Marin Cilic aspire à se hisser dans le dernier carré de Roland-Garros pour la première fois de sa carrière. / ERIC FEFERBERG / AFP

Marin Cilic est un géant discret. Face à ses 1,98 m, on se dit qu’il faudrait plus qu’une plante verte pour dissimuler sa longue silhouette. Pourtant, assis entre deux ficus pour répondre aux questions du Monde, le Croate n’attire l’attention de personne dans la ruche qu’est la zone d’interviews de Roland-Garros. Rebelote en conférence de presse, où Cilic peine à attirer plus d’une demi-douzaine de journalistes.

Quatrième joueur mondial, quart de finaliste à Roland-Garros pour la seconde année consécutive, Marin Cilic présente pourtant un CV à même de le mettre sous les feux de la rampe. Mais rester dans l’ombre lui convient. « Vous savez, je suis un mec simple », sourit-il en haussant ses larges épaules alors que derrière lui passe Lucas Pouille suivi d’une nuée de journalistes. A l’instar des paroles de la chanson de Lynyrd Skynyrd, « Simple man », il a choisi de faire « quelque chose qu’il aime et qu’il comprend ». Jouer au tennis « aussi bien que possible. »

« C’est plus fort que moi, j’ai le tennis dans la peau (…) C’est un sport incroyable où vous pouvez vous améliorer chaque jour », s’exclame celui qui se décrit comme un « faux calme, bouillant à l’intérieur ».

Tout en efficacité, son jeu n’aura jamais la flamboyance de certains de ses camarades de court, mais le natif de Medugorj, en Bosnie-Herzégovine, ne s’en soucie guère. « Au bout du compte, le plus important est de gagner. Et la foule apprécie toujours les beaux combats. »

Le tennis dans la peau

Elle devrait être comblée mercredi 6 juin sur le court Suzanne-Lenglen, pour le quart de finale entre le récent finaliste de l’Open d’Australie et Juan Martin Del Potro. Les deux hommes partagent, outre une ressemblance physique (tous deux culminent à deux centimètres du double mètre) et dans le jeu, la spécificité d’être les seuls joueurs - avec Stanislas Wawrinka - à avoir remporté un tournoi du Grand Chelem depuis 2005 et le début du règne de Federer, Nadal, Djokovic et Murray. Dans les deux cas à l’US Open, en 2009 pour l’Argentin et 2014 pour le Croate. L’un, très expressif sur les courts, est devenu une icône pour son parcours en dents de scie ; l’autre est resté dans l’ombre.

Face à Fabio Fognini, Marin Cilic a remporté son deuxième huitième de finale à Roland-Garros. / ERIC FEFERBERG / AFP

Ce n’est pas Cilic qui tentera de faire pencher le public de son côté à force de gestes et de harangues. En huitièmes de finale, ce rôle a échoué au roublard Fognini. Celui de Cilic ? Remporter la rencontre au terme d’un cinquième set haletant. Sans manquer de saluer la performance de son adversaire. « Avec Fabio, il y a toujours du spectacle sur le court », glisse-t-il. Avec lui, moins.

Quand on lui dit que le grand public ne le connaît pas encore autant que certaines icônes marketées « Next Gen », le presque trentenaire (29 ans) ne s’en offusque guère. « Les gens commencent à mieux me connaître avec mes bons résultats en Grand Chelem, assure le finaliste malheureux du dernier Wimbledon (défait par Roger Federer, comme à l’Open d’Australie). Mais ils ont aussi besoin de me découvrir. » A commencer par le public de Roland-Garros, qui n’a pas encore percé la carapace du géant croate.

« La terre battue, j’ai grandi dessus »

Cela fait pourtant un bout de temps - huit ans - qu’il a intégré le top 10 mondial, même si sa carrière a été perturbée par plusieurs blessures et une suspension de quatre mois en 2013 après un contrôle positif à la nicéthamide (un stimulant cardiovasculaire). Ses modestes résultats sur terre battue n’ont pas aidé, non plus. Avant 2017, il n’avait jamais dépassé les huitièmes de finale à Roland-Garros. Pourtant, « la terre battue, j’ai grandi dessus », lance Cilic, qui a passé son enfance dans un pays laminé par la guerre. « J’aime jouer sur cette surface vraiment particulière, insiste-t-il. La plupart des joueurs amateurs évoluent dessus, du coup les fans adorent regarder le tennis sur terre battue. » Cette déclaration d’amour faite, le numéro 4 mondial, qui vise la première place, admet « avoir toujours préféré jouer sur dur et sur herbe, car ces surfaces correspondent plus à [mon] style de jeu. »

La terre battue, « c’est la pire des surfaces » entame-t-il, avant de se reprendre. « Non, c’est celle sur laquelle j’ai le plus de mal à obtenir des résultats. Mais je suis persuadé qu’avec mon expérience et un entraînement adéquat, ce que j’ai fait depuis quelques années, je peux aller très très loin à Roland-Garros. » De quoi passer quelques jours supplémentaires dans la capitale, « une des plus belles villes du monde », flatte, en français, le résident monégasque, avant de poursuivre en anglais.

En cas de victoire face à Del Potro, c’est le décuple vainqueur du tournoi parisien, Rafael Nadal, qui se profile sur la route du Croate en demi-finale. La discrétion ne sera alors plus de mise pour le plus normal des géants du tennis.