Matteo Salvini (à droite), mardi 5 juin, au Sénat, à Rome, pendant le discours inaugural du nouveau président du conseil, Giuseppe Conte. / ALESSANDRO BIANCHI / REUTERS

Il était très attendu, redouté par certains, encouragé par d’autres. L’Italien Matteo Salvini n’aura finalement pas fait le voyage de Luxembourg pour rejoindre ses nouveaux collègues, les ministres chargés de l’intérieur et de l’immigration, réunis, mardi 5 juin, pour évoquer notamment un très éventuel déblocage de la réforme du système d’asile européen.

Le dirigeant de la Ligue, jusque-là grand contempteur de l’Europe et membre du groupe Europe des nations et des libertés (extrême droite) au parlement de Strasbourg, a choisi de rester à Rome pour le vote de confiance au nouveau gouvernement et le discours inaugural du président du conseil, Giuseppe Conte.

Il n’aura donc pas pu répéter à ses homologues que l’Italie, sous sa conduite, cessera d’être le « camp de réfugiés de l’Europe » ou détailler comment il compte s’y prendre pour respecter l’une de ses promesses de campagnes : renvoyer 500 000 clandestins. Il aurait aussi pu frapper du poing sur la table pour inciter certains responsables d’Europe centrale ou orientale – qui partagent certaines de ses convictions, mais pas celle-là – de soulager son pays, en première ligne pour l’accueil des migrants. Il s’estime victime du défaut de solidarité de ses partenaires pour la répartition de ceux-ci.

Les pays méditerranéens « condamnés »

Le nouveau ministre italien devrait donc faire sa première apparition dans un conseil européen au mois de juillet seulement, lors d’un conseil informel des affaires intérieures, à Innsbruck. C’est l’Autriche qui, succédant à la Bulgarie à la présidence tournante de l’Union, risque bien d’hériter de la tâche difficile de tenter de régler l’épineux dossier de la réforme du système d’asile européen.

Est-il déjà « mort », comme l’a carrément affirmé le secrétaire d’Etat belge à l’asile et à la migration, Theo Francken ? Les diplomates bulgares ont, en tout cas, travaillé d’arrache-pied pour sortir de l’impasse et élaborer une proposition, qui devait être évoquée à Luxembourg. La discussion bute cependant toujours sur l’instauration de quotas de répartition des demandeurs d’asile, solution imaginée par la Commission et qui divise les Vingt-Huit depuis trois ans.

Dans un premier commentaire, le ministre italien avait estimé que le projet « condamne » les pays méditerranéens. Il vise pourtant à alléger la charge pesant sur les pays dits « de première ligne » – Italie et Grèce surtout – et à limiter les « mouvements secondaires » – des pays d’arrivée vers les autres Etats membres. Avec, à la clé, un système de répartition qui suscite toujours les mêmes divisions et apparaît insuffisant à Rome et Athènes, puisqu’il ne serait déclenché qu’en cas d’afflux « massif ».

La discussion se limite en réalité à savoir si la proposition bulgare sera transmise aux chefs d’Etat et de gouvernement et si elle sera discutée, à Bruxelles, lors d’un sommet à la fin juin. Il s’agissait, en théorie, de la date butoir fixée pour la définition d’un consensus sur la révision du règlement de Dublin, qui oblige les pays de première arrivée à enregistrer tous les demandeurs d’asile avant – en théorie – leur transfert vers un autre Etat membre.

Rapprochement des règles des différents pays

Par la voix d’Emmanuel Macron, la France prône la poursuite du dialogue avec Rome et le rapprochement des droits d’asile et des règles des différents pays. L’accueil ne serait imposé qu’en cas de situation jugée « exceptionnelle », à l’issue d’un vote à la majorité qualifiée. Et si le calcul des quotas serait bien « automatique », il pourrait être limité à la demande de certaines capitales. Sofia a donc tenté de mêler les impératifs des uns – la solidarité – avec les exigences des autres – la « flexibilité ».

Rome promet de s’élever avec véhémence contre un autre volet de la proposition : la responsabilité du traitement de la demande d’un primo-arrivant serait maintenue pendant huit ans pour le pays concerné. L’Allemagne réclame dix ans, l’Italie deux seulement.

Autant dire que le compromis attendu risque de se faire encore attendre longtemps. D’autant que la France et l’Allemagne se tiennent prudemment à distance, affirmant que la responsabilité d’une demande d’asile doit demeurer essentiellement de la compétence des pays de première entrée, sauf en période de crise.

La crainte de beaucoup est que l’été soit propice à de nouvelles traversées massives vers les côtés du sud de l’Europe. Et que M. Salvini favorise le passage de migrants vers les pays voisins de l’Italie, ce qui ne manquerait pas de reposer la question de l’avenir d’un autre système, celui de l’espace sans passeport de Schengen.