Le couple David Mullins (à gauche) et Charlie Craig,devant la Cour suprême des Etats-Unis, à Washington, le 5 décembre 2017. / Jacquelyn Martin / AP

L’affaire, devenue emblématique aux Etats-Unis, portait de vastes enjeux pour la société américaine, dont la liberté religieuse, l’égalité sexuelle et la liberté d’expression sont trois grands principes protégés par le premier amendement de la Constitution. La haute cour a accordé une victoire lundi 4 juin à un pâtissier de l’Etat du Colorado ayant refusé de faire un gâteau de mariage pour un couple homosexuel, jugeant que les droits religieux du commerçant avaient été négligés.

Dans une décision à la majorité de sept juges contre deux, la juridiction a estimé qu’une commission dans le Colorado, qui avait jugé que le pâtissier chrétien évangéliste se devait de servir tous ses clients quelle que soit leur orientation sexuelle, avait fait preuve d’une « animosité évidente et inadmissible » à l’égard de la religion.

Guerre des gâteaux

Une guerre sourde des gâteaux s’en était ensuivie à Denver. Une pâtissière avait ainsi été poursuivie dans la même ville par un client au motif qu’elle avait refusé de confectionner un gâteau en forme de bible avec sur sa couverture la représentation de deux hommes en jeunes mariés, barrée d’une croix accompagnée de la mention « l’homosexualité est un péché ». La commission des droits civiques avait absous la commerçante.

Cette différence de traitement, pour des cas qui n’étaient pas rigoureusement identiques, avait poussé Jack Philipps à saisir la Cour suprême du Colorado, qui a refusé de trancher le différend. Il s’est, en dernier recours, tourné vers celle des Etats-Unis pour tenter de faire prévaloir un autre point de vue : la défense de la liberté d’expression et de la liberté religieuse.

Invoquant sa foi chrétienne, le pâtissier Jack Phillips avait expliqué le 19 juillet 2012, dans sa pâtisserie en banlieue de Denver, Masterpiece Cakeshop, qu’il ne pouvait prendre une commande venant des deux hommes, aujourd’hui mariés, Dave Mullins et Charlie Craig. Ses avocats ont argué que le gâteau représentait l’institution du mariage et qu’il véhiculait donc un message, contrairement à un banal croissant.

Les deux époux avaient déposé plainte sur le fondement d’une loi du Colorado interdisant toute discrimination dans les magasins. Les tribunaux inférieurs leur ont donné raison.

Des prises de position déroutantes

L’arbitrage entre liberté religieuse et lutte contre les discriminations a mis au jour dans ce cas des prises de position déroutantes. Le courant libertarien, incarné notamment par le Cato Institute, a pris position, avec l’administration de Donald Trump, une vingtaine d’Etats conservateurs et d’autres spécialistes du droit aux côtés du pâtissier. Un juriste émérite, Eugene Volokh (université de Californie), spécialiste du premier amendement (sur la liberté d’expression et la liberté religieuse), avait défendu en 2013 le refus d’un photographe d’immortaliser un couple homosexuel. Il soutient aujourd’hui les clients éconduits.

L’affaire a été plaidée en décembre à la Cour suprême. Finalement, les sages se sont gardés de trancher de façon large, rendant un arrêt de portée limitée, se contentant de constater que M. Phillips n’avait pas bénéficié d’une neutralité nécessaire pour exposer ses arguments devant les juridictions inférieures.