pour le bien de l’Espagne. »

Après six années au pouvoir, Mariano Rajoy était sur la sellette depuis le dépôt d’une motion de censure par le Parti socialiste (PSOE) de Pedro Sanchez. Ce dernier était monté au front contre M. Rajoy dès l’annonce jeudi 24 mai de la condamnation du Parti populaire (PP) de Rajoy dans un méga-procès pour corruption, baptisé Gürtel.

L’Audience nationale, le haut tribunal espagnol chargé notamment du crime organisé a condamné pour corruption une dizaine d’anciens cadres et élus du PP, ainsi que la formation elle-même, en tant que bénéficiaire du réseau. Le parti devra rembourser près de 250 000 euros pour le financement illégal de plusieurs meetings dans deux municipalités de la région de Madrid. Deux anciens maires du PP, un ex-secrétaire du PP de Galice, un ancien conseiller des sports de la région de Madrid, ou encore une ancienne ministre du PP, font notamment partie des condamnés.

Soutien décisif du parti basque

Pedro Sanchez est quasi certain de devenir le nouveau président du gouvernement espagnol, son parti étant assuré d’obtenir suffisamment de voix pour renverser le gouvernement sortant. Il a reçu le soutien de six partis totalisant 180 voix à la chambre basse du Parlement pour voter la motion de censure, soit plus que la majorité absolue des 176 voix nécessaires. Le soutien décisif est venu du Parti nationaliste basque (PNV) qui a fait savoir qu’il avait décidé de voter la censure.

« Aujourd’hui, nous écrivons une nouvelle page de l’histoire de la démocratie dans notre pays », a déclaré M. Sanchez, ancien professeur d’économie.

La chute de Mariano Rajoy était encore impensable voici moins de dix jours. Mercredi 23 mai au soir, le pouce levé en signe de victoire, il avait d’ailleurs quitté le Parlement avec le sentiment d’avoir franchi le dernier obstacle d’une législature compliquée, marquée par le défi indépendantiste catalan et soumise aux difficultés de tout gouvernement minoritaire tenu de renouveler au coup par coup de fragiles soutiens. Ce jour-là, il venait, avec six mois de retard, de faire voter le projet de loi budgétaire 2018 par le parti libéral Ciudadanos et le parti basque, le PNV.

Afin de convaincre le parti basque, M. Sanchez a d’ailleurs dû assurer qu’il ne toucherait pas à ce budget qui prévoit des largesses financières pour le Pays basque. Il a en outre promis aux indépendantistes catalans qu’il essaierait de « jeter des ponts pour dialoguer » avec le gouvernement régional de Quim Torra.

Des probables élections anticipées

Une page de l’histoire politique espagnole se tourne. M. Rajoy, 63 ans, avait jusqu’ici surmonté plusieurs crises majeures, de la récession, face à laquelle il a imposé une sévère cure d’austérité, aux mois de blocage politique en 2016 jusqu’à la tentative de sécession de la Catalogne l’an dernier.

Pedro Sanchez s’est pour le moment gardé de dérouler un véritable programme de gouvernement, bien que rien ne l’empêche de rester au pouvoir jusqu’en 2020. Mais avec seulement 84 sièges sur un total de 350 à la chambre basse du Parlement, les socialistes devraient avoir des difficultés à gouverner, ce qui signifie que des élections anticipées ne sont pas à exclure.

A 46 ans, Pedro Sanchez tient sa revanche, lui dont l’investiture à la tête du gouvernement avait été rejetée par les députés en mars 2016 avant qu’il ne réalise en juin de la même année le pire score de l’histoire du PSOE aux élections législatives. Débarqué de sa formation à la suite de cette déroute électorale, il en a repris les rênes l’an dernier grâce au soutien de la base contre les barons du PSOE.