Anne Frank, sa famille et leurs amis se cachaient au 263, Prinsengracht à Amsterdam. / Ben van Meerendonk /IISG/AHF

Sept décennies de recherche pour répondre à la question qui taraude toujours les Pays-Bas et une piste, encore une. Beaucoup d’hypothèses, anciennes et récentes, ont circulé sur l’identité de celui ou celle qui a livré la jeune Anne Frank et sa famille, cachée avec ses parents, sa sœur et des amis au 263 Prinsengracht, à Amsterdam, à l’occupant allemand. Mais le mystère demeure entier. Gerard Kremer, fils d’un ancien résistant qui fut voisin des Frank, a œuvré pendant cinq ans pour élucider le mystère et pense y être parvenu. Dans un livre, De achtertuin van het Achterhuis (« le jardin arrière de l’Annexe », non traduit), le septuagénaire affirme que c’est une femme juive, Ans van Dijk, exécutée en 1948 pour avoir collaboré avec les nazis, qui aurait livré des informations, entraînant, en août 1944, l’arrestation et la déportation des occupants de la célèbre « Annexe ». Il s’agissait en fait de pièces situées au-dessus et à l’arrière des bureaux de l’entreprise Opekta d’Otto Frank, le père d’Anne. C’est là qu’est abrité aujourd’hui le Musée Anne-Frank.

Des victimes emblématiques de la Shoah

Les occupants, cachés durant deux ans, sont devenus des victimes emblématiques de la Shoah. Ils sont tous morts dans les camps, sauf Otto. Anne a succombé au typhus à 15 ans à Bergen-Belsen. Son journal a été miraculeusement sauvegardé et est devenu l’un des ouvrages les plus vendus au monde.

Il y a des années que les soupçons pesaient sur Ans van Dijk, qui a livré au total 145 personnes, dont plusieurs membres de sa propre famille, après avoir été arrêtée et « retournée », en 1943, par le Sicherheitsdienst, le service de renseignement de la SS. Gerard Kremer affirme que son père, concierge d’un bâtiment proche de l’Annexe occupé en partie par les nazis, aurait vu plusieurs fois la jeune femme dans ces locaux, et qu’il aurait saisi une conversation entre elle et des officiers allemands au sujet de la cache des Frank et de leurs amis.

Un livre accuse Ans van Dijk, une juive néerlandaise (ici à son procès en 1947), d’avoir dénoncé Anne Frank et sa famille. / Granger NYC/ Rue des Archives

La Fondation Anne-Frank, qui a elle-même diligenté une enquête, est sceptique, estimant que les preuves sont insuffisantes. Elle semble compter davantage sur les investigations menées par Vince Pankoke, un agent retraité du FBI, qui utilise les techniques les plus modernes et espère aboutir l’an prochain, à l’occasion des commémorations marquant le 75anniversaire de l’arrestation d’« Annelein » (petite Anne) – le surnom de la jeune fille – et de ses proches.

L’enquête pourrait apaiser le pays et la famille Miep

Une autre éventualité est que les Frank aient été dénoncés par Nelly Voskuijl. Celle-ci était la sœur de Bep Voskuijl, une amie de la famille, qu’elle aida tout au long de la guerre. Décrite comme jalouse, égoïste, Nelly aurait prévenu les nazis, thèse en partie confirmée par l’officier SS Karl Josef Silberbauer, qui procéda à l’arrestation. Il a évoqué le rôle d’une femme, sans être toutefois capable de l’identifier formellement.

Si elle aboutit un jour à une conclusion – c’est peu probable, selon l’expert et historien David Barnouw, qui a longtemps travaillé sur le dossier –, l’enquête apaisera au moins, une fois pour toutes, un pays et une famille. Celle de Miep Gies, la secrétaire de l’entreprise Opekta, qui sauva le manuscrit d’Anne et permit à ce texte irremplaçable d’acquérir une renommée planétaire.

Décédée en 2010 à presque 101 ans, cette petite dame souriante, reconnue « Juste parmi les nations », dut pourtant jusqu’au bout de sa vie justifier de son innocence. Elle fut en effet accusée d’être la dénonciatrice alors qu’elle fut de ceux qui, de juillet 1942 à l’été 1944, aidèrent à dissimuler la présence des Frank.

De son vrai nom Hermine Santrouschitz, émigrée à l’âge de 13 ans pour fuir la famine qui sévissait en Autriche et une intégration forcée dans une organisation hitlérienne, elle fut rebaptisée Miep par sa famille d’accueil, les Frank. Elle trouva et protégea le Journal d’Anne, avant de s’attacher à le défendre contre les attaques des milieux révisionnistes ou d’intellectuels qui lui reprochaient son prétendu excès de sentimentalisme. « On dirait que nous ne sommes jamais loin des pensées de Miep », écrivit la jeune Anne pour témoigner de son attachement à cette femme qu’elle adorait.