Série documentaire sur Netflix à la demande

Donald Trump (à droite) et l’architecte Adrian Smith lors d’une conférence de presse pour la construction de la Trump Tower à Chicago (Illinois) en septembre 2003. / SCOTT OLSON/GETTY IMAGES

Le sixième volet de Dirty Money (2018), d’Alex ­Gibney, disponible sur Netflix, faisait le portrait de « l’escroc » Donald Trump, du temps où l’homme passait encore pour un exemple de réussite, alors que celle-ci était fondée sur de nombreux tours de passe-passe et d’irrégularités qui firent beaucoup de victimes collatérales.

La série documentaire britannique Donald Trump : un rêve ­américain reprend cette thématique et la développe en quatre ­épisodes qui décryptent les ressorts d’une étonnante destinée. Il ne s’agit pas de son accession à la présidence des Etats-Unis mais de tout ce qui l’a précédée.

« J’attends qu’il y ait une crise ; quand il y a une crise, j’obtiens toujours ce que je veux. »

S’il fallait résumer ce parcours personnel et professionnel, on pourrait ne citer qu’une phrase, prononcée par Trump dans une archive télévisée : « J’attends qu’il y ait une crise ; quand il y a une crise, j’obtiens toujours ce que je veux. »

C’est, en effet, dans la New York ruinée, malfamée et décatie des années 1970 que Donald Trump fera ses débuts d’homme d’affaires. Il veut restaurer l’Hôtel ­Commodore et obtient des conditions fiscales très avantageuses de la part du maire, Abraham (« Abe ») Beame, en poste de 1974 à 1977, grand ami du père de ­Donald.

Pour ses projets suivants, Trump trouvera en Ed Koch un maire beaucoup moins ­conciliant. Il s’associe avec Harry Cohn, avocat de la pègre connu pour sa collaboration active aux purges du maccarthysme, qui ­attaque la ville et obtient parfois gain de cause.

Charisme

Comportant de nombreuses ­archives et des entretiens avec différents témoins – journalistes, animateurs de télévision, anciens amis et collaborateurs, etc. –, les quelque quatre heures de cette ­série documentaire composent le portrait d’un tricheur, mentant constamment, attaquant dès qu’on le contredit (sa devise, très tôt, était : « On est soit le prédateur, soit la victime. »).

Il est facile de se payer la tête de Donald Trump. Mais ce portrait, majoritairement à charge, le fait de manière sérieuse et documentée sans amoindrir la force d’un charisme qui permit naguère à Trump de séduire à peu près tout le monde avec un culot, un ­cynisme et une absence de ­surmoi phénoménaux.

Cynisme

Deux moments sont révélateurs : le premier montre Trump évoquant son film préféré, Citizen Kane (1941), d’Orson Welles, et la relation qui se distend entre le personnage principal et son épouse. Verdict : « Il aurait dû changer de femme. » (Ce que fit Trump à plusieurs reprises, ainsi que le rappelle le documentaire, qui explique comment il s’est alors habilement servi d’une presse qu’il méprisait déjà par ailleurs). Le second moment est un entretien télévisé avec la mère de l’actuel président des Etats-Unis (à la coiffure blonde architecturalement aussi étonnante que celle de son fils), qui raconte comment le petit Donald avait emprunté, au cours d’un jeu, les cubes de son frère : « Il les a pris, et ne les a ­jamais rendus : il les avait collés aux siens… »

Une longue séquence filmée au cours du fameux dîner des correspondants de la Maison Blanche termine le quatrième épisode. On y revoit Barack Obama humilier celui qui avait mis en doute de manière abjecte la validité de son certificat de naissance.

C’est le moment-clé qui décida Trump à se venger un jour, à son tour. Et le documentaire de conclure sur ces mots terribles de Trump : « Le monde se moque ­de nous, mais il ne se moquera plus de moi quand je serai président. » On connaît la suite.

Donald Trump : un rêve américain, de Barnaby Peel (GB, 2018, 4 × 48-66 min).