Kwesi Nyantakyi, président de la fédération ghanéenne de football (FA Ghana), en novembre 2013. / Christian Thompson / AP

Le gouvernement du Ghana a annoncé, jeudi 7 juin, qu’il allait « prendre des mesures immédiates pour la dissolution de la Fédération ghanéenne de football », après les révélations explosives d’une enquête journalistique sur la corruption de dirigeants et d’arbitres. Cette décision a été prise en raison de « la nature massive de la corruption présumée », a déclaré jeudi soir le ministre de l’information, Mustapha Abdul-Hamid.

Dans un documentaire explosif présenté mercredi à Accra, des journalistes affirment, images à l’appui, que le président de la fédération, Ghana Football Association (FA Ghana), est impliqué dans plusieurs délits de corruption présumés mettant en jeu des millions de dollars de pots-de-vin.

« Assainir la gouvernance »

Le ministre de l’information a ajouté que les membres du gouvernement étaient « choqués et indignés » par le documentaire, « qui dévoile des irrégularités profondes dans la gestion de la fédération ». « Le gouvernement veillera à ce que les réformes nécessaires soient mises en œuvre de manière urgente pour assainir la gouvernance du football dans le pays », a-t-il assuré, promettant des mesures provisoires pour gérer la fédération dans l’attente de la formation d’une nouvelle direction.

FA Ghana s’était dit, plus tôt dans la journée, prête à adopter « des mesures immédiates » pour lutter contre la corruption, affirmant prendre « très au sérieux » ces accusations. « La fédération tient à faire savoir qu’il n’y aura aucune tentative de dissimuler ou de protéger les membres qui seraient impliqués dans des actes de corruption », avait ajouté l’organisation.

Dans le film Number 12, présenté en avant-première au Centre international de conférences d’Accra – où étaient présents de nombreux diplomates et responsables politiques –, Kwesi Nyantakyi, président de FA Ghana, est piégé par des journalistes se faisant passer pour des « investisseurs » potentiels, à qui il fait miroiter de juteux contrats, notamment dans les domaines de l’agriculture, de la construction et du pétrole. On l’y voit ainsi proposer à ces supposés investisseurs de leur faciliter l’accès à des personnalités clés du gouvernement ghanéen à condition qu’ils lui versent 11 millions de dollars (9,3 millions d’euros).

Un accord en discussion devant la caméra porte sur 5 millions de dollars par an pendant cinq ans et prévoit des rétrocommissions de 20 % à 25 % qui seraient payées par la fédération à M. Nyantakyi et ses partenaires via une société du nom de Namax.

Deux ans d’enquête

Dans le documentaire, plusieurs dirigeants de la FA Ghana et arbitres sont également filmés recevant des pots-de-vin pour influencer la sélection de joueurs ou truquer l’issue de certains matchs de Premier League – la plus haute division du championnat national.

Number 12 est le résultat d’une enquête de deux ans menée par un journaliste infiltré (et son équipe), Anas Aremeyaw Anas, connu au Ghana pour y avoir révélé de nombreuses affaires de corruption ou d’abus de pouvoir. Anas Aremeyaw Anas, qui a déjà enquêté sur plusieurs scandales de corruption, notamment dans le système judiciaire, a affirmé avoir reçu des menaces de mort en rapport avec ses investigations sur le football ghanéen.

Fin mai, la police du pays avait ouvert une enquête sur des allégations de corruption à l’encontre du président de la fédération de football. Elle faisait suite à une plainte du chef de l’Etat, Nana Akufo-Addo, s’appuyant sur l’enquête du journaliste, selon laquelle M. Nyantakyi avait utilisé « frauduleusement le nom et le bureau du président » pour des affaires personnelles. M. Nyantakyi a été interrogé et relâché en attendant la poursuite de l’enquête.