• Claude Debussy
    Ses premiers interprètes

Pochette du coffret « Ses premiers interprètes », consacré à Claude Debussy. / WARNER CLASSICS

Comment interpréter Debussy ? Cent ans après la mort du compositeur (1862-1918), la question reste ouverte. L’indispensable coffret publié par Warner recèle quelques réponses gravées dans les disques d’antan. Ou dans des rouleaux (de piano pneumatique) quand il s’agit de Debussy lui-même. A l’écouter jouer un de ses préludes (La Soirée dans Grenade), on comprend qu’il traite les sons en plasticien. A écouter Ricardo Viñes (le créateur « attitré » des pièces pour piano de Debussy) dans la même partition, on jurerait que l’expression doit s’épanouir non dans le relief, mais dans le mirage des formes… Qui a raison ? L’interrogation se répète avec les interprétations (d’autres pages) par Alfred Cortot, Marguerite Long, Marcelle Meyer ou Walter Gieseking, ce dernier offrant la plénitude debussyste par un magnétisme tour à tour délicat et féroce. En musique de chambre, à l’orchestre et, bien sûr, à l’opéra, une leçon se dégage des multiples confrontations. Etre fidèle à Debussy, c’est donner l’impression qu’on fait entendre son œuvre pour la première fois. Pierre Gervasoni

1 coffret de 10 CD Warner Classics.

  • Emil Gilels
    The Unreleased Recitals at The Concertgebouw

Pochette du coffret « The Unreleased Recitals at The Concertgebouw », d’Emil Gilels. / FONDAMENTA

Les enregistrements de cinq récitals d’Emil Gilels donnés au Concertgebouw d’Amsterdam entre 1975 et 1980 ont été exhumés grâce à Kirill Gilels, en quête, des années durant, des enregistrements inédits de son grand-père. Restaurés avec soin dans la collection « The Lost Recordings » par un procédé mis au point par le label Fondamenta – fondé, entre autres, sur des technologies Devialet –, ces cinq disques donnent à entendre de façon exceptionnelle le génie du pianiste russe, injustement resté dans l’ombre de son compatriote Sviatoslav Richter. Gilels décline son art unique du phrasé et de la colorisation dans un répertoire allant de Mozart à Prokofiev en passant par Brahms, Ravel, Chopin, Liszt, Schumann, Scriabine et, bien sûr, Beethoven, son compositeur de prédilection. Son piano, aussi construit qu’instinctif, éblouit de vitalité. Un trésor dans lequel chaque auditeur peut plonger sans avoir à choisir : chaque morceau est une pépite. Anna Sigalevitch

1 coffret de 5 CD Fondamenta.

  • Mariza
    Mariza

Pochette de l’album « Mariza », de Mariza. / PARLOPHONE/WARNER MUSIC

Voix admirable, magnifique de plénitude, Mariza navigue entre fado et autres couleurs, dans ce septième album, comme dans le précédent, Mundo, en 2015, dont on était ressorti quelque peu groggy par la déception. Ce parti pris de digression du genre qu’elle a porté vers des sommets depuis son premier disque, Fado em mim (« le fado en moi »), en 2002, est ici beaucoup mieux maîtrisé. Si du superflu s’y égare encore, telle une reprise de la populaire chanteuse portugaise Carolina Deslandes (Por tanto te amar), la présence du violoncelliste brésilien Jaques Morelenbaum et un duo avec sa compatriote fadista Maria da Fé font du bien. La chanteuse a également réuni autour d’elle ses fidèles, le délicat José Manuel Neto, à la guitare portugaise, les compositeurs Tiago Machado, Jorge Fernando, Mario Pacheco. Elle reprend Quem me dera, de l’Angolais Matias Damasio (qu’ont chanté Gal Costa et Caetano Veloso), et signe elle-même Oraçao, évoquant une femme triste qui va « comme feuille au vent ». Née au Mozambique, Mariza se plaît à faire danser le fado et lui insuffler un joyeux sang rythmique en convoquant basse et percussions, comme sur Trigueirinha, écrit et composé par Antonio Vilar da Costa et Jorge Fernando, qui ouvre l’album, produit, comme l’était Mundo, par l’Espagnol Javier Limon. Patrick Labesse

1 CD Parlophone/Wea.

  • Joshua Redman, Ron Miles, Scott Colley, Brian Blade
    Still Dreaming

Pochette de l’album « Still Dreaming », de Joshua Redman, Ron Miles, Scott Colley et Brain Blade. / NONESUCH/WARNER MUSIC

De 1976 à 1987, le saxophoniste Dewey Redman a mené, avec le trompettiste Don Cherry, le contrebassiste Charlie Haden et le batteur Ed Blackwell, le groupe Old and New Dreams, évocation de l’univers musical du saxophoniste Ornette Coleman, avec lequel les quatre musiciens avaient régulièrement joué. Cette fois, c’est le saxophoniste Joshua Redman, fils de Dewey, qui reprend cette forme que l’on peut considérer comme un double hommage : au quartette sans piano « colemanien », né au début des années 1960, et à Old and New Dreams. Le tout en six compositions de Redman et du contrebassiste Scott Colley et deux reprises, l’une d’Haden et l’autre de Coleman. Avec Redman et Colley, le trompettiste Ron Miles et le batteur Brian Blade œuvrent avec bonheur dans cette alliance rythmico-mélodique, imbrication constante du construit, du prévu et de l’improvisé, qui sonne dorénavant classique et, pour autant, totalement d’aujourd’hui, de l’allègre New Year au délicat The Rest, qui s’éloigne dans une brume musicale. Sylvain Siclier

1 CD Nonesuch/Warner Music.

  • Father John Misty
    God’s Favorite Customer

Pochette de l’album « God’s Favorite Customer », de Father John Misty. / BELLA UNION/PIAS

Après une série d’albums publiés sous le nom de J. Tillman, au folk-rock joliment ouvragé, le multi-instrumentiste (il fut aussi batteur des Fleet Foxes de 2008 à 2012) Joshua Tillman a pris la lumière en se glissant, depuis 2012, dans la peau de Father John Misty. Comme libéré par ce pseudo de prédicateur, le natif de Rockville (Maryland), élevé dans une famille chrétienne évangélique, a plongé sa plume, ses instruments et son ego dans une majesté qui en fait aujourd’hui une des figures du rock indépendant américain. Après le succès du très arrangé I Love You, Honeybear (2015) et la densité politico-littéraire (un peu indigeste) de Pure Comedy (2017), ce quatrième album traverse des paysages plus intimes, au rythme de mélodies souvent brillantes, rappelant les raffinements country-folk-rock de No Other (1974), le chef-d’œuvre de Gene Clark. La voix d’or de cet amoureux blessé jouant avec grandeur de l’introspection (Please Don’t Die) comme de l’ironie (Mr Tillman). Stéphane Davet

1 CD Bella Union/PIAS.