Après avoir conquis les foyers américains, les enceintes connectées débarquent en France à grand renfort de publicité : Amazon lance son Echo mercredi 13 juin, Apple commercialisera sa Homepod le 18 juin, tandis que Google vend sa Home depuis octobre. Ces enceintes, connectées à Internet grâce au Wi-Fi, sont capables de répondre à des questions de culture générale et rendent divers petits services, comme la lecture de musique, ou l’annonce de bulletins météo. Faut-il les adopter ? Nous avons posé à Home et Alexa des centaines de questions pour évaluer leur efficacité.

  • Une poignée de services réellement intéressants

Premier bon point, certaines fonctionnalités font gagner du temps. En arrivant chez soi, on peut, par exemple, demander de lancer une musique avant même de poser ses clés en prononçant « OK Google, joue Foule sentimentale », ou encore « Alexa, joue du reggae » – à noter que cette fonction nécessite un abonnement musical payant type Deezer ou Spotify.

En cuisine, on peut programmer un minuteur tout en gardant les mains dans la pâte. Au salon, affalé devant la télévision, on peut demander l’âge d’un acteur sans taper une question bien orthographiée sur mobile. Dans chacune de ces situations, l’opération est plus rapide que sur mobile, puisque nous parlons plus vite que nous ne tapons.

La plupart du temps, ces trois services sont rendus correctement. Ils s’avèrent particulièrement pratiques quand le smartphone est éloigné et que nos mains sont occupées. Au petit matin, par exemple, on peut s’enquérir de la température en s’habillant. Et au moment de partir, quand on ne retrouve plus son smartphone, demander à l’enceinte Google : « où est mon téléphone ? » Le mobile sonne quelques secondes plus tard.

  • La domotique, au bonheur des geeks

Ces deux enceintes, Google Home et Amazon Echo, sont un peu plus volumineuses qu’une canette de Soda. Une version miniaturisée existe également, de la taille d’un camembert environ. / NICOLAS SIX / LE MONDE

Certains technophiles en rêvent : piloter leur maison à la voix. Les enceintes de Google et d’Amazon permettent, par exemple, de changer la température, d’allumer des ampoules, puis de changer leur couleur, et bien d’autres choses encore. Mais avant d’utiliser ces fonctions, il faut investir dans des produits domotiques connectés compatibles. Tous ne le sont pas, mais le choix est large. Une fois équipé, il faut s’armer de persévérance et aller chercher les modes d’emploi sur Internet.

Les plus patients pourront même programmer une suite de commandes. Par exemple, en prononçant « Alexa, me voici », l’éclairage s’éveille, le chauffage monte, et une musique se lance.

Côté divertissement, la Google Home et l’Amazon Echo permettent de lancer sur la télévision une série Netflix bien plus rapidement qu’avec la télécommande, à condition d’avoir branché à l’écran un petit lecteur vidéo (Google Chromecast ou Amazon FireTV). Ici encore, le paramétrage initial est complexe, et les services vidéo sont loin d’être tous compatibles.

  • Dures d’oreille

Ces enceintes sont donc agréables à utiliser quand elles comprennent bien les questions… Mais c’est loin d’être toujours le cas. Malgré leurs nombreux microphones, elles sont perturbées quand d’autres personnes discutent dans la pièce ou quand une musique joue à un volume élevé. Dans ce cas, il faut parler fort pour être entendu.

En environnement calme, les micros fonctionnent beaucoup mieux, mais l’intelligence artificielle de ces enceintes peine souvent à comprendre des phrases simples. Par exemple, la Home et l’Echo ne comprennent pas « en quelle année est né Jaurès ? », ni « quelle est l’année de naissance de Jaurès ? », mais seulement « quelle est la date de naissance de Jaurès ? ».

Le problème est d’autant plus gênant qu’à l’heure actuelle, ces défaillances sont aléatoires, la compréhension allant de correcte à médiocre selon les questions. Il n’y a que dans le domaine de la musique et de la météo que ces enceintes comprennent presque toutes les formulations possibles.

  • Beaucoup de fonctions frustrantes

Les enceintes connectées sont censées apporter des dizaines de services différents. Mais la plupart fonctionnent mal : elles génèrent des cascades de messages d’erreur agaçants. Par exemple, lorsqu’on demande à l’enceinte Google « note un rendez-vous avec Antoine mardi 16 à 15 heures », elle propose : « OK : 15 heures le 19 juin à 16 heures, voulez-vous enregistrer ceci ? »

L’information routière est plus capricieuse encore. Et lorsqu’on cherche un restaurant ou l’horaire d’un magasin, on constate que ces enceintes sont loin d’avoir une connaissance encyclopédique des commerces locaux. Même en posant une question de culture générale, on obtient rarement une réponse satisfaisante.

C’est d’autant plus frustrant que, selon nos tests, la version anglaise comprend bien mieux les questions, et ses réponses sont plus fiables. Au bout de trois échecs, on est pris par l’envie d’abandonner et d’ouvrir son smartphone.

  • Pas très futées

N’espérez pas discuter avec une enceinte connectée comme avec l’intelligence artificielle d’un film d’anticipation : elles sont incapables de tenir une conversation. Elles ne savent pas même résoudre un problème de maths de niveau CM2. Si elles paraissent parfois sagaces, c’est qu’elles empruntent leurs connaissances à des articles Wikipédia et à divers sites Internet.

Totalement dénuées d’empathie, elles répondent maladroitement aux questions délicates. Lorsqu’on prononce « je me sens terriblement seul », l’enceinte d’Amazon répond : « pour trouver des entreprises locales, vous devrez indiquer votre adresse dans les paramètres. » L’enceinte Google donne un peu d’espoir, en répondant : « Je suis là… et si vous vous changiez les idées ? » Mais quand on la relance avec un : « Comment ? », elle répond : « désolé, je ne comprends pas. »

En outre, ces enceintes sélectionnent les sources d’information à votre place, sans systématiquement les citer – ce qui change des smartphones, où chaque recherche mène à plusieurs réponses et sources identifiables.

  • Un espion à la maison

Ces deux enceintes disposent d’un bouton qui, selon leurs fabricants, permet de couper les microphones. / NICOLAS SIX / LE MONDE

Est-il prudent de faire rentrer des enceintes truffées de micros à domicile ? Selon Amazon et Google, ces micros enregistrent uniquement lorsqu’on prononce le mot-clé « Alexa » ou « OK Google ». Mais de temps en temps, elles se trompent en croyant reconnaître ce mot et capturent des conversations privées. Un bouton « stop » permet toutefois de désactiver les micros.

Comme tout objet connecté, ces enceintes présentent un risque de piratage. Par le passé, un chercheur en sécurité a d’ailleurs démontré qu’on pouvait transformer l’ancien modèle de l’enceinte Amazon en micro-espion à distance.

En outre, les enceintes de Google et d’Amazon collectent beaucoup de petits détails sur leurs utilisateurs en écoutant leurs questions. Ces informations leur permettent de bâtir un portrait-robot de chaque utilisateur servant à mieux cibler les publicités qui leur sont distribuées et qui font la fortune de Google.

En conclusion

Ces enceintes ont une véritable raison d’être : nous faire gagner un peu de temps et de sérénité. Mais elles répondent beaucoup trop souvent à côté – pour un acheteur, le risque de déception, voire d’abandon semble important. La prudence inciterait donc à attendre leur hypothétique maturation. Cependant, certains services comme la météo ou la musique fonctionnent déjà vraiment bien. Avec un prix d’appel à 50 euros, le tarif de ces enceintes étant relativement accessible, on peut prendre le risque de se tromper.

Les enceintes connectées sont plutôt pour vous si :
– vous êtes préposé au ménage, à la cuisine, au pouponnage, au bricolage ;
– un peu de paramétrage ne vous a jamais fait peur ;
– vous êtes curieux de comprendre comment fonctionne une IA, même basique ;
– vous avez une large consommation de séries et de musique.

Les enceintes connectées ne sont plutôt pas pour vous si :
– vous rêvez de discuter d’égal à égal avec une intelligence artificielle ;
– vous êtes perfectionniste et votre patience a des limites ;
– vous trouvez que les GAFA en savent déjà trop sur vous et votre famille.