Angela Merkel, à Berlin, le 30 mai. / ODD ANDERSEN / AFP

Editorial du « Monde ». Enfin ! Après des mois d’espoirs déçus, d’atermoiements incompris et d’imprécations inutiles, Angela Merkel a fini par livrer, dimanche 3 juin, sa réponse aux propositions d’Emmanuel Macron pour refonder l’Europe, formulées notamment dans son discours de la Sorbonne en septembre 2017. Ceux qui pensaient que, si la chancelière allemande tardait autant, c’était pour mieux placer ses ambitions pour l’Europe à la hauteur de celles de son partenaire français en sont pour leurs frais. Il n’y aura pas de grand soir allemand. Fidèle à sa réputation, Merkel fait du Merkel : elle avance, mais à petits pas.

On l’attendait à Aix-la-Chapelle, où elle avait accepté d’intervenir pour la remise du prix Charlemagne décerné cette année à M. Macron, en mai : elle aurait pu y prononcer un discours historique, il fut d’une désolante platitude, face au président français pressant l’Allemagne d’abandonner son « fétichisme » budgétaire. Le président français aime l’oral, de préférence dans un cadre théâtral ; la chancelière allemande préfère le confort de l’écrit. C’est donc dans un long entretien au Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung qu’elle a finalement choisi de préciser la position de l’Allemagne sur plusieurs dossiers essentiels, à trois semaines d’un conseil européen très attendu.

Pas d’« union de la dette »

C’est évidemment sur la réforme de la zone euro que sa réponse sera jugée la plus décevante à Paris. Les avancées de Mme Merkel sont minimales, dans un contexte, il est vrai, assombri par la situation italienne : elle est en faveur de la transformation du Mécanisme européen de stabilité (MES) en Fonds monétaire européen (FME), susceptible de venir en aide aux pays en difficulté économique, mais susceptible aussi d’étudier la restructuration de la dette de ces pays – une recette à laquelle la France est opposée. Mme Merkel se prononce également en faveur d’un budget d’investissement de la zone euro, mais d’un montant bien inférieur à celui souhaité par M. Macron. Soucieuse de ne pas heurter ses partenaires politiques, elle réitère son refus de créer une « union de la dette ».

Avant ce quatrième mandat, la chancelière n’a fait que deux embardées audacieuses.

La chancelière avance sur la question migratoire : elle soutient l’idée d’une agence européenne des migrations et plaide pour l’harmonisation du droit d’asile. Elle reconnaît que le système des quotas obligatoires de réfugiés pour les Etats membres a été un échec et propose un « système flexible » de partage des responsabilités.

C’est sur la défense et la sécurité qu’Angela Merkel évolue le plus dans le sens souhaité par Emmanuel Macron. Elle soutient l’initiative d’intervention européenne lancée par la France et souscrit à la nécessité de créer une « culture stratégique » commune. Cela prendra du temps, mais c’est un signal politique bienvenu, de même que la proposition d’un Conseil européen de sécurité à l’ONU, compte tenu des traditionnelles réticences allemandes dans ce domaine.

Le contexte international et les défis posés par la présidence Trump plaident pour des avancées plus décisives, mais Angela Merkel, liée par son contrat de coalition, est d’une nature prudente. Avant ce quatrième mandat qui se révèle plus ardu que les précédents, la chancelière n’a fait jusqu’ici que deux embardées audacieuses : celui de la transition énergétique et celui de l’accueil massif des réfugiés, en 2015. Les deux virages ont été fortement controversés. Visiblement, la chancelière préfère désormais emprunter des routes plus sûres. A M. Macron de la convaincre d’augmenter la vitesse.