Blair Hall, un des bâtiments du Mathey College sur le campus de Princeton. / Thomas Kergonou Jimenez

Chronique. Etudiant en master en géographie et urbanisme à l’ENS et à l’université de Paris-Nanterre, Thomas Kergonou Jimenez raconte son semestre en échange à l’université américaine de Princeton, dans le New Jersey.

L’arrivée à l’université de Princeton ressemble étrangement et, malgré ma volonté de trouver une meilleure comparaison, à ce que serait une entrée à Poudlard, l’école de Harry Potter. Le campus, bâti sur un modèle architectural victorien, rivalise de tours, de clochers et d’édifices aux airs moyenâgeux, même si la plupart date du XXsiècle. Ce goût pour l’ancien s’échine à recréer une authenticité et une lignée historiques pour cette université inspirée des campus presque millénaires d’Oxford et de Cambridge au Royaume-Uni.

Sillonnant à travers cette austérité presque chaleureuse, le parc s’étend jusqu’au lac en contrebas et recèle tout ce dont un·e étudiant·e a besoin pour passer ses quelques années d’études à Princeton. De nombreux dining halls et cafétérias sont répartis sur le campus pour sustenter les étudiant·e·s, toujours une « cup of coffee » à la main et ne reculant devant rien pour petit-déjeuner ou déjeuner en écoutant leurs professeur·e·s. Les salles de classe et amphithéâtres rivalisent avec ceux de la Sorbonne mais intègrent une technologie de pointe. Ces installations digitales permettent aux professeurs de donner des cours plus interactifs et rendraient jalouses nombre d’universités françaises.

Plus de cent Princetonien·ne·s aux Jeux Olympiques

Au-delà de ces services, haut de gamme mais plutôt classiques pour une université, on peut également profiter d’infrastructures culturelles et sportives particulièrement impressionnantes. On visite ainsi un musée qui abrite une collection exceptionnelle, avec plus de 60 000 œuvres, dont de nombreux tableaux de Monet, Manet et Picasso, exposés devant plus de 200 000 visiteurs annuels. On peut également se rendre dans le théâtre, qui dispose de trois salles, dont la plus importante offre 1 100 places. On y joue de nombreuses représentations de choix et souvent gratuites pour les étudiant·e·s.

Plus de 300 associations participent également à l’animation de la vie culturelle et festive du campus. On peut ainsi rejoindre le ballet de danse classique et contemporaine, l’association de politique étrangère américaine, ou encore l’une des trois associations LGBT de l’université.

L’accent est également, et évidemment, mis sur le sport, une activité fondamentale pour nombre d’étudiant·e·s des universités américaines, souvent comme loisir, parfois en vue d’une carrière professionnelle. Ainsi, plus de cent Princetoniens et Princetoniennes, admis·e·s à l’université à la fois grâce à leurs résultats académiques et leurs réussites sportives, ont déjà participé aux Jeux Olympiques. Le stade peut accueillir près de 28 000 spectateurs et le gymnase est doté d’une piscine, d’une salle de musculation, de salles de squash et d’une offre variée de cours de fitness à tous les niveaux. A Princeton, nul besoin de sortir du campus pendant sa scolarité pour se distraire ou faire du sport. Ce cocon nous accueille au mieux tout en isolant du monde extérieur.

La moitié des étudiants peut être dispensée de tous frais de scolarité

L’université de Princeton, fondée en 1746, est membre de l’Ivy League, qui rassemble huit des universités parmi les plus prestigieuses des Etats-Unis. Avec ses 8 000 étudiant·e·s, elle est également la plus petite du groupe, ne disposant notamment pas d’écoles de droit ou de médecine. Cette taille réduite est tout à son avantage, puisqu’elle permet à l’université, qui dispose d’un budget annuel d’environ deux milliards de dollars (1,7 milliard d’euros) et d’un capital de 24 milliards de dollars (20,5 milliards d’euros), d’encadrer ses élèves et son corps professoral dans les meilleures conditions d’étude, d’enseignement et de recherche.

Ces avantages ont néanmoins un coût. La moitié des étudiant·e·s payent des frais de scolarité de 55 000 dollars par an (47 000 euros), un montant presque incompréhensible pour un·e Français·e qui accède à l’université pour quelques centaines d’euros annuels. Même nos écoles de commerce n’atteignent pas – encore – ces frais de scolarité. Néanmoins, la deuxième moitié des étudiant·e·s peuvent être dispensé·e·s de tous frais de scolarité, ou obtiennent des bourses plus généralement, pour leur licence, ou des allocations doctorales pour leur master et leur « PhD » (équivalent du doctorat). Les doctorant·e·s sont ainsi payé·e·s environ 30 000 dollars par an – 25 600 euros – pour étudier et mener des recherches pendant les cinq années qu’ils passent à l’université.

Professeurs mondialement reconnus et invités de marque

Une véritable financiarisation de l’enseignement s’opère donc aux Etats-Unis, où les universités agissent en hedge fund (fonds d’investissement non indexé sur la Bourse). Princeton s’illustre particulièrement dans cette activité de placements financiers. Lors de la crise de 2008, l’université du New Jersey s’est retrouvée en graves difficultés financières après la baisse de la valeur de ses actifs, l’obligeant à licencier 200 personnes.

Princeton demeure au-dessus du lot, offrant une qualité d’infrastructure déjà évoquée, une palette de cours et une qualité de l’enseignement sans pareil. La proximité et la disponibilité des enseignants sont incomparables : une de mes professeures est allée jusqu’à s’excuser de prendre plus d’une journée pour répondre à un de mes questionnements ! Les conférences sont aussi variées qu’intéressantes, avec des thèmes tels que « Race et opportunité économique aux Etats-Unis » ou « La Turquie et l’Occident, nager en relation troublée ». Les professeurs sont mondialement reconnus, et les speakers de marque, comme l’ancien premier ministre du Japon Yukio Hatoyama, attirent des auditeurs prestigieux dans l’assistance. J’ai ainsi pu me retrouver, lors d’une conférence, nonchalamment assis à côté d’Angus Deaton, prix Nobel d’économie en 2015…

La tentation de New York et de Philadelphie

Cette université fournit l’un des environnements les plus propices qui soit pour étudier, faire sa thèse et enseigner. Est-elle pour autant un paradis pour universitaires ? En France, ce modèle de campus excentré a pu être répliqué, notamment sur le plateau de Saclay, avec des résultats mitigés en termes de vie sur place ou encore d’accessibilité.

Le campus princetonien est situé à mi-chemin de New York et de Philadelphie, à deux heures de train, dans une ville d’environ 20 000 habitants… dont plus de la moitié est affiliée à l’université. Son environnement calme et vert en fait un cocon parfois trop isolant. Il ne permet pas à faire oublier la vie animée et diverse des métropoles à la fois si proches et si lointaines. Certain·e·s graduate students préféreraient, si ce n’est déjà fait, déménager à New York pour profiter de l’ambiance urbaine, culturelle et festive de Big Apple. Samy, étudiant en thèse à l’université de Princeton depuis cette année, évoque ainsi régulièrement l’idée de déménager à New York dès qu’il le pourra.

Pour les étudiants étrangers, notamment ceux qui passeront cinq ans ou plus sur place, le temps est parfois long, notamment quand les épisodes de neige découragent toute aventure hors de sa chambre. Mais il permet probablement un certain épanouissement académique, dans cette université où 26 Prix Nobel enseignent aujourd’hui.