Face à la polémique qui enfle depuis dimanche autour de la venue du rappeur Médine au Bataclan, où ont été tuées 90 personnes le 13 novembre 2015, le gouvernement s’interroge sur l’opportunité d’interdire les deux concerts prévus les 19 et 20 octobre, invoquant le risque de trouble à l’ordre public.

« Nous ne sommes pas maîtres de la programmation du Bataclan mais, comme vous le savez, tout ce qui peut amener un trouble à l’ordre public peut, dans les limites de la loi, pouvoir trouver une interdiction », a déclaré Gérard Collomb, le ministre de l’intérieur, mercredi 13 juin lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. « Nous verrons d’ici le mois d’octobre mais nous saurons toujours, avec le premier ministre, avec le gouvernement, prendre nos responsabilités », a-t-il ajouté.

Jusqu’à présent, le gouvernement se contentait d’opposer la règle de droit à ces appels. Le premier ministre a invoqué mardi le respect « scrupuleux » de « la loi » et de la « liberté d’expression ». « On peut se fixer comme règle simple (…) de vouloir en toute matière respecter la loi. Et la loi s’agissant d’un concert (…) est très simple : elle ne permet d’interdire que lorsque la programmation causerait un trouble manifeste à l’ordre public » en cas d’« incitation à la haine raciale », a déclaré Edouard Philippe devant le Sénat.

« Atteinte à la mémoire des victimes »

Depuis dimanche, les dirigeants du Rassemblement national Marine Le Pen et des Républicains Laurent Wauquiez, entre autres, dénoncent une atteinte à la mémoire des victimes et réclament une déprogrammation. A gauche, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a estimé que l’artiste devrait « lui-même se poser la question de savoir si sa présence » au Bataclan ne « justifierait pas une prise de distance » par rapport à d’anciens titres polémiques.

Une association de victimes des attentats du 13 novembre 2015 a estimé mercredi que les dirigeants du Bataclan « ont commis une faute en programmant le concert de Médine dans cette salle précisément, et précisément les 19 et 20 octobre 2018, soit 23 jours avant le troisième anniversaire des attentats », estime dans un communiqué l’association 13onze15 Fraternité Vérité. « Nous ne jugeons pas les propos de Médine. Toutefois, nous considérons que cette programmation est inopportune en ce lieu précisément », ajoute son président, Philippe Duperron, dont le fils a été tué au Bataclan.

De son côté, l’association de victimes des attentats du 13 novembre 2015 Life for Paris a rappelé sur Twitter que le Bataclan avait « aussi été victime des attentats du 13 novembre 2015 » et que la salle restait « complètement libre de sa programmation, sous contrôle de la préfecture de police de Paris ».

Le rappeur du Havre est l’auteur d’une chanson controversée, Don’t laïk – sortie en début d’année 2015, juste avant l’attentat contre Charlie Hebdo – dans laquelle il chante « Crucifions les laïcards comme à Golgotha » et « j’mets des fatwas sur la tête des cons » et qu’il décrit comme une « caricature tendue aux fondamentalismes ».

Dans un texte diffusé sur Twitter, Médine a renouvelé ses « condamnations passées à l’égard des abjects attentats du 13 novembre 2015 et de toutes les attaques terroristes » et fait part de son engagement contre « toutes formes de radicalisme ». Il accuse l’extrême droite de tenter « d’instrumentaliser la douleur des victimes et de leurs familles », de vouloir « dicter la programmation de nos salles de concert » et « plus généralement limiter notre liberté d’expression ».