Le président de la FIFA, Gianni Infantino a souhaité et obtenu la mise en place d’un nouveau système d’attribution des Coupes du monde, qu’il considère comme  « plus transparent ». / JACK GUEZ / AFP

La Fédération internationale de football (FIFA) va jouer une partie de sa crédibilité, mercredi 13 juin, lors de son 68e congrès, organisé à Moscou à la veille de l’ouverture de la Coupe du monde. Réunis en conclave, les présidents des fédérations nationales membres de l’instance planétaire doivent prendre part au scrutin d’attribution du Mondial 2026, la première édition censée être élargie de 32 à 48 équipes.

C’est la première fois que l’assemblée générale de la FIFA a la charge de choisir l’hôte du tournoi. Avant la réforme du vote d’attribution entérinée en 2013, cette tâche incombait à la vingtaine d’élus du comité exécutif (gouvernement) de l’organisation. A l’aide d’un boîtier électronique, les 207 pays votants (les quatre fédérations prétendantes sont exclues du scrutin) sont invités à départager (la majorité est fixée à 104 voix) la candidature du trio nord-américain, composé des Etats-Unis, du Canada et du Mexique, et le Maroc, quatre fois battu dans les urnes lors de l’attribution des éditions 1994, 1998, 2006 et 2010.

« Auparavant, le système était flou et a fait l’objet de nombreuses critiques, suspicions, voire plus »

Les délégués, qui rendront leur suffrage public après le congrès, auront la possibilité de glisser un troisième bulletin – « Aucune des deux candidatures » – pour renvoyer dos à dos les postulants. Une victoire de cette « troisième voix » entraînerait le report de la procédure d’attribution à 2020 et sa réouverture à tous les continents. « Le vote du 13 juin est tout simplement la dernière étape d’un processus transparent, détaillé et clairement établi depuis le début, assure au Monde Gianni Infantino, le président de la FIFA. Auparavant, le système était flou et a fait l’objet de nombreuses critiques, suspicions, voire plus. » Le patron du foot mondial fait référence à la controverse qui entoure le dernier vote d’attribution, qui a eu lieu le 2 décembre 2010. Ce jour-là, la Russie et le Qatar avaient respectivement gagné le droit d’accueillir les Mondiaux 2018 et 2022.

Si le rapport d’enquête diligenté par la FIFA et rédigé par l’Américain Michael Garcia n’a pas mis en évidence des faits de corruption, ce vote d’attribution contesté fait l’objet d’une enquête des justices française et suisse. Le comité exécutif de la FIFA est à la croisée de tous les scandales dans la mesure où la plupart des votants de 2010 ont été soit suspendus, soit écartés, voire mis en examen par la justice. Par ailleurs, les autorités américaines, allemandes et suisses se penchent sur les soupçons de malversations qui ont émaillé l’attribution des Mondiaux 1998 (à la France), 2006 (Allemagne) et 2010 (Afrique du Sud).

Déjà une polémique

« La réforme du mode de scrutin est une bonne étape vers davantage de transparence », considère Sunil Gulati, architecte de la candidature du trio nord-américain et membre du gouvernement de la FIFA. Pourtant, ce nouveau processus d’attribution a, lui aussi, suscité la polémique. La mise en place par la fédération internationale d’une task force d’évaluation a provoqué le courroux des responsables de la candidature marocaine. Ces derniers estiment que ladite task force, constituée notamment de dignitaires de l’administration de la FIFA, n’est pas indépendante.

En privé, ils ont accusé Gianni Infantino, élu en 2016 avec l’aide en sous-main des Etats-Unis, de vouloir « saborder » la candidature du Royaume. « Il est à mon avis indispensable qu’un dossier de candidature soit évalué techniquement et que, s’il ne remplit pas certains critères, il ne puisse pas être éligible pour l’organisation d’un Mondial, répond Infantino. Sans ce critère, on pourrait se retrouver avec Andorre ou San Marino éligibles. »

Sur la base de son rapport d’inspection, la task force a mis une note de 2,7 sur 5 au Maroc, soit juste au-dessus de la note minimale (2), et de 4 sur 5 au trio nord-américain. Le gouvernement de la FIFA a ainsi validé les deux ­candidatures le 10 juin, trois jours avant le congrès de Moscou, qui devrait avoir des allures de « vote pro ou anti Infantino », comme le suggère un fin observateur de l’instance.

Une donnée commerciale pose question avant le scrutin : l’octroi sans appel d’offres par la FIFA des droits télévisés pour le Mondial 2026 aux chaînes américaines Fox News et NBC-Telemundo. Selon le quotidien britannique The Daily Mail, la FIFA aurait par ailleurs exigé des clauses dans les contrats de transmission télévisée qui lui procureront une prime exceptionnelle de 302 millions de dollars (soit 255 millions d’euros aujour­d’hui) en cas de victoire du trio nord-américain. « Nous devrions connaître tout arrangement commercial ou bonus », insiste l’Australienne Bonita Mersiades, membre du groupe de pression New FIFA Now et très critique avant ce vote d’attribution sous tension.