Après sa qualification pour les huitièmes de finale, vendredi 1er juin sur le Lenglen. / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

On avait perdu le Djoker. Il y a un an, le tenant du titre mordait la poussière du Lenglen dès les quarts de finale, pliant sous les coups de boutoir de Dominic Thiem (7-6, 6-3, 6-0). Un score comme une parfaite métaphore de son état d’esprit d’alors, un lent effritement frisant l’écroulement : « Je manque de consistance, j’enchaîne les hauts et les bas. J’essaie d’aller mieux. J’ai atteint le sommet de ce sport, ma raison me dit que je peux le faire encore. »

Un mois plus tard, à Wimbledon, il battait en retraite en quart de finale contre Tomas Berdych, enquiquiné par une blessure au coude droit. « Nous allons voir comment nous pouvons résoudre ça. La seule chose qui me vient à l’esprit, c’est du repos. Peut-être qu’une longue pause est nécessaire, pas forcément uniquement pour ma blessure. Peut-être aussi pour l’esprit… »

« Personne ne m’oblige à jouer au tennis »

Et puis à la fin de juillet, le Serbe capitulait. Fin de saison, retour à la maison. Pendant des années, il avait développé un jeu tutoyant la perfection, s’était forgé une cuirasse rendue imperméable à toute émotion. Federer avait un jour déclaré qu’il avait engendré « un monstre » en évoquant sa propre domination. Djokovic, lui, s’était mué en robot. Après une saison 2015 de tous les records, son règne se prolongea encore six mois. Jusqu’à ce titre à Roland-Garros, le seul parmi les quatre Grands Chelems qui se refusait encore à lui. Ce 5 juin 2016, Djokovic atteint son acmé tennistique.

Deux ans ont passé, et cette semaine, on dirait bien qu’on a retrouvé le Djokovic déterminé. Le blues l’a définitivement quitté. Après son premier tour, il s’est longuement épanché :

« Ce sport m’a beaucoup apporté, et je ne pense pas lui devoir quoi que ce soit ; je n’ai pas non plus le sentiment que le sport me doive quoi que ce soit. C’est une relation qui est fondée sur une véritable passion, sur l’amour. Tant que j’aurai envie de jouer, je continuerai de jouer. Personne ne m’oblige à être sur un court de tennis. »

Pourtant, ce sport, il en était venu à le haïr. A le vomir. Entre août et décembre, il soigna son coude et sa déprime. Quatre mois à cogiter, mais l’envie fut plus forte que le dégoût. Pour son retour, en Australie, il rassura, dit combien le tennis lui avait manqué. Las, le coude refit des siennes. Ne restait plus que l’opération, qui au lieu de le soulager, ne fit d’abord que le détraquer. Battu d’entrée à Indian Wells (par un qualifié) et à Miami (par Benoît Paire) en mars, le Serbe n’y arrivait plus. Il n’était que l’ombre de lui-même. « C’était comme si c’était mon tout premier match sur le circuit, dira-t-il. J’ai vraiment eu l’impression que je n’étais pas du tout moi (...) C’était à la fois physique et mental. » Il reconnut, surtout, avoir péché par impatience.

Après cette tournée ratée, l’heure fut au grand ménage de printemps. Exeunt Andre Agassi et Radek Stepanek. Et c’est avec le coach de toujours, Marian Vajda, son mentor, celui qui lui avait permis de soulever ses douze titres du Grand Chelem et ses trente Masters 1000, qu’il renoua. « Quand j’ai compris que j’avais besoin de quelqu’un qui puisse m’aider à simplifier les choses, d’être clair sur les priorités, Marian était le meilleur choix possible. Il est bien plus qu’un coach », disait-il dans L’Equipe le 30 mai.

Avec seulement dix succès depuis le début de la saison, dont quatre à Rome, où son niveau de jeu s’est considérablement haussé, Novak Djokovic, redescendu au 22e rang mondial, est arrivé à Paris dans la peau de l’outsider. Mais de l’outsider pris très au sérieux, tant il est l’un des rares à pouvoir contrarier le roi. En demi-finale à Rome, il fut encore un peu juste physiquement pour espérer renverser Nadal, mais mentalement, les voyants ne sont plus au rouge.

Un test face à Verdasco

Lundi pour son premier tour à Roland-Garros, le Serbe a lancé sereinement son tournoi face au Brésilien Rogerio Dutra Silva (6-3, 6-4, 6-4). Pour son deuxième tour face au jeune Jaume Munar, il perdit parfois un peu le fil, mais assura l’essentiel (7-6, 6-4, 6-4) : « Je ne suis pas très satisfait de ma performance mais j’ai serré le jeu dans les moments importants et c’est ce qui m’a permis de gagner, dit le Serbe, qui a appris à se montrer patient. En ce moment, je ne joue pas au niveau auquel je souhaiterais jouer mais je comprends que c’est un processus, que les choses prennent du temps. »

Son premier test, il l’a passé vendredi contre un pur terrien, l’Espagnol Roberto Bautista Agut (tête de série n°13). Djokovic a souffert par moments (6-4, 6-7, 7-6, 6-2), le revers en dents de scie, la première balle parfois en panne. Dans le deuxième set, il a ainsi mené 4-1, s’est procuré trois balles de set sur le service de Bautista Agut à 6-5, avant de dégoupiller. « J’ai peut-être perdu un certain niveau de confort sur le court, un certain niveau de confiance, et je dois reconstruire cette confiance progressivement, c’est quelque chose de nouveau pour moi. Plus je joue de matchs, mieux je me sens. Et surtout plus j’en gagne et mieux ça va. »

Dimanche, il retrouvera en huitièmes de finale Fernando Verdasco, tombeur du Bulgare Grigor Dimitrov. Un test un cran au-dessus. L’issue dira si le tournoi a bel et bien retrouvé son métronome d’ambassadeur.