Les Français ont-ils pris la mesure des changements à venir avec le prélèvement à la source ? « Il y a eu un afflux plus important de contribuables aux guichets de leur centre des impôts. La majorité des questions a porté sur les options de taux possibles », indique Nadine Gerst, secrétaire nationale CFDT à la direction générale des finances publiques. La réforme offre le choix entre trois possibilités : un taux unique pour le foyer fiscal, un taux individualisé pour chaque conjoint, ou un « taux neutre », si le contribuable ne souhaite pas que son employeur connaisse sa situation familiale et patrimoniale.

Les revenus fonciers, soumis au prélèvement à la source, mais directement sur le compte de leur bénéficiaire, font également l’objet d’interrogations récurrentes. « Pour eux, on ne simplifie pas, on complexifie le processus », déplore Mme Gerst.

Le sujet le plus épineux demeure celui des crédits d’impôts, qui devraient continuer à être payés avec un an de décalage, alors même que le versement de l’impôt devient « contemporain ». De quoi modifier les habitudes financières des Français qui emploient une personne à domicile ou une garde d’enfant, craignent les syndicats. « Cela revient à faire une avance à l’Etat, qui ne sera remboursée qu’en septembre de l’année suivante – même si un acompte de 30 % pourra être versé dès le premier trimestre », pointe Mme Gerst. Même problématique pour les personnes âgées en Ehpad, qui bénéficient de crédit d’impôt leur permettant souvent de faire face au coût élevé de ce mode d’hébergement.

« On voit les bugs se profiler »

Côté fisc, 40 000 agents ont été formés pour être en mesure de répondre à 20 000 appels par jour. « On fait totalement face », assure Maryvonne Le Brignonen, chargée du dossier prélèvement à la source à Bercy. Pour l’heure, aucun bug informatique important. « Nous avons eu un an de plus pour mettre au point le système [le prélèvement à la source a été retardé d’un an après l’élection d’Emmanuel Macron]. Ce n’est pas tant l’informatique le problème que les décalages de trésorerie », estime Mme Gerst. Pour la phase de déclaration des revenus, Mme Le Brignonen assure que « tout se passe bien. A l’occasion des tests que nous menons avec les éditeurs de logiciel, nous détectons des besoins de précisions ou des anomalies. C’est normal, c’est le rôle de ces tests qui se déroulent jusqu’à fin juin. Cela nous permet de finaliser le dispositif ».

Certains, pourtant, risquent d’avoir de mauvaises surprises. « On voit déjà les bugs se profiler », soupire Florent, contrôleur des finances publiques dans le sud de la France. Il cite le cas des contribuables qui se dispensent de déclarer leurs revenus parce qu’ils ne sont pas imposables. Souvent, constate Florent, « ce sont des couples de smicards, propriétaires, pas assez pauvres pour bénéficier de la prime d’activité, pas assez riches pour payer l’impôt sur le revenu. Ils ne font pas de déclaration, considérant que cela ne change rien. » Erreur. Comme ils n’auront pas rempli de déclaration, le fisc n’enverra pas de taux à leur employeur. Celui-ci appliquera un taux préétabli à partir de leur seul salaire. « Ils vont donc payer l’impôt alors qu’ils n’ont pas à le faire, explique Florent. On va les voir arriver en février pour faire une réclamation, mais ils devront payer jusqu’en septembre… »

Anne Guyot-Welke, chez Solidaires finances publiques, craint surtout un afflux de questions « entre fin juillet et mi-septembre », au moment de la réception de l’avis d’imposition, qui fera mention du taux de chacun. Secrétaire départemental adjoint CGT dans le Gers, Didier Kahn redoute, lui, une déperdition de recettes fiscales pour l’Etat. Notamment dans le cas des entreprises en redressement judiciaire, qui ne seront plus en mesure de payer les salaires de leurs employés, et donc de transmettre leurs impôts au fisc.