Des agriculteurs bloquent la bioraffinerie de la Mède (Bouches-du-Rhône), lundi 11 juin. / JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS

Des agriculteurs protestaient lundi 11 juin au matin devant treize raffineries et dépôts de carburant dans toute la France pour dénoncer les « incohérences du gouvernement » et les importations de produits agricoles qui ne respectent pas les critères français et européens, dont l’huile de palme utilisée dans les biocarburants. Les syndicats redoutent en effet la concurrence de ce produit importé de l’autre bout du monde sur le marché des agrocarburants face à la filière colza française.

« Nous avons entre soixante-dix et cent soixante personnes sur treize sites, et un quatorzième va être bloqué à partir de 9 h 30, celui de Donges, dans la Loire-Atlantique », a annoncé lundi matin à l’Agence France-Presse Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), premier syndicat agricole français, qui est à l’origine du mouvement avec le syndicat des Jeunes Agriculteurs (JA) pour trois jours reconductibles.

« L’organisation est faite pour durer », car « le dialogue est rompu » avec le gouvernement, explique Damien Greffon, président de la FRSEA d’Ile-de-France, devant le dépôt de carburant de Grigny (Essonne), où des agriculteurs ont déversé de grandes quantités de fumier, de terre et de pommes de terre pour bloquer les accès, sous les yeux de CRS.

Travert dénonce des « blocages illégaux »

« Nous ne sommes pas contre les importations (…), mais nous voulons (…) que les importations soient faites à normes égales, sinon l’agriculture française va disparaître », estime pour sa part Samuel Vandaele, secrétaire général des JA, qui manifeste à Grandpuits, en Seine-et-Marne, devant une raffinerie Total.

Jusqu’à 300 000 tonnes par an d’huile de palme, produit hautement controversé car accusé de favoriser la déforestation en Asie du Sud-Est, doivent être importées pour alimenter la bioraffinerie Total de la Mède (Bouches-du-Rhône), qui doit démarrer cet été. L’agriculture française peut fournir davantage d’huile de tournesol ou d’huile de colza, mais plus chères.

Nécessitant jusqu’à 650 000 tonnes de matières premières par an, la bioraffinerie de la Mède utilisera aussi d’autres huiles, dont 50 000 tonnes de « colza français », a promis au début de juin le PDG de Total, Patrick Pouyanné. Inacceptable pour les agriculteurs qui ont fait leurs comptes. « Avec La Mède, nous allons perdre 400 000 hectares de colza sur 1,5 million d’hectares au total », explique Samuel Vandaele. L’accès à ce site symbolique est bloqué depuis dimanche soir par plusieurs dizaines d’agriculteurs.

Dénonçant des « blocages illégaux », le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, a déclaré lundi matin sur RTL que le gouvernement « ne reviendra[it] pas » sur l’autorisation donnée à Total d’importer de l’huile de palme.

« Je souhaite que, demain, Total et les entreprises agricoles qui produisent des biocarburants puissent se mettre d’accord sur une base de prix, sur un contrat, qui permettra d’offrir des débouchés à la filière colza française, a ajouté M. Travert. Les producteurs de colza ne doivent pas être les parents pauvres des filières sur les biocarburants. »

Le ministre de l’agriculture a enfin estimé qu’il faudrait « trouver une réponse européenne à ce sujet », « nous devons travailler, pour protéger les frontières européennes des aliments ou des produits qui ne correspondent pas aux standards sanitaires qui sont les nôtres ».

Pas de pénurie à craindre

Le mouvement des agriculteurs est observé avec intérêt par les associations environnementales, d’ordinaire opposées à la FNSEA dans les dossiers phytosanitaires. Les paysans espèrent aussi le soutien de consommateurs en dénonçant les effets sur le contenu des assiettes d’accords commerciaux internationaux, comme le CETA, signé avec le Canada, et l’accord Union européenne-Mercosur en cours de négociation.

Les agriculteurs demandent la réintroduction dans la loi alimentation, examinée à partir du 26 juin au Sénat, d’un amendement sur l’interdiction d’importer toute denrée produite en utilisant des substances phytosanitaires interdites dans l’Union européenne.

Ils souhaitent aussi que le gouvernement renonce à son contingent d’importation d’huile de palme, et réclament un allégement du coût du travail salarié de saisonniers « qui est 27 % plus élevé qu’en Allemagne et 37 % plus qu’en Italie », selon Mme Lambert. La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs seront reçus mardi par le ministre de l’agriculture.

Une pénurie de carburant n’est pas à craindre dans l’immédiat, la France comptant sept raffineries en activité et deux cents dépôts de carburant. De plus, l’Etat dispose de stocks stratégiques pour trois mois.

Quel est le problème avec l'huile de palme ?
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