Un réfugié tchétchène a été condamné vendredi 8 juin par la cour d’assises de Paris à 20 ans de réclusion criminelle pour l’assassinat d’un homme d’affaires russe, tué en 2011 d’une balle dans la tête, tandis que son co-accusé a été acquitté. En détention provisoire depuis sept ans, Yazid Arsaliev, 28 ans, sortira dès cette nuit de détention.

Très émus, ses avocats Peggy Salomé et Matthieu Hy se sont pressés contre le box pour lui parler. Le jeune homme discret, teint pâle et barbe noire, qui a toujours clamé son innocence, s’est autorisé de larges sourires. « Vous pouvez solliciter une indemnisation », lui a expliqué le président de la cour, à l’issue de plus de sept heures de délibéré. L’accusation avait réclamé sept ans à son encontre, pour complicité d’assassinat, tout en estimant qu’il « ne savait rien » de la préparation du crime.

Condamné stoïque

A ses côtés, Rouslan Bersanov, 30 ans, est resté stoïque à l’énoncé de la sentence, qui correspond exactement aux réquisitions. Il dispose de dix jours pour interjeter un éventuel appel. Le crime pour lequel il est condamné s’est déroulé le 4 mars 2011.

Ce jour-là, le riche homme d’affaires Mikhail Lanin arrive à Paris avec sa compagne. Le couple est pris en charge par les deux hommes à l’aéroport de Roissy : lui sera retrouvé mort, une balle dans la tête, dans une impasse de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Sa compagne, touchée aussi, a miraculeusement survécu. Lui porte toujours une montre à 100 000 dollars – avec signature incrustée de Vladimir Poutine – au poignet, leurs bagages ont disparu.

Yazid Arsaliev a affirmé n’avoir fait que conduire la voiture – la BMW de sa mère – contre 200 euros. Rouslan Bersanov, dont l’ADN a été retrouvé sur une douille percutée, a répété avoir laissé le couple en vie dans l’impasse après avoir été « piégé ».

« Entreprise criminelle »

L’avocat général Julien Eyraud a estimé que Bersanov avait « tiré pour tuer » et faisait « partie d’une entreprise criminelle ». Un troisième accusé a été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pour le recel d’un téléphone et d’un carré Hermès ayant appartenu à la victime, que Bersanov lui avait confiés.

A l’audience, la compagne de l’homme d’affaires, Elena Pravoslavnova, a rappelé son inquiétude avant le voyage destiné à acheter une villa à Nice, sur la Côte d’Azur, et sa crainte d’un règlement de comptes. Elle s’est dite persuadée qu’un certain Akhmad Khamidov, qui devait 1,2 million d’euros à Mikhaïl Lanin, avait « tué l’homme de (sa) vie » pour effacer sa créance.

« Deuxième chance » à Paris

L’enquête menée en Russie a appuyé cette hypothèse. Akhmad Khamidov se serait allié d’autres escrocs et criminels connus pour avoir soutiré des millions à des députés de la Douma en leur faisant miroiter de prétendus juteux contrats liés au transit du pétrole russe par l’Ukraine. Au bout de la chaîne se trouvaient les deux accusés du crime.

C’est ce scénario qu’a validé l’accusation. Pour l’avocat général, il y a eu « deux actes » dans ce drame : la pièce aurait dû se jouer à Nice, mi-février, mais le couple avait annulé le voyage à la dernière minute. Les tueurs ont une deuxième chance à Paris le 4 mars, quand le couple arrive à Roissy.

La défense de Bersanov a tenté de relever les « énormes trous » de ce scénario, soulevant des divergences entre déclarations des témoins et relevés téléphoniques, et essayé en vain d’installer un doute quant à la présence des accusés sur les lieux à l’heure estimée du crime.