Le PDG de Daimler, Dieter Zetsche de Daimler, interrogé par les médias, après son entretien avec le ministre allemand des transports, Andreas Scheuer, à Berlin, le 28 mai. / Kay Nietfeld / AP

Le diesel, encore. Près de trois ans après le déclenchement du scandale des moteurs diesel truqués chez Volkswagen, c’est au tour de Daimler de sentir le vent du boulet. Le constructeur de Stuttgart, qui clame depuis 2015 n’avoir jamais manipulé ses moteurs, pourrait être entraîné dans une crise considérable. Depuis plusieurs jours, le groupe subit la pression conjuguée de la justice et du ministère des transports qui le soupçonnent d’avoir installé sur ses moteurs diesel des systèmes de dépollution illégaux sur plusieurs centaines de milliers de véhicules.

Vendredi 1er juin, de nouvelles révélations ont précisé l’ampleur de la menace qui pèse sur Daimler. Selon les informations du magazine Der Spiegel, le ministre des transports Andreas Scheuer a menacé le PDG de Daimler, Dieter Zetsche, d’une amende de 3,75 milliards d’euros lors de leur entrevue du lundi 28 mai. Le patron venait s’expliquer sur les accusations qui pèsent sur son groupe : le ministre soupçonne le constructeur d’avoir installé des systèmes de dépollution illégaux sur 750 000 véhicules de la marque Mercedes. Daimler risque 5 000 euros d’amende par véhicule.

Le 24 mai, le KBA, l’autorité de contrôle des véhicules à moteur, avait déjà ordonné le rappel obligatoire de 23 000 camionnettes de la marque Vito, où il a officiellement constaté la présence d’un système illégal de désactivation du dispositif antipollution. Une première pour Daimler, qui n’avait jusqu’ici jamais été confronté à un rappel obligatoire dans le scandale du diesel. Pour l’instant, le constructeur conteste formellement ces accusations et a annoncé son intention de se défendre en justice contre le KBA dans l’affaire Vito, a confirmé au Monde un porte-parole du groupe. Il a obtenu un délai de deux semaines pour s’expliquer sur ces irrégularités.

L’affaire pourrait prendre une dimension franco-allemande

Mais l’étau se resserre dangereusement. Car le parquet de Stuttgart mène lui aussi son enquête depuis plusieurs mois. Vendredi 1er juin, le quotidien Süddeutsche Zeitung a révélé que le procureur avait étendu ses investigations sur les moteurs du groupe soupçonnés de non-conformité.

L’affaire, très délicate pour Daimler, pourrait prendre une dimension franco-allemande. Car, selon cette même source, les moteurs mis en cause par le KBA sur les Vito, des modèles de 1,6 l de norme Euro 6, n’ont pas été construits par Daimler. Ils ont été livrés par Renault sur la base des accords de coopération conclus entre les deux constructeurs depuis 2010. Le français fournit des moteurs pour les classes A, B et C, capables d’émettre « moins de 100 g de CO2 par kilomètre » précise Renault.

Cette performance CO2 se fait-elle au prix d’un dépassement illégal des émissions d’oxyde d’azote ? Le journal allemand rappelle que Renault est accusé, par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), d’avoir mis en place des stratégies visant à frauder sur les émissions de ses moteurs lors des tests d’homologation. Renault se refuse officiellement à tout commentaire sur un sujet « qui concerne Daimler. »

Partenariat avec Renault

Mais de toute évidence, les accusations diffusées en « off » à la presse allemande depuis le déclenchement de l’affaire Vito passent mal côté français. S’agirait-il d’un réflexe de fierté allemande à l’égard de la supériorité supposée des moteurs « made in Germany » ? On rappelle que chaque constructeur final fait lui-même la programmation du moteur ainsi que le calibrage final du système de dépollution en fonction des caractéristiques du véhicule, et qu’il est responsable, en dernier ressort, des caractéristiques techniques de ses voitures. Pour preuve : l’équivalent du Vito chez Renault, le petit utilitaire Trafic, équipé du même moteur, n’est pas sous le coup d’une enquête pour dépassement des normes de pollution.

« A mon époque, les moteurs de Renault n’étaient pas transformés, il n’y avait que des adaptations sur des éléments mécaniques dans la carrosserie, pour que le client n’ait pas l’impression de rouler en Megane », précise toutefois au Monde un ingénieur chez Daimler. « C’est une collaboration qui a été décidée par les grands patrons chez Renault et Mercedes, sans considération technique, poursuit cette source. Pendant tout le projet, il était difficile d’obtenir des informations précises sur les moteurs de la part de Renault, qui me semble très dépendant de ses fournisseurs. »

L’affaire Vito peut-elle remettre en cause le partenariat Renault-Daimler ? « En aucune façon » répond un porte-parole du constructeur allemand à Stuttgart. Renault et Nissan détiennent chacun 1,55 % du capital de Daimler, qui, de son côté, possède 3,1 % des actions de Renault et de Nissan. La coopération concerne d’ailleurs bien davantage que les moteurs incriminés. C’est par exemple Renault qui produit pour le groupe allemand la Smart Forfour, ainsi que les moteurs électriques pour des versions de la Smart lancées en 2017. Daimler, dont le nom symbolise comme aucun autre le « made in Germany », est à présent confronté à ses responsabilités de constructeur.