Des militants dénoncent le concert de Bertrand Cantat, devant le Zénith de Paris, le 7 juin. / ALAIN JOCARD / AFP

« La musique adoucit les meurtres », « pas d’honneur pour les tueurs » ou encore « y’a pas mort d’hommes », c’est avec des slogans chocs que les voyageurs sortant de la station de métro porte de Pantin ont été accueillis ce jeudi 7 juin soir à partir de 19 heures. En cause, le concert de Bertrand Cantat programmé au Zénith de Paris. « C’est extrêmement important pour nous de se mobiliser contre la tolérance sociale et l’acceptation des violences masculines contre les femmes. Pour nous c’est absolument indécent que Bertrand Cantat soit célébré à ce point » explique Pauline Spinazze, porte parole de l’association Osez le féminisme !.

Au total, une trentaine de militants, en majorité des femmes, ont répondu à l’appel des diverses associations à manifester contre le spectacle du très contesté musicien palois. Interdit par la préfecture de se rendre devant l’entrée de la salle le concert, le petit groupe chante en cœur près de la sortie du métro. Le tout sous le regard de journalistes présents en nombre pour couvrir l’événement. Le cortège est aussi encadré par des agents de sécurité du complexe de la Villette. Ils resteront à l’écart durant le temps de la manifestation, aucun débordement n’étant à signaler, à part quelques passants qui semblent s’amuser à jeter de l’huile sur le feu en criant « Vive Bertrand Cantat » avant de s’en aller. D’autres s’arrêtent pour comprendre ce qui se passe avant de reprendre leur chemin.

Une tournée tronquée

Un peu plus loin dans l’allée qui mène à la salle de concert, la plupart des spectateurs pressent le pas pour atteindre l’entrée. Pour autant, la polémique autour du chanteur n’a pas ébranlé leur choix de venir écouter l’ex-leader de Noir désir. « Je ne vois pas en quoi le fait qu’il ait des démêlés avec la justice à quoi que ce soit à voir avec le fait qu’il puisse avoir le droit de s’exprimer artistiquement parlant une fois qu’il a purgé sa peine » commente Thomas Connor. Ce spectateur bruxellois profite de son voyage à Paris pour aller au concert de l’artiste qu’il suit depuis longtemps. Même son de cloche du côté de Magalie et Elodie, deux amies de 40 ans venues spécialement de Marseille : « On est là pour Bertrand Cantat le musicien, on est là pour écouter sa musique. »

Deux représentations du chanteur de 54 ans étaient initialement prévues à l’Olympia les 29 et 30 mai, mais le gestionnaire de la salle avait évoqué une crainte de « troubles à l’ordre public ». Malgré les appels à manifester, Daniel Colling, directeur du Zénith de Paris a lui décidé de maintenir le concert. « Je n’ai aucune raison juridique d’empêcher Bertrand Cantat de chanter. (…) C’est un monsieur qui a fait un acte condamnable, qui a été condamné, qui a fait de la prison » avait-t-il déclaré un peu plus tôt dans l’après-midi à l’AFP.

Commencée en mars, la première tournée solo de Bertrand ne cesse d’être tronquée : annulations de concerts, déprogrammation de festivals et manifestations devant les salles où il se produit. Vers 20 h 30 les premiers sons émanant du Zénith résonnent dans le parc de la Villette. Comme un coup de sifflet final à la manifestation, les militants remballent leurs pancartes après avoir entonné une dernière fois le slogan « Cantat tais toi ». Preuve que si le concert a bien eu lieu, les opposants de Bertrand Cantat n’ont pas fini de faire entendre leurs voix pour réduire la sienne au silence.