Photo distribuée par l’ONG SOS-Méditerranée, prise à bord de l’« Aquarius », qui a recueilli 629 migrants samedi 9 juin et s’est vu opposer un refus de l’Italie d’accoster dans l’un de ses ports. / AFP PHOTO / KARPOV / SOS MEDITERRANEE

Davantage de protection pour les frontières, davantage d’argent pour la politique migratoire, faute de pouvoir intervenir concrètement dans l’affaire de l’Aquarius, le bateau de l’organisation SOS-Méditerranée transportant quelque six cents migrants et auquel le ministre de l’intérieur italien a refusé le droit d’accoster, la Commission élabore des projets. Avec l’espoir que le prochain budget européen lui permette de les réaliser.

Mais, mardi 12 juin, le commissaire aux affaires intérieures européen, le Grec Dimitris Avramopoulos, a surtout été été interrogé par les eurodéputés à Strasbourg sur la polémique née de la décision de Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur italien. MM. Avramopoulos et Salvini devraient se rencontrer lors d’une réunion informelle des ministres de l’intérieur, en Autriche, les 12 et 13 juillet.

En attendant, Bruxelles espère calmer le jeu avec Rome. Le commissaire salue « les efforts herculéens » de dirigeants et d’une population qui ont accueilli quelque 640 000 personnes depuis le début de la crise. Il tente de rassurer sur la politique de l’Union en soulignant que, désormais, 80 % des migrants qui arrivent en Europe sont identifiés et que 13 000 d’entre eux sont entrés en Italie depuis le début de l’année, contre 90 000 à la même période en 2017.

Un énième appel aux pays qui refusent les migrants

Au passage, le commissaire aux affaires intérieures insiste sur le montant de l’effort financier consenti jusqu’ici pour aider les autorités italiennes : 630 millions d’euros via le fonds pour la migration et l’asile, et 193 millions d’euros au titre de l’aide d’urgence. Il ne fera toutefois aucune déclaration sur le refus opposé à l’Aquarius, car il ne veut « montrer personne du doigt ». Il reste d’ailleurs persuadé que l’Italie continuera à « jouer son rôle ». Pour preuve, un navire des gardes-côtes a recueilli 937 migrants et devait arriver mercredi en Sicile.

La suite ? Bruxelles ne peut que plaider pour faire cesser la « partie de ping-pong » actuelle et prôner « une hospitalité partagée ». M. Avramopoulos lance, dès lors, son énième appel aux pays qui refusent l’accueil de migrants. Problème, les quatre membres du groupe de Visegrad ne sont plus seuls et reçoivent désormais l’appui de l’Italie, de l’Autriche, du Danemark et de la Belgique — ou du moins de son secrétaire d’Etat s’agissant de la dernière, le nationaliste flamand Theo Francken. La Commission confie toutefois son « espoir » que l’esprit européen puisse encore l’emporter. « Sinon, nous connaîtrons de grandes difficultés, car la politique migratoire remet en cause tout le projet européen », met en garde M. Avramopoulos.

Le commissaire préfère ne pas insister sur l’impasse des négociations concernant le règlement de Dublin, sujet que les chefs d’Etat et de gouvernement devaient régler à la fin juin et qui est renvoyé, au mieux, à l’automne. Une refonte des règles concernant l’enregistrement des étrangers apparaît pourtant comme le seul moyen véritable de soulager les pays de première arrivée, comme l’Italie, la Grèce et, dans une moindre mesure, l’Espagne.

Budget pour la surveillance des frontières

A défaut, la Commission confirme que la migration reste bien l’un des enjeux clés des prochaines années et propose que le budget 2021-2027 lui réserve 34,9 milliards d’euros — contre 13 milliards lors du dernier exercice. Dans ce cadre, c’est la surveillance des frontières extérieures qui sera privilégiée avec un corps de gardes-frontières et de gardes-côtes porté à 10 000 membres et un budget de 21,3 milliards d’euros et un nouveau fonds pour la gestion intégrée doté de 9,3 milliards.

Environ 4,8 milliards d’euros seraient affectés aux Etats membres pour qu’ils renforcent leurs infrastructures et instaurent un contrôle plus strict des visas qu’ils octroient ; 3,2 milliards d’euros iraient à l’aide d’urgence.

Un deuxième volet de mesures prévoit l’affectation de quelque 10 milliards d’euros aux fonds pour l’asile et la migration, pour soutenir à la fois les projets d’intégration et pour stimuler une politique de retours plus rapides.

Le tout supposant un accord des Vingt-Huit sur le cadre général du budget européen, ce qui, à ce stade, est loin d’être acquis.