Arrivée, dimanche 10 juin, à Montreuil (Seine-Saint-Denis) de la quadriplette, des deux triplettes et des vélos du tour Alternatiba 2018 pour promouvoir les initiatives contre le réchauffement climatique. / Photo : R. Bx.

En arrivant à Montreuil (Seine-Saint-Denis), dimanche 10 avril vers 18 h 30, à l’issue de cette toute première étape, les militants d’Alternatiba n’avaient parcouru qu’une cinquantaine de kilomètres. 50 sur les 5 800 qui doivent leur faire faire le tour de la France, avec des incursions en Suisse et en Belgique, pour une épopée qui se conclura le 6 octobre à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), là même où cette ONG de lutte sur le front climatique est née, cinq ans plus tôt. Un Grand Village des alternatives y sera organisé le lendemain de l’arrivée du tour, où 30 000 personnes sont attendues.

Partie de la place de Stalingrad, à Paris, samedi, accompagnée par un millier de personnes, les cyclistes – car le tour se fait en vélo, en triplettes et en quadruplette pas toujours facile à guider – ont donc réalisé leur première matinée de pédalage, dimanche, de Villejuif (Val-de-Marne) à Gonesse (Val d’Oise) où les opposants au projet de centre de loisirs et d’affaires d’Europacity les attendaient. Ils ont ensuite rejoint dans l’après-midi la commune de Montreuil, une ville qui leur est chère puisqu’ils y avaient organisé, en décembre 2015 et en parallèle de la conférence sur le climat, la COP21 à Paris, un contre-sommet citoyen.

200 étapes du tour Alternatiba

Gonesse avec Europacity, ce dimanche, ou encore Bure (Meuse) et son futur centre d’enfouissement de déchets nucléaires, le 4 août, car les militants d’Alternatiba, qui ont initié ce tour, durant l’été 2015, à la veille de la COP21, entendent profiter de ce marathon cycliste pour dénoncer tous les projets jugés néfastes pour l’environnement et le climat. Au long des deux cents étapes annoncées, ils passeront ainsi, comme les années précédentes, à proximité de centrales nucléaires, à Martigues (Bouches-du-Rhône) non loin de la centrale Total de la Mède qui doit fonctionner à l’huile de palme, ou encore à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), malgré l’abandon du projet d’aéroport.

Surtout, les équipes militantes d’Alternatiba, très jeunes et féminines majoritairement, veulent faire de ce tour l’occasion de mettre en avant les alternatives locales possibles pour contrer le réchauffement climatique : « manger plus sainement, mieux respirer, se déplacer différemment et créer une société plus solidaire, plus juste et plus conviviale », professe l’association.

Damien Londiveau, 37 ans, qui s’apprête à pédaler durant douze semaines (sur les dix-neuf que durera le tour), explique son engagement. « Il existe tous les niveaux de prise de conscience, et cela commence par ceux qui changent leur mode de vie. J’en étais là quand j’ai rencontré Alternatiba il y a un an et demi. Après un grave pépin de santé, je me suis dit qu’on n’avait pas beaucoup de temps pour changer les choses, et je me suis tourné vers l’action collective », raconte Damien, qui avait suivi une formation de mécanique industrielle.

Le tour Alternatiba des militants du climat est parti de Paris, samedi 9 juin, pour 5 800 km à pédaler autour de la France. / Photo : R. Bx.

Agir localement

Après avoir tenté de faire pression sur les Etats et les gouvernements, à la veille de la conférence climat, à l’hiver 2015, Alternatiba, qui réalise souvent des actions communes avec Greenpeace, Les Amis de la Terre, ou le Réseau Action Climat entre autres, veulent promouvoir les actions locales. « 50 à 70 % des leviers d’action, pour accélérer la transition, se situent au niveau local », avance l’ONG.

« Il y a de plus en plus d’actions, d’alternatives qui se mettent en place, ça bouge, mais il y a surtout une grande inertie au niveau des décideurs », souligne Gaynahe Jovet, Marseillaise de 30 ans, et l’une des cyclistes des premières étapes, qui accompagnera le tour jusqu’à Clermont-Ferrand, le 17 juin.

A Montreuil, malgré une pluie soudaine, l’ennemie qui rend les étapes des cyclistes délicates, plus d’une centaine de personnes étaient venues accueillir les sportifs du climat, profitant des stands, de la bière et des jus de fruits, ainsi que des plats (bios) proposés.

Mais la nouveauté de cette édition 2018 se trouve dans la volonté de former de nouveaux militants à l’action non violente, les réseaux d’Alternatiba et d’Action non violente (ANV) étant à peu près les mêmes. Au lendemain de chaque étape, une partie de l’équipe reste ainsi dans la ville hôte pour dispenser une journée de formation à cette forme d’action. Des conférences sur le climat sont aussi réalisées à chaque étape. Dimanche, à Paris, plus d’une cinquantaine de personnes ont participé à l’apprentissage des techniques non violentes.

« Il y a un intérêt de plus en plus grand pour ce mode d’action, très efficace et difficile à appréhender par les forces de l’ordre, que nous avons déjà expérimenté à Pau [début avril 2016] contre un sommet des producteurs de pétrole off-shore, ou récemment [1er juin 2018] à Paris à l’occasion d’une assemblée générale des actionnaires de Total », fait valoir Pauline Boyer, coordinatrice d’Alternatiba. A la différence de Greenpeace qui agit, souvent efficacement, avec une équipe d’activistes très formés à l’escalade ou au maniement d’embarcations en mer, Alternatiba et ANV préfèrent une mobilisation « de masse », associant le plus grand nombre de participants.

La réussite de l’action récente et commune avec Greenpeace lors de l’assemblée générale de Total à Paris, a démontré la volonté de ces réseaux militants de travailler ensemble, pour une plus grande efficacité. Pour nombre de ces militants, engagés autour des campagnes menées par Alternatiba, c’est « le mode d’action le plus efficace », plus bien souvent, estiment-ils, qu’un engagement dans un parti politique. Penser global, à l’échelle planétaire, et agir localement, reste le credo de la plupart de ces militants.