LE MATCH À NE PAS RATER. « You must be very brave or very stupid… ». En anglais dans le texte, cette formule chère à la moitié des films d’action (selon des statistiques confidentielles élaborées par Troisième balle) pourrait s’appliquer à l’exercice que l’on s’apprête à réaliser. Comme lorsque l’on envisage, à onze, de braquer le plus gros casino de Las Vegas, comme quand on décide, seul, d’aller voler le trésor d’un dragon faisant la taille d’un petit lotissement, « il faut être sacrément courageux ou extrêmement stupide » pour miser une piécette sur la victoire de Dominic Thiem, dimanche 10 juin, face à Rafael Nadal.

La légende raconte qu’après s’être fait frapper par la foudre, Flash est devenu l’homme le plus rapide du monde. Suffisant pour battre Nadal ? / GONZALO FUENTES / REUTERS

Parce qu’il l’a déjà fait. « Je sais comment jouer contre lui ». Jugez-le présomptueux si vous le souhaitez, mais Dominic Thiem (avalez les deuxième et quatrième lettres et prononcez « Tim ») n’a pas peur du décuple vainqueur de Roland-Garros. Et pour cause. Ces dernières années, le jeune Autrichien est le joueur à avoir le plus souvent épinglé le Majorquin à son tableau de chasse sur leur surface de prédilection : la terre battue.

« Je l’ai déjà battu plusieurs fois », constate le joueur entraîné par Günter Bresnik - le jusqu’au boutiste qui a notamment ciselé Boris Becker et Henri Leconte. C’était à Buenos Aires, en 2016, Rome en 2017, et Madrid il y a quelques semaines (pile au moment où nous affirmions que Nadal était « sans rival sur terre battue à l’approche de Roland-Garros », ce qui donne la mesure de l’exploit). Et le jeu tout-terrain du Thiem est à même de gêner l’Espagnol. Il use, il concasse, il laboure. A un bémol près : aucune de ses victoires n’ont eu lieu lors de matchs en cinq sets.

Parce qu’il a un plan. Face à Nadal, « on peut gagner un set, pas le match », a affirmé la tour de Tandil, Juan Martin Del Potro après avoir été « rafa-tiné » en demi-finale. Oui, sauf que « Dominator » (son petit nom) l’a dit, il « a un plan ». Et comme on présume que ce n’est pas celui qui lui permettra de rentrer à Wiener Neustadt fissa après une fessée, on a tendance à le croire. Sans entrer dans les détails, l’Autrichien a expliqué : « j’essaierai de jouer comme il le faut ici, pas forcément comme je l’ai fait à Madrid ou à Rome. Je pense avoir les armes et la forme physique nécessaires pour y arriver. » On vous l’a dit, toujours croire aux gens qui ont un plan. Ne reste plus qu’à l’appliquer.

Parce qu’il s’entraîne comme un fou. Quand un joueur de tennis enchaîne douze heures d’entraînements (lors d’un stage aux Canaries, mais quand même), qu’un vétéran explique avoir « vécu beaucoup de choses dans le monde du tennis, mais le régime d’entraînement de Dominic est complètement fou ! », et que ledit Dominic compare sa préparation à « celle de Rocky Balboa avant un combat », on peut estimer qu’il aura la caisse pour tenir face à Nadal.

Ajoutons à cela la personnalité de son coach depuis son plus jeune âge. A plusieurs reprises, Günter Bresnik a expliqué qu’il « détestait les salles de sport », préférant faire bosser ses joueurs « dans la nature avec des troncs d’arbres ». Un véritable parcours du combattant (de jour comme de nuit) qui a transformé Thiem en un stakhanoviste des courts. « Günter m’a pris sous son aile quand j’étais jeune. Il voulait que je m’habitue à travailler dur. Et aujourd’hui, c’est devenu normal pour moi de le faire ».

Un entraînement à même de le faire figurer dans le casting des « Expendables 24 » (on a perdu le compte). Mais pour autant, n’allez pas croire que le garçon se rêve un avenir en treillis. Vendredi, l’Autrichien s’est lâché sur son service militaire (dont il n’a effectué que quatre semaines au lieu des six mois réglementaires) : « C’était casse-couilles ». Une formule qu’il adorerait que Nadal emploie à son égard, mettons après la rencontre.

Parce que Nadal l’a (presque) dit. « Je le vois comme un candidat à la victoire finale à Roland-Garros dans les quatre ou cinq prochaines années », expliquait le toro de Manacor en 2016 à propos de l’Autrichien. On a fait le calcul, ce 10 juin 2018 est un peu en avance par rapport au planning prévisionnel du Majorquin, mais rien n’empêche Thiem de rendre sa copie avant la sonnerie. Adoubé par le roi Nadal en personne, Dominic Thiem poursuit son ascension vers les sommets du tennis mondial. Et les montagnes, l’Autrichien fan de saut à ski les connaît. Dimanche, il entame la dernière ascension, celle dont seuls deux concurrents sont parvenus à sortir en treize ans et 87 tentatives. Son « défi ultime ». Mais comme il le résume « contre Rafa, la pression ne sera pas sur moi ».

Si après ces quelques lignes, vous n’êtes pas convaincus que Dominic Thiem va battre Rafael Nadal dimanche, peut-être n’êtes-vous ni courageux, ni stupides. Et sans doute avez-vous raison.

Finale de Roland-Garros 2018 : Rafael Nadal - Dominic Thiem
A partir de 15 heures, en direct sur Le Monde. fr

  • L’IMAGE DU JOUR

« Miroir, miroir, dis-moi que mon nom figure désormais dans cette liste ». / ERIC FEFERBERG / AFP

« C’est réel, ça y est ! » Voilà ce que s’est dit Simona Halep, samedi, au moment de soulever la coupe Suzanne-Lenglen. Et l’instant d’après « il est lourd ce trophée ». Jusque là détentrice du pouvoir mondial sans en arborer les attributs, la numéro 1 mondiale décroche enfin son premier tournoi du Grand Chelem. A Paris, sa « ville favorite », où la Roumaine s’était imposée chez les juniors il y a dix ans. Et quarante ans tout pile après le sacre de sa compatriote Virginia Ruzici. « Le fait que j’ai pu gagner va peut-être aussi inspirer les enfants roumains, en leur montrant que c’est possible, même quand on vient d’un petit pays ».

  • LA PHRASE DU JOUR
« Il y a une vraie différence entre perdre en finale et la gagner. »

« Lapalissade : nom féminin (de La Palisse, nom propre). Vérité d’une évidence niaise. » On pardonnera à Nicolas Mahut de nous avoir fait ressortir le Larousse, d’autant que l’Angevin n’a pas tort. Après avoir perdu (aux côtés de Mickaël Llodra) la finale du double messieurs, en 2013, il terminait en larmes. « Cela avait été vraiment douloureux. Je pensais que c’était ma seule chance de gagner Roland-Garros, explique-t-il. Grâce à Pierre-Hugues, on est là cinq ans après, avec le sourire. »

Vainqueur avec Pierre-Hugues Herbert de leur troisième titre du Grand Chelem (après l’US Open en 2015 et Wimbledon en 2016), l’homme à l’oreille percée (retrouvez les épisodes précédents ici et ) pouvait savourer. Un titre, accompagné d’une Marseillaise a capella, qui a dû leur rappeler qu’ils ont bien fait de sauver ces deux balles de match contre eux lors du premier tour. Sans ça, on n’aurait pas assisté au moment le plus mignon du tournoi.

  • LA PERFORMANCE DU JOUR

Pour la deuxième année de suite, la paire française composée de Stéphane Houdet et de Nicolas Peifer remporte le tournoi du double tennis fauteuil. Les Français s’imposent (6-1, 7-6 [5]) face à Frédéric Cattanéo et Stefan Olsson. Un titre de plus pour la légende du tennis fauteuil, Stéphane Houdet, sacré six fois en double porte d’Auteuil et deux fois en simple.

  • LA STAT’DU JOUR

On analysera ce chiffre comme bon nous semble. Il n’empêche que la finale dames de cette année a été un match magnifique. Et que la nouvelle championne de Roland-Garros mérite son titre.