La Felicita, restaurant géant, vient d’ouvrir sous la halle Freyssinet, dans le 13e arrondissement de Paris. / LOLA HAKIMIAN POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

Depuis le 26 mai, cinq cuisines, une boulangerie, une « caffeteria » et trois bars tournent à plein régime pour abreuver et nourrir les 2 000 clients de La Felicita, le nouveau restaurant géant installé à la Station F, incubateur de start-up, sous la halle Freyssinet, dans le 13e arrondissement de Paris. Avec son immense terrasse et ses 4 500 mètres carrés d’attractions culinaires, le lieu fait déjà figure de Disneyland de la restauration – Mickey en moins, les pizzas en plus. « On voulait rendre l’acte d’aller au restaurant moins compliqué et plus festif : ici, on vient pour manger un bout, boire un verre, écouter un concert sur une grosse sono, ou pour les trois à la fois », explique Victor Lugger, cofondateur du groupe de restauration italienne Big Mamma, à l’origine du projet.

Ce « food and teuf market » vient ajouter un peu de piment dans la compétition à laquelle se livrent actuellement les food courts parisiens déjà en place, comme le Ground Control, qui a ouvert en février dans une friche de la SNCF à proximité de la gare de Lyon, le Parisian Omnivore District, dans la cour du BHV Homme, ou encore le Food Market, un « marché à dîner » itinérant sur Lyon et Paris. Leur point commun ? Regrouper sur un même site en libre accès plusieurs comptoirs de restauration rapide et de qualité.

« Leur succès vient du fait qu’ils proposent une offre culturelle large et qu’ils appréhendent la question de l’alimentation de manière plus qualitative que quantitative »
Pierre Raffard, codirecteur du Food 2.0 LAB

Nés dans les travées des centres commerciaux américains et asiatiques au milieu des années 1970, les food courts ont d’abord été cantonnés à leur fonction première – nourrir un maximum de bouches en un minimum de temps. Popularisés par le succès du Time Out Market à Lisbonne, du concept transalpin Eataly (qui a essaimé dans le monde) ou encore de Dinerama à Londres, ils sont devenus des lieux de restauration à part entière, où l’on ne vient plus seulement pour se sustenter, mais aussi pour se divertir. Exit, donc, les réservations, le serveur qui vous tient la jambe, les plats aux intitulés à rallonge…

Dans les food courts, on débarque à n’importe quelle heure pour manger comme bon nous semble ; on passe commande au comptoir et on file la consommer assis, debout, devant un concert, entre deux verres, ou au milieu d’une performance artistique. A La Felicita, les clients profitent ainsi de concerts, d’expositions, de projections et de gigantesques apéros.

Le Parisian Omnivore District (ou POD) s’est installé dans la cour du BHV Homme, rue du Temple, dans le 4e arrondissement de Paris. / LOLA HAKIMIAN POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

Dès lors qu’il n’est plus seulement question de gastronomie mais aussi de divertissement, comment définir ces zones d’alimentation ? « Les nouveaux food courts ne prennent sens que par l’environnement dans lequel ils sont intégrés. Leur succès vient du fait qu’ils proposent une offre culturelle large et qu’ils appréhendent la question de l’alimentation de manière plus qualitative que quantitative », analyse Pierre Raffard, docteur en géographie et codirecteur du Food 2.0 LAB, un collectif de chercheurs et d’universitaires qui s’intéressent à l’alimentation de demain.

De la « restauration culturelle »

Le Ground Control chamboule encore plus les codes de la restauration traditionnelle. Dans ce grand hangar, on déambule entre des ateliers d’expérimentations culturelles (un studio radio, une galerie photo ou encore un vidéodrome), des épiceries et des îlots de restauration autonomes : une sélection de 12 restaurants de poche aux cuisines éclectiques – italienne, africaine, danoise, syrienne ou encore mexicaine. Tous ont été choisis par une direction artistique, une démarche habituelle aux festivals de musique ou aux biennales : « On a mis plus d’un an et demi à boucler le casting ; on voulait créer une famille, bosser avec des gens qui ont choisi la restauration parce qu’ils veulent vraiment faire découvrir leur cuisine », précise Mathilde Girault, responsable éditoriale du lieu.

A Ground Control, implanté dans une friche de la SNCF près de la gare de Lyon, on trouve une grande diversité d’offres culinaires. / LOLA HAKIMIAN POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

Un concept de « restauration culturelle » qui séduit parce qu’elle porte la promesse de donner plus de sens à ce que l’on mange, au moment où on le mange. A Lyon, le food court La Commune se présente « comme une coloc’ géante dans laquelle on partage la bonne humeur avec une tribu improbable autour d’une cuisine de chefs inspirés ». Une extension de plus du domaine de la gastronomie.