• John Cage
    Music for Piano 4-84 overlapped

    Pascale Berthelot (piano)

Pochette de l’album « Music for Piano 4-84 overlapped » consacré à John Cage, par la pianiste Pascale Berthelot. / CUICATL LA BUISSONNE

Les œuvres de John Cage (1912-1992) conçues avec une forte dose d’aléatoire, imposent souvent aux interprètes un parcours aventureux. Celui qu’a imaginé puis réalisé Pascale Berthelot (dans les studios de la Buissonne) répond à une imparable logique tout en s’ouvrant à une créativité des plus poétiques. Les quatre-vingts pièces de la partition sont ici enchaînées ou superposées (« overlapped ») dans une perspective initiatique qui présente chaque son comme une offrande. Forte d’une profonde connaissance de cette esthétique (qu’elle a aussi abordée avec la musique de Morton Feldman), Pascale Berthelot sait maîtriser le hasard par l’instinct et orchestrer le piano de Cage en plasticienne de la résonance. Pierre Gervasoni

1 CD Cuicatl La Buissonne.

  • Maurice Ravel
    Ma Mère l’Oye. Le Tombeau de Couperin. Shéhérazade. Avec Les Siècles

    François-Xavier Roth (direction).

Pochette de l’album consacré à Maurice Ravel par l’orchestre Les Siècles dirigé par François-Xavier Roth. / HARMONIA MUNDI

François-Xavier Roth est aujourd’hui un chef qui coche toutes les cases. Le Français s’est imposé, de Londres à Cologne en passant par Paris et sa Philharmonie, dont il est le premier chef en résidence. Mais c’est avec son orchestre Les Siècles, sur instruments du début du XXe (notamment les vents), qu’il signe ce deuxième album consacré à Ravel, après Daphnis et Chloé. Un disque enregistré en concert qui témoigne d’un art raffiné, d’une précision incroyable et d’une imagination sonore sans cesse en quête de sens. Il faut tout écouter, du tendre onirisme d’enfance de Ma Mère l’Oye à la magie féérique de Shéhérazade (dont il fait un étourdissant bijou), en passant bien sûr par un Tombeau de Couperin plus soucieux d’évoquer, non sans une certaine amertume, le souvenir d’amis tombés à la guerre que le retour au classicisme des danses de cour françaises. Un disque qui s’inscrit comme un véritable jalon dans la discographie ravélienne. Marie-Aude Roux

1 CD Harmonia Mundi.

  • Lixès Orchestra
    Double regard

Pochette de l’album « Double regard », de Lixès Orchestra. / GRAPP-BABIL/INOUÏE DISTRIBUTION

Issu du collectif Babil, créé en 2015, le Lixès Orchestra, mené par le batteur et compositeur Xavier Sauze, est un nouveau venu parmi les grands orchestres français de jazz. Un premier album, Double regard, permet de le découvrir. D’emblée, par la composition qui ouvre l’album, Ascension, l’on songe à un croisement entre les brumes de Gil Evans, dans les années 1950 et 1960, et les poussées fiévreuses de Charles Mingus à la tête de ses formations les plus étoffées. Avec ce petit quelque chose en lien avec les héritiers des grandes formations swing, tel le Thad Jones-Mel Lewis Orchestra. Il faut souligner la sophistication de l’écriture des thèmes, le tuilage inventif des mouvements des sections, les changements d’atmosphère (Double regard, Indivisible), la pertinence des parties solistes. Une pochette un peu plus travaillée aurait été bienvenue. Mais la musique est là, de la grande musique de jazz d’aujourd’hui. Sylvain Siclier

1 CD Grapp-Babil/Inouïe Distribution.

  • Eddy Mitchell
    La Même Tribu – Volume 2

Pochette de l’album « La Même Tribu – Volume 2 », d’Eddy Mitchell. / POLYDOR/UNIVERSAL MUSIC

Quelques mois après le « volume 1 », voici la suite de La Même Tribu, recueil de duos d’Eddy Mitchell pour un répertoire de reprises de ses chansons, majoritairement parmi les plus connues et musicalement sans grands changements par rapport aux originaux. Le premier volume équilibrait des évidences et des rencontres plus inattendues. C’est toujours le cas ici. Et à nouveau, c’est grâce à ces duos auxquels on n’aurait pas pensé spontanément que l’album se révèle le plus réussi. Ainsi, une belle alliance vocale de Mitchell et Pascal Obispo, dans L’Esprit Grande Prairie, le joli tremblement de Juliette Armanet sur Couleur menthe à l’eau, Arno, déjà dans le premier disque, pour A crédit et en stéréo, dont il accentue le côté blues, le contraste de registre entre Mitchell et William Sheller sur Tu peux préparer le café noir. On notera aussi That’s How I Got To Memphis, avec Gregory Porter, en rappel de ses créateurs Tom T. Hall qui l’écrivit et la chanta peu après son premier interprète Bobby Bare et que Mitchell adapta sous le nom Sur la route de Memphis. S. Si.

1 CD Polydor/Universal Music.

  • Scott Matthew
    Ode to Others

Pochette de l’album « Ode to Others », de Scott Matthew. / GLITTERHOUSE RECORDS

Après avoir défoulé son adolescence australienne dans quelques groupes punk, Scott Matthew s’est révélé en crooner infiniment mélancolique – désormais installé à Brooklyn – au rythme d’une carrière solo débutée en 2008. Majestueuse et vulnérable, sa voix a rarement alterné caresses et frissons avec autant de réussite que dans Ode to Others, son septième album. Imaginez le timbre des plus beaux slows de Bowie, une touche de glam en moins, une larme de miel en plus, vous approcherez de ce chant jouant voluptueusement du spleen, au cœur d’une instrumentation épurée (piano, guitare sèche, violon, violoncelle, une bouffée de cuivres…). Reggae subtil (End of Days), romantisme old-school (The Sidewalks of New York), folk crépusculaire (The Wish), pop habitée (Not Just Another Year) Tout ce qu’il chante est d’or. A l’instar de cette version à sangloter d’un tube de Culture Club (Do You Really Want to Hurt Me ?), rappelant, qu’en 2013, Scott Matthew avait publié un magnifique album de reprises (Unlearned). Stéphane Davet

1 CD Glitterhouse Records.

  • Orquesta Silbando
    Mano sinistra

Pochette de l’album « Mano sinistra », d’Orquesta Silbando. / CONTRATIEMPO/UVM

Conduit par la pianiste Chloë Pfeiffer, depuis sa création en 2010, cet ensemble franco-argentin n’a plus rien à prouver quant à son habileté à faire tourner, se réinventer et jubiler le tango. Ses deux albums précédents et les milongas où il tricote du bonheur pour les danseurs ont démontré, déjà, ses incontestables compétences. Les jeunes musiciens et le chanteur (Sebastian Rossi) de cet orchestre, basé à Paris, prouvent encore beaucoup : ils ont un talent fou pour célébrer la nuance, jouer du contraste et de l’audace, passer du classique bien coiffé au contemporain ébouriffé, relire le répertoire en lui inventant de nouveaux arrangements. Sans négliger un crochet du côté de l’inédit (Agonia, de Alejandro Junnissi et Ernesto Cardenal) ou du folklore argentin (Zamba de Lozano), un arrangement de C. Pfeiffer, sur la version de Dino Saluzzi d’une zamba de Cuchi Leguizamon. Patrick Labesse

1 CD Contratiempo/UVM.