Simona Halep, après sa victoire contre Garbiñe Muguruza, en demi-finale, à Roland-Garros, le 7 juin. PASCAL ROSSIGNOL/REUTERS / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

Pour certains, seul l’objectif compte. Pour d’autres, la manière de l’atteindre importe aussi. En 2017, lorsque Simona Halep prit la parole au micro, sur le court Philippe-Chatrier de Roland-Garros, elle confia avoir eu mal au ventre à l’idée de disputer la finale. « Peut-être que je n’étais pas prête à la gagner », souffla-t-elle. Avant de glisser, elle qui venait de subir la loi de la tornade lettone Jelena Ostapenko, « pouvoir disputer une autre finale dans le futur, et la gagner. C’est mon rêve ». Un an plus tard, la Roumaine est de retour en finale à Roland-Garros. Pour la troisième fois. Désormais numéro 1 mondiale, la jeune femme se dit prête.

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« Aujourd’hui, j’ai plus d’expérience, je me sens calme », a-t-elle relaté jeudi à l’issue de sa demi-finale victorieuse contre Garbine Muguruza, lauréate de l’édition 2016. Désirant profiter de « cette belle victoire » qui conforte sa place au sommet de la hiérarchie mondiale, Halep souhaite évacuer la pression de la finale qui la verra affronter, samedi 9 juin, l’Américaine Sloane Stephens. « On verra bien ce qui va se passer. Une seule chose est sûre : je vais me battre sur chaque balle. »

Se battre, la native de Constanta, sur les rives occidentales de la mer Noire, en a l’habitude. A l’opposé d’une Ostapenko qui avait jailli sur la scène mondiale en 2017, remportant son premier titre sur le circuit à Paris, Halep a construit sa carrière brique par brique, à la force du poignet. Loin du gabarit standard du circuit féminin, la Roumaine de poche (1,68 m pour 60 kg) compense par son activité. « Je ne suis pas grande », admet celle qui, même parvenue au sommet du tennis, continue de se voir comme une « outsider ».« Mais je suis plus rapide et je bouge mieux. »

« Belle leçon »

Gagnante du tournoi junior porte d’Auteuil en 2008, la jeune femme (26 ans) a rapidement gravi les échelons du tennis mondial. En 2013, elle décroche six titres, sur toutes les surfaces (gazon, dur et terre battue), et termine l’année au 11e rang mondial. Simona Halep « est toujours la même gamine impulsive sur le court » qu’elle était lors de ses débuts à Paris en junior, et ne laisse rien au hasard en dehors. « C’est la professionnelle absolue », déclarait son coach, l’Australien Darren Cahill, avant le début du tournoi, admiratif du « travail physique accompli dans sa jeunesse » par sa protégée, qui en « récupère aujourd’hui les dividendes  ».

Pour atteindre ses objectifs, elle décide, en 2009, de subir une réduction mammaire. « A l’époque, je l’ai fait pour le tennis, a récemment rappelé la joueuse, dont l’opulente poitrine provoquait de forts maux de dos et la gênait au service. Peut-être que ça m’a permis d’arriver aujourd’hui à la première place mondiale. »

« Même si, dans ma carrière, je remporte un titre du Grand Chelem, la plus grande victoire, au tennis, c’est d’être la numéro un »

Infatigable, Halep est l’une, sinon la meilleure joueuse du monde en défense, capable de déplacer son adversaire sur tout le court avant de placer un contre imparable. « Malgré sa taille, c’est une joueuse très puissante, dit son entraîneur. Elle peut frapper dans la balle avec énormément de force. Mais elle a également la capacité de s’ouvrir le court. Elle sait où se placer et où placer les coups. » A Roland-Garros, cette année, les anciennes numéros un mondiales Angelique Kerber et Garbine Muguruza en ont fait les frais.

Paradoxalement, la principale lacune de la joueuse n’est en rien liée à sa taille. Elle est mentale. Du genre à faire plonger dans la négativité celle qui ne supporte pas les échecs. Et il y en a eu. A trois reprises, Halep a effleuré le Graal d’un titre du Grand Chelem. Avant de voir Maria Sharapova (2014) et Jelena Ostapenko (2017) à Roland-Garros, puis Caroline Wozniacki (cette année à l’Open d’Australie) remporter le trophée.

Après avoir failli perdre son coach en cours de route l’an passé — lassé de ses atermoiements, Darren Cahill avait claqué la porte —, Simona Halep a fait son introspection. « Cela avait été un choc pour moi, mais j’ai dû accepter de changer des choses dans mon attitude », admet-elle, convenant en avoir tiré « une belle leçon. Pas seulement pour le tennis, mais pour ma vie ». C’est après son retour qu’elle atteindra enfin la place de numéro un mondiale, qui lui avait glissé à plusieurs reprises entre les mains.

Plus détendue

Un sceptre récompensant sa régularité — à défaut de Grands Chelems — décroché à l’automne après, c’est une habitude, une finale perdue (contre Caroline Garcia, à Pékin). « Même si, dans ma carrière, je remporte un titre du Grand Chelem, la plus grande victoire, au tennis, c’est d’être la numéro un », s’est épanchée la Roumaine avant Roland-Garros.

Si elle a construit son classement par la régularité, Simona Halep pâtit en revanche de son manque de grands titres. Une absence renforcée par une statistique cruelle. Depuis un an, la Roumaine n’a remporté qu’une seule des sept finales de grands tournois qu’elle a disputées (Grand Chelem et WTA Premier). C’était à Shenzhen (Chine), en début d’année. De quoi renforcer une image de « numéro un par défaut », voire de joueuse cédant face à la pression.

Battue en demi-finale par Simona Halep, Garbine Muguruza fait de la Roumaine sa favorite pour le titre à Roland-Garros. / Alessandra Tarantino / AP

Simona Halep est d’ailleurs montée sur le trône mondial à la fin d’une année n’ayant vu aucune des numéros un mondiales successives (Serena Willams, Angélique Kerber, Karolina Pliskova et Garbine Muguruza) remporter un titre en Grand Chelem . Une première depuis l’instauration du classement, en 1975.

Samedi, Simona Halep a la possibilité d’effacer ce record en soulevant enfin la coupe Suzanne-Lenglen. Après sa défaite contre elle, Garbine Muguruza en fait sa favorite pour la finale. « Plus détendue et plus forte mentalement » que les années précédentes, du fait de l’expérience accumulée, la jeune femme affirme avoir pris ses distances d’avec l’objectif après lequel elle court depuis le début de sa carrière professionnelle : « Après tout, j’ai perdu trois finales de Grand Chelem, et personne n’en est mort. »