Les centaines de passagers de l’« Aquarius » risquent de rapidement manquer de vivres. / KARPOV / AFP

Le gouvernement espagnol a annoncé, lundi 11 juin en début d’après-midi, que l’Espagne était prête à prendre en charge le navire humanitaire Aquarius. Depuis dimanche, le bateau de sauvetage de l’association française SOS-Méditerranée était dans l’impossibilité de trouver un port pour débarquer 629 migrants recueillis en mer, dont 123 mineurs non accompagnés, 11 jeunes enfants et 6 femmes enceintes. Le nouveau ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini, lui a interdit l’accès aux ports de la péninsule et le navire est bloqué en haute mer.

Fabienne Lassalle, directrice adjointe de SOS-Méditerranée, décrit la situation sur le bateau bloqué dans les eaux internationales entre l’Italie et Malte et déclare qu’« il faut absolument que la situation politique se débloque ».

Que s’est-il passé dimanche 10 juin ?

Dimanche matin, l’Aquarius a reçu l’ordre du centre de coordination de Rome d’arrêter sa progression vers la Sicile. C’est pourtant sur instruction de ce centre que l’Aquarius a, dans la nuit de samedi à dimanche, sauvé les passagers de deux embarcations, dont l’une s’est brisée, entraînant la mise à l’eau d’une dizaine de personnes qui ont pu être repêchées.

C’est également ce centre qui a organisé le transbordement de 400 personnes secourues par la marine et des navires marchands italiens et qui auraient donc sans doute pu débarquer si nous ne les avions pas prises en charge.

Nous avons ensuite appris que la demande avait été faite à Malte de nous accueillir, ce qui a été refusé.

Dans quelle situation se trouvent l’« Aquarius » et ses passagers ?

Le bateau, qui est en surcapacité d’une centaine de personnes, est bloqué dans les eaux internationales entre l’Italie et Malte. Les migrants à bord, de 26 nationalités dont un quart de Soudanais, sont déshydratés, en hypothermie, souffrent de brûlures… Il n’y a pas d’urgence médicale absolue, mais la situation peut vite mal tourner. 

Surtout, l’Aquarius ne dispose que d’une journée de vivres. Une solution doit donc absolument être trouvée d’ici à ce soir. Pour l’instant, notre seul levier d’action était d’insister auprès du centre de coordination de sauvetage maritime de Rome pour qu’il trouve un port où le bateau pourra accoster.

Parmi les 629 personnes à bord, environ 400 avaient été sauvées par la marine et des navires marchands italiens. / KENNY KARPOV / AP

Et que pensez-vous de la proposition espagnole ?

Il s’agit pour l’instant d’une déclaration politique qui n’a pas encore de traduction opérationnelle. Pour le moment, pour nous, la situation n’a pas changé.

Si une autorité maritime d’un autre pays déclare vouloir accueillir l’Aquarius, nous pourrions peut-être nous y rendre, encore faudrait-il avoir les vivres nécessaires pour le trajet.

Par ailleurs, la proposition de maires italiens de nous accueillir est très sympathique, mais pas envisageable.

Nous ne voulons pas être impliqués dans un bras de fer politique. Il est déplorable que des vies humaines soient ainsi prises en otages. Il faut absolument que la situation politique se débloque.

Vous attendiez-vous à cette décision de l’Italie ?

Ce n’est pas une surprise. Depuis plusieurs semaines, nous ressentions des pressions croissantes. On nous obligeait notamment à effectuer de fréquents allers-retours pour revenir au port, ce qui réduisait notre temps de présence en mer.

Craignez-vous que cette décision de l’Italie soit pérenne ?

Oui, même si selon la réglementation internationale, Rome ne peut pas nous fermer ses ports. Mais tant qu’il y aura des vies en jeu, notre devoir est d’aller les sauver. Nous ferons les choses dans les règles, mais nous ne pouvons pas laisser mourir des gens, quitte à nous retrouver dans la même situation qu’aujourd’hui.