Phil Spencer devant la scène où s’est tenue la conférence de presse Xbox, où 50 jeux dont 18 exclusivités ont été présentés, et une nouvelle génération de consoles évoquée. / Casey Rodgers / Casey Rodgers/Invision/AP

Dimanche 10 juin, à l’occasion de sa conférence annuelle pré-E3 (le salon mondial du jeu vidéo), le numéro 1 de la division Xbox de Microsoft a annoncé le développement d’une nouvelle génération de consoles. Cinq ans après l’annonce ratée de la Xbox One, positionnée comme un centre multimédia davantage qu’une machine de jeu, Phil Spencer incarne la volonté de Microsoft de devenir un numéro un mondial du jeu vidéo, sur consoles mais aussi au-delà. L’entreprise veut toucher « deux milliards de joueurs » à travers des ordinateurs et, à terme, à travers des smartphones et des télévisions connectées.

Vous parlez souvent de « deux milliards de joueurs ». Mais le marché du jeu vidéo est très différent aux Etats-Unis, en Chine, etc. Visez-vous sérieusement le marché dans son ensemble ?

Phil Spencer : Oui. La diversité de cette industrie est une de ces forces, mais c’est aussi un secteur mondialisé. Quand nous mettons en ligne un nouveau jeu, des millions de joueurs peuvent y avoir accès instantanément, que ce soit via notre service de diffusion en direct, Mixer, ou via nos boutiques dématérialisées. Les différences de goût d’un joueur à l’autre, d’un pays à l’autre, sont les raisons pour lesquelles il est essentiel d’avoir de nombreux partenaires, et la raison pour laquelle tant de développeurs japonais et européens étaient présents. Je n’ai pas souvenir de développeurs chinois, mais c’est bien de les voir émerger au niveau mondial. Parfois on peut sentir la culture du pays d’origine d’un jeu, mais l’enjeu est qu’il intéresse le plus de monde possible.

La Xbox a toujours été bien implantée dans les pays anglophones, vous avez acquis des studios en Angleterre, au Canada, aux Etats-Unis et au Japon. Cela suffit-il vraiment à élargir votre créativité et dépasser les barrières culturelles ?

Pour ce qui est de nos studios, c’est une question importante. Il faut que nos équipes soient diverses. Mais pas seulement en termes géographiques ; il faut qu’elles le soient aussi en termes d’âge, de sexe, etc.

Quand je parle de deux milliards de joueurs, je sais que la plupart ne joueront pas sur console. Il faut prendre en compte ce que les gens utilisent en général comme périphériques et ce à quoi ils souhaitent jouer. Finalement, ce sont les jeux qui attirent les joueurs. Nous développons des partenariats dans toutes les régions, les plates-formes Xbox Live et Mixer s’enrichissent de contenus compatibles pour tous les types de périphérique, par exemple avec PUBG qui est jouable dans d’autres régions [il a été adapté sur smartphones en mars]. On ne pense pas uniquement au marché des consoles mais au marché du jeu vidéo en général.

Dans l’optique de ce développement mondial, comment voyez-vous Tencent ? Comme un partenaire ou un concurrent ?

Tencent, ce sont des amis. C’est le numéro un mondial du jeu vidéo. Nous avons d’excellentes relations de travail avec eux, ils éditent certains de nos jeux en Chine, nous les aidons sur certains des leurs. Mais à l’évidence, il y a aussi des domaines dans lesquels nous sommes en concurrence sur le long terme.

Telle que je vois l’évolution de l’industrie du jeu vidéo, conquérir ce marché de deux milliards de joueurs va être du ressort d’entreprises ayant une envergure mondiale, aussi bien en termes de cloud computing [calculs informatiques à distance, pour envoyer des contenus sur des périphériques peu puissants], de communauté et de contenu. Tencent a clairement la communauté et le contenu, et je sais qu’ils travaillent sur le cloud. Mon ami Phil Harrisson [ancien directeur administratif de Microsoft] travaille, lui, pour Google, qui a déjà des ressources importantes en cloud, à défaut d’une communauté de joueurs ou de contenu. Amazon est un autre de ces concurrents. Je pense que ce sont ces entreprises qui feront le futur du jeu vidéo.

Vous avez annoncé le développement de nouvelles consoles Xbox. Celles-ci viseront-elles un public restreint, fait d’un noyau dur de gameurs ?

Je parle tout le temps des deux milliards de joueurs dans le monde, mais je sais qu’il y a des millions d’entre eux qui achèteront une console. Ils ne sont pas représentatifs de ces deux milliards. On peut parler de noyau dur, comme de personnes qui sont très impliquées dans le jeu vidéo et sa culture. On veut s’assurer que nos consoles soient accessibles et intéressantes pour tous.

Nous avons actuellement la Xbox One X, la plus puissante des consoles, et la Xbox One S, qui est très importante pour nous, car elle est moins chère. Les deux font tourner les mêmes jeux, et on sait que le prix est un critère important pour les consommateurs. Par ailleurs, nous avons sur nos plates-formes des jeux extrêmement grand public comme Minecraft ou Roblox. On veut parler à tous, et on sait qu’il faut un catalogue varié pour ça.

Diriez-vous que « Halo Infinite », qui a été annoncé dimanche, a vocation à être pour la prochaine Xbox ce que « The Legend of Zelda : Breath of the Wild » a été pour la Switch ?

Nous parlerons plus tard d’Halo Infinite, je n’ai pas grand-chose d’autre à ajouter pour le moment, à part que c’était génial de voir la réaction de la foule lorsque le casque de Master Chief est apparu à l’écran. C’était dingue.

Mais ce dont la Xbox One a manqué à son lancement, c’est d’un “system seller”, un titre très médiatique qui à lui seul fasse vendre des consoles.

Nous avons eu de nombreuses discussions sur les problèmes de la Xbox One au lancement. Nous investissons beaucoup dans la création de contenus propres, comme vous avez pu le voir à la conférence dimanche [avec l’annonce d’un nouveau Gears of War, d’un nouveau Halo, et le rachat de plusieurs studios de production].

Avec la Xbox One, Microsoft avait vu juste sur les évolutions du marché virage vers le dématérialisé, changement de paradigme dans la manière d’acheter des jeux, console qui devient le nœud multimédias du salon, mais son lancement avait été un échec en termes de communication. Comment vous assurez que cette situation ne se répète pas ?

Microsoft a investi dans le jeu vidéo et en a fait un élément central de son développement. Je veux dire aux gens qui nous observent : c’est ce que nous sommes. Jeu en abonnement, rétrocompatibilité, investissement dans des partenariats et des services pour offrir toujours plus de jeux… Attendez-vous à ce que, dans l’avenir, nous gardions ce cap.

Ce service de jeu en abonnement, ce Netflix du jeu vidéo qu’est le Xbox Pass, il a vocation à devenir accessible sur d’autres supports concurrents ?

Ce que nous voulons, c’est que ceux qui sont attachés à nos jeux et nos services puissent les utiliser. On sait que tout le monde n’a pas une télévision, n’a pas une console, donc c’est une manière d’étendre le marché. Mais aller sur d’autres consoles n’élargirait pas grand-chose : nous sommes déjà sur ce marché.

Donc pour ce qui est au moins des consoles, contrairement à un Netflix, le Xbox Pass restera exclusif aux machines Xbox ?

Je ne veux pas prédire le futur, mais du point de vue de notre stratégie, qui est d’atteindre tous les joueurs, cela fait du sens pour nous d’être présent sur PC. Si quelqu’un veut utiliser nos services et accéder à nos jeux et qu’il a un PC, il peut le faire. Cela étend le marché. Mais côté consoles, notre priorité est d’être la meilleure plate-forme.